Accueil Equipements

Météo et pommes de terre (2/2): «Prouver que l’eau est utilisée au mieux»

Pomuni, acteur majeur du marché belge des pommes de terre fraîches, est en permanence à la recherche de solutions pour s’approvisionner en produits irréprochables. La quête de la durabilité fait partie de l’ADN de la société qui veut s’investir dans l’agriculture de précision. Dans ce cadre, l’irrigation raisonnée est un maillon essentiel pour la production de produits répondant aux attentes du public et permet d’économiser le bien commun qu’est l’eau.

Temps de lecture : 6 min

Bart D’Haeyere, responsable des cultures de Pomuni et des contrats avec les agriculteurs fournisseurs, est loin d’être novice en matière d’outils connectés pour piloter l’irrigation des pommes de terre.

Quelle fut votre réflexion sur les stations météo ?

Pour arriver à produire des pommes de terre en fonction de la demande du marché, l’irrigation raisonnée est un outil indispensable. Dans le passé, la province de Liège proposait un service payant, à un prix modique, pour le suivi des parcelles irriguées, car c’est en Hesbaye liégeoise se trouve la plus grande superficie de parcelles irriguées en Belgique.

Nous profitions de ce service pour surveiller une série de tensiomètres manuels dans les parcelles emblavées ainsi que d’un réseau de pluviomètres afin de détecter si la culture pouvait entrer dans la zone de stress hydrique et, ainsi, déclencher l’irrigation.

Les informations fournies par ce service avaient l’avantage d’exister mais la gestion de l’irrigation restait empirique et aurait sans doute été insuffisante dans les conditions actuelles, avec davantage de parcelles à surveiller et une pluviométrie encore plus hétérogène.

J’ai dû chercher une alternative pour gérer l’irrigation des parcelles sous la conduite de Pomuni, avec des capteurs d’humidité connectés et un logiciel de pilotage.

Il était pour nous essentiel de trouver des sondes de température accessibles financièrement, compte tenu du nombre nécessaire, et de disposer d’un outil d’aide à la décision simple à utiliser.

Sur base de ces critères, et avec l’accord de la direction, j’ai fait confiance à la société AgroExact, installée aux Pays-Bas, qui équipe depuis le début de l’année 2023 les parcelles d’une grande quantité de sondes d’humidité et de stations météo complètes chez une série d’agriculteurs qui sont des partenaires fidèles de l'entreprise.

Comment fonctionne le suivi des parcelles pour le pilotage de l’irrigation ?

Sur l’écran de l’application smartphone ou PC, on peut suivre l’humidité du sol qui varie entre la capacité au champ, la zone de confort pour la plante, la zone où il faut irriguer et, enfin, la zone de stress hydrique.

L’ensemble des données sont disponibles sur l’application (disponible, pour l’instant, qu’en néerlandais) et permet de suivre l’évolution de l’humidité du sol.
L’ensemble des données sont disponibles sur l’application (disponible, pour l’instant, qu’en néerlandais) et permet de suivre l’évolution de l’humidité du sol.

Les stations météo mesurent l’humidité du sol, la température et l’humidité de l’air, l’évaporation du sol et, sur certaines d’entre elles, la vitesse et la direction du vent. Ces mesures sont transmises en ligne vers l’application, pratiquement en temps réel. Celle-ci affiche aussi des prévisions météo qui sont la base des avertissements pour l’irrigation en fonction des prévisions de pluie, de l’évaporation et de l’évolution de l’humidité du sol.

Selon que la parcelle doit produire des pommes de terre à chair ferme ou pour les frites, l’irrigation sera modulée. En partant d’une plantation en mai, les pommes de terre à chair ferme seront irriguées entre fin juin à fin juillet pour stimuler le développement des stolons, alors que celles pour les frites seront irriguées plutôt entre fin juillet et fin août pour optimiser le rendement et la matière sèche.

Dès que le point à partir duquel l’irrigation doit être démarrée est atteint, je demande à nos collaborateurs ou à l’agriculteur de lancer l’irrigation qui se fait majoritairement avec des canons mais aussi avec des rampes d’aspersion. Dès que la sonde indique que l’humidité dans le sol est revenue dans la zone optimale, on peut stopper l’opération.

Avec l’application, nous pouvons gérer au mieux les apports d’eau. Tout retard se paie dans le rendement et/ou dans la qualité mais l’excès d’eau dans les buttes est aussi néfaste… C’est donc une conduite de grande précision.

L’irrigation raisonnée est non seulement importante pour avoir les calibres et/ou le rendement souhaités, mais est aussi un atout pour produire des produits de qualité où les risques comme la gale ou de taches bleues sont beaucoup plus limités.

Quel est votre bilan après deux saisons ?

Nos stations météo sont des outils uniques pour avoir des produits très homogènes, un rendement maximal avec le minimum de rebut. Il y a un très bon retour sur investissement, couplé à de belles économies d’eau.

Nos agriculteurs partenaires ont très vite compris tous les avantages de l’utilisation des stations et sont demandeurs de pouvoir s’en servir pour d’autres cultures, comme les oignons ou les carottes.

En plus du pilotage de l’irrigation, nos stations météo nous aident à combattre les infestations du mildiou avec un lien entre les données des stations et l’application Dacom qui nous envoie des avertissements pour démarrer les traitements. Cela se fait en ligne avec les entrepreneurs agricoles qui font le traitement pour nous, qui encoderont aussi les travaux réalisés pour chaque parcelle dans l’application. Nous avons ainsi une documentation digitale de chaque parcelle : mesures météo, avertissement mildiou, traitement avec les dates et heures et les doses. C’est une traçabilité parfaite pour les produits mis sur le marché.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Irriguer nos parcelles est inimaginable sans le pilotage des stations météo avec l’application que nous utilisons. En plus de l’avantage économique dont je viens de parler, ces outils numériques nous donnent aussi des atouts importants impossibles à chiffrer.

Parlons d’abord des relations avec les nombreux agriculteurs qui sont nos partenaires, dont la plupart sont localisés en Wallonie où se trouvent les meilleures terres irrigables en pommes de terre. L’irrigation raisonnée renforce notre partenariat. La preuve en est qu’ils sont demandeurs pour utiliser nos données pour d’autres cultures irrigables.

Cela nous permet de cultiver l’image de l’agriculture envers le grand public, en prouvant que l’irrigation est raisonnée et que l’eau, notre bien commun, est utilisée au mieux pour les cultures et aussi pour l’environnement. Cela correspond très bien à la stratégie de Pomuni d’avoir des activités durables à tous les niveaux : l’approvisionnement, le stockage, l’emballage et la distribution des produits livrés au client final.

À l’avenir, avec les changements climatiques, si nous voulons avoir l’autorisation d’utiliser l’eau pour les cultures, nous pensons qu’il faudra être équipé de ces outils pour justifier aux autorités les preuves de gestion raisonnée de l’eau.

L’irrigation raisonnée est donc un « must » pour l’avenir dans un contexte de changements climatiques.

Maurice Malpas

Waldigifarm

A lire aussi en Equipements

Voir plus d'articles