Désherbage du maïs (1/3): malgré l’apparition d’une nouveauté, la lutte contre les adventices se complique
Bien qu’un nouvel herbicide ait été mis sur le marché, la lutte contre les adventices se complique progressivement en culture de maïs. En cause ? La disparition effective, mais aussi prochaine, de certaines matières actives. De ce fait, la stratégie déployée sur le terrain doit une nouvelle fois être adaptée. Tenant compte de ces évolutions, le Cipf expose ses recommandations pour un désherbage réussi, en pré ou en postémergence, face aux dicotylées annuelles et autres graminées estivales.

Les essais mis en place au cours des dernières années par le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) montrent que les difficultés rencontrées en céréales ne trouvent pas systématiquement une solution en culture de maïs pour éliminer ray-grass, vulpins voire sétaires. Le retrait du S-métolcahlore réduit les possibilités même si une nouvelle association apparait sur le marché. Par ailleurs, l’extension des surfaces concernées par le souchet comestible dans le Hainaut nécessite la plus grande vigilance.
Des retraits… et un nouveau produit
Outre le retrait des autorisations des produits à base de S-métolachlore (lire par ailleurs), plusieurs points sont à épingler dans la liste des produits phytosanitaires disponibles.
La seule nouveauté : Dragster
Cette nouvelle association, commercialisée par Corteva Agriscience, contient 148,15 g/kg de rimsulfuron, 92,6 g/kg de thifensulfuron-méthyle et 111,11 g/kg d’isoxadifen-éthyl. Agréée à la dose maximale de 135 g/ha, du stade 1ère jusqu’à la 8e feuille visible, elle se présente sous forme d’un granulé à disperser dans l’eau (WG). Il peut être utilisé en une seule application ou fractionné en deux applications de 67,5 g/ha. Dans la majorité des associations, il sera accompagné d’un mouillant non ionique ou d’une huile végétale. Une zone tampon de 20 m par rapport aux eaux de surface et l’utilisation de jets antidérive de minimum 90 % doivent être respectées. Les essais menés par le Cipf depuis plus de quatre ans ont permis de confirmer sa bonne efficacité contre panics, sétaires, pâturins, chénopodes, mourons, matricaires, érodiums et séneçons.
Dernière saison d’utilisation pour le tritosulfuron
Le 31 octobre 2024, la Commission européenne a décidé de ne pas renouveler l’approbation de la substance active « tritosulfuron » au niveau européen. En culture de maïs, cela concerne les produits Callam, Frisk et Piorun. Leur utilisation reste autorisée jusqu’au 31 juillet 2025.
Principalement utilisés en lutte contre liserons des haies ou dans les schémas sans terbuthylazine contre dicotylées difficiles telles que renouées des oiseaux, ceux-ci pourront être remplacés à l’avenir par des produits de type Casper ou Peak.
Retrait des autorisations des produits à base de flufénacet en vue !
L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a estimé, dans une évaluation de septembre dernier, que le flufénacet était un perturbateur endocrinien et que son produit de dégradation, l’acide trifluoroacétique (TFA) était un contaminant majeur de l’eau. Bien qu’utilisé uniquement en association avec de la terbuthylazine via les produits Aspect T, Andes et Promess, le flufénacet est d’une grande utilité par voie racinaire contre de nombreuses graminées annuelles. Cette matière active est également incontournable dans la lutte contre les graminées résistantes tels vulpins ou ray-grass…
Le retrait du flufénacet va également complexifier les traitements de préémergence. En effet, cette matière active est la seule associée à la terbuthylazine qui peut être appliquée en préémergence et qui peut assurer, avec le Stomp Aqua comme partenaire, un désherbage complet, renouées comprises. Si l’on sait que l’association flufénacet + terbuthylazine pourra encore être utilisée cette année, au moment de la rédaction de cet article, aucun délai de vente ou d’utilisation n’a encore été publié par le Comité d’agréation.
