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Quand la terre transpire la colère

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Tous les agriculteurs le savent : une année n’est pas l’autre. Une météo plus sèche, des pluies fréquentes, de l’avance ou, au contraire, du retard dans les travaux des champs, une mise à l’herbe prolongée… Rien d’anormal pour les cultivateurs et éleveurs, habitués à travailler avec le vivant. Mais, à ces phénomènes, dont certains prennent de l’ampleur et se répètent à une cadence jamais vue, s’ajoute le goût amer des crises à répétition.

Crise sanitaire, revenu en berne, crise énergétique, surcharge administrative, manque de reconnaissance… Faites vos jeux, rien ne va plus ! Face à cette situation, les fermiers français ont manifesté leur ras-le-bol en début d’année, rapidement suivi par leurs collègues allemands, néerlandais, espagnols, belges… Une mobilisation massive, tous secteurs et syndicats confondus, a permis d’entamer les discussions et d’obtenir quelques avancées, sur le plan de la politique agricole commune notamment.

Neuf mois plus tard, il reste cependant du travail. D’aucuns jugent les avancées obtenues insuffisantes, tandis que de nouvelles embûches sont venues entraver le quotidien des uns et des autres.

En grandes cultures, la filière pommes de terre a été à la peine au printemps, en raison d’un manque annoncé de plants. Du côté des céréales et betteraves, l’heure n’est pas aux réjouissances. La baisse des rendements, découlant des conditions climatiques de ces derniers mois, n’est pas sans impact sur la trésorerie.

Et que dire de la situation que vivent les éleveurs ovins et bovins ? Le sérotype 3 de la fièvre catarrhale ovine touche l’ensemble du pays, tandis que le sérotype 8 ainsi que la maladie hémorragique épizootique se rapprochent dangereusement de nos frontières, laissant craindre le pire. Certes, des vaccins sont disponibles, de même qu’une indemnisation a été annoncée pour les éleveurs wallons. Indemnisation qui, si elle apporte un peu d’oxygène, ne rencontre pas les attentes de simplification administrative sollicitées en début d’année. Les éleveurs disposaient, en effet, de moins de dix jours pour réunir les pièces justificatives et réaliser les démarches nécessaires, tout en poursuivant leur travail habituel.

Pour la Fédération des jeunes agriculteurs (Fja), qui s’exprimait le 25 octobre, par voie de communiqué de presse, sur l’ensemble de ces points, « la coupe est à nouveau bel et bien pleine dans les campagnes wallonnes ! ». D’autant que les négociations en cours dans le cadre de l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur suscitent bien des craintes quant à l’avenir de notre agriculture. « Les tensions au sein du monde agricole sont palpables », ajoute-t-elle.

Dans ce contexte, la Fja, comme ses homologues français de la Fnsea et des Jeunes Agriculteurs, prévient : la tension actuelle pourrait rapidement se transformer en un nouveau mouvement de colère, « dont les actions du début d’année n’ont été qu’un aperçu », assurent les représentants des jeunes agriculteurs wallons. Et la Fugea, toujours au sujet du Mercosur, de promettre qu’elle gagnera prochainement Bruxelles pour manifester son mécontentement face aux négociations en cours.

La colère risque donc, à nouveau, de soulever le monde agricole européen, lassé de répéter à tout va ses revendications. Si un mouvement d’une telle ampleur devait renaître dans les semaines à venir et conduire à de nouvelles discussions, nos femmes et hommes politiques ne pourraient plus se réfugier derrière des promesses. L’heure est à l’action ! Car l’immobilisme fait mourir notre agriculture à petit feu.

Jérémy Vandegoor

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