Limitation pour l’application de la terbuthylazine
Depuis le 21 mai 2021, un nouveau règlement d’exécution de la Commission européenne concernant les conditions d’approbation de la substance active « terbuthylazine » a été voté afin d’éviter la contamination des eaux souterraines
Faisant suite à cette décision, le Comité d’agréation avait revu les autorisations de l’ensemble des produits à base de terbuthylazine pour en limiter l’usage à une seule application tous les trois ans sur une même parcelle et à une dose maximale de 750 g/ha à partir de 2022 avec effet rétroactif. Les utilisateurs doivent tenir compte des applications effectuées les années précédentes sur une même parcelle.
Cette restriction s’appliquant depuis 2022, cela signifie que les agriculteurs qui ont utilisé un produit à base de terbuthylazine sur une parcelle en 2023 et 2024 ne pourront pas appliquer cette matière active en 2025.
Sont concernés par cette modification les produits suivants : Akris, Andes, Aspect T, Promess, Calaris, Callistar, Click pro et Click Premium.
Réussir le désherbage de préémergence
Les produits racinaires agissent principalement sur les graines en germination par absorption par le coléoptile (gaine protectrice des cotylédons) ou les racines séminales. Ils doivent être appliqués avant la levée des adventices, bien répartis sur le sol en l’absence de grosses mottes et de semences de maïs en surface. L’efficacité d’un herbicide de préémergence est dépendante de trois paramètres : la présence d’eau dans les premiers centimètres du sol, la teneur en argile et la teneur en matière organique.
L’humidité du sol est le facteur essentiel. En effet, seule la partie qui est dissoute dans la solution du sol sera efficace vis-à-vis des adventices. On notera toutefois des différences de solubilité dans l’eau entre substances actives. À titre d’exemple, l’efficacité du diméthénamid P (1.499 mg/l à 20°C) très soluble dans l’eau sera moins affectée en conditions plus sèches que la pendiméthaline qui est nettement moins soluble (0,33 mg/l à 20°C). Dans les mêmes conditions, la pethoxamide se situe respectivement à 400 mg/l.
Les teneurs en argile et en matière organique influencent également le contrôle des adventices. Des taux élevés bloquent les substances actives qui ne seront plus disponibles pour assurer la destruction des mauvaises herbes.
La réussite d’un traitement de préémergence est fortement tributaire de la qualité de préparation de sol et des conditions d’humidité au moment de l’application. Privilégier les interventions dans les 48 heures après le semis permet souvent de bénéficier de l’humidité en surface du sol et de favoriser la bonne régularité du film herbicide formé.
La pluviométrie post-application est également importante. En effet, pour obtenir une efficacité optimale des produits racinaire, 1 à 15 mm de pluies sont nécessaires dans les dix jours.
Avec quels herbicides ?
En présence de terbuthylazine, lorsque ces conditions favorables sont réunies, il est possible de composer des associations permettant d’éliminer l’ensemble des annuelles classiques. Par contre, les vivaces (liserons, rumex, chardons, chiendents…) imposent une intervention en postémergence. Un traitement
Certaines substances actives (flufénacet, isoxaflutole, pendiméthaline) utilisées en préémergence ont une sélectivité de position. Elles ne peuvent entrer en contact avec la graine de maïs en germination (profondeur de semis de 3 à 5 cm nécessaire). L’application sur un sol sec avant une pluie abondante n’est donc pas sans risque, surtout s’il s’agit d’un sol léger.
La réussite est toutefois liée à une bonne préparation du sol (terre suffisamment émiettée) et à une humidité suffisante au moment du traitement. Les traitements conseillés sont décrits dans le tableau 2. En fonction de la combinaison choisie, quelques adventices peuvent leur échapper.
La « post », avec recours à la terbuthylazine
En présence de dicotylées annuelles, le schéma de base sera constitué d’une association d’une tricétone (mesotrione ou tembotrione) combinée à la terbuthylazine et à un radiculaire
La mésotrione est notamment utile contre les chénopodes et arroches moins bien contrôlés par tous les produits radiculaires (excepté la pendiméthaline). En cas d’utilisation de la mésotrione, les panics pied-de-coq et sétaires doivent être détruits par l’action de contact d’un nicosulfuron ou du
Vu leur faible rémanence, il faudra ajouter au traitement 1,6 l d’
Le stade optimum de traitement pour une bonne efficacité (destruction des adventices présentes et rémanence suffisante) se situe entre le stade 4e et 5e feuille visible du maïs (post précoce) lorsque le traitement inclut de la terbuthylazine. Les panics et sétaires les plus développés ont alors généralement atteint le stade 3 feuilles à début tallage.
Le Capreno TCMax est composé de tembotrione et renforcé par la thiencarbazone méthyl qui apporte un complément d’efficacité sur renouées des oiseaux et matricaires.
Lorsque la terbuthylazine ne peut être utilisée
Pour les agriculteurs qui souhaitent ou doivent traiter sans terbuthylazine, il faudra intervenir plus tôt, de préférence au stade 3 à 4e feuille visible du maïs et être attentif à la flore observée sur la parcelle. La présence de vulpin, pâturin, jouet du vent, mercuriale, renouée des oiseaux, renouée liseron et matricaire repiquée imposera bien souvent l’ajout d’un produit complémentaire (
Il convient toutefois d’être vigilant vis-à-vis de certains mélanges. En effet, le Monsoon Active 0,75 l, le Maïster Power 0,75 l ne peuvent pas être associés à Laudis OD lorsque la dose appliquée est supérieure à 1,5 l (risque de phytotoxicité).
Eviter la présence de matricaires repiquées
La matricaire n’est difficile à éliminer que si elle a été repiquée par les travaux de sol (cas de non-labour ou de labour reverdi). En postémergence, lorsque les matricaires ont moins de 10 cm, les associations classiquement utilisées (Laudis 1,75 l + Aspect T 1,75 l) les contrôlent parfaitement
En présence des matricaires repiquées (tableau 6), les meilleurs résultats sont obtenus avec l’ajout de 20 g de Peak aux mélanges classiques à base de Callisto 100SC. Le Peak (75 % de prosulfuron) peut être appliqué du stade 2 à 9 feuilles du maïs mais agit assez lentement. Il faudra donc être patient avant de voir ses effets.
Sur digitaires : Laudis reste la seule solution !
Si les parcelles où on retrouve des digitaires restent nettement moins fréquentes que les parcelles avec sétaires et panics, les cas rencontrés sont de plus en plus courants et les régions concernées plus nombreuses d’année en année. Si le nord du pays est le plus concerné, on rencontre également la digitaire filiforme et, occasionnellement, la digitaire sanguine dans certaines parcelles dans l’ouest du Hainaut, au nord-est de Liège, en Brabant, surtout en sols légers et sols sablonneux de la région jurassique. Leur levée est plus tardive que celles des autres graminées.
Quel traitement face aux panics dichotomes et panic schinzii ?
Ces graminées, essentiellement localisées en régions sablonneuses du nord du pays, en Campine, se retrouvent depuis quelques années dans quelques régions de Wallonie (Pays de Herve, Brabant wallon).
Le traitement Laudis 2,0 à 2,25 l + Aspect T 2,0 l ou Akris 2,0 l a confirmé son excellente efficacité contre ces graminées. En préémergence, en conditions humides, leur destruction était complète en apportant comme radiculaire le Frontier Elite 1,4 l ou Akris 2,25 l. L’Adengo 0,33 l en préémergence et le Laudis 2,0 l + Frontier Elite 1,0 l au stade 1 à 3 feuilles des graminées assurent également un contrôle total des panics schinzii.
En 2021, sur une parcelle fortement envahie de panics dichotomes, en absence de terbuthylazine, les meilleurs résultats ont été obtenus en un seul passage ; soit en préémergence avec Adengo 0,25 l + Frontier Elite 0,8 l, soit en post précoce avec Laudis 2,25 l + Frontier Elite 0,75 l + Samson Extra 60OD 0,3 l.
Enfin, il ressort que le succès d’un traitement postémergence face à ces nouvelles graminées n’est garanti que par une pulvérisation en conditions d’humidité satisfaisante et à des stades très précoces des adventices (maximum au stade deux à trois feuilles étalées à talle 1 cm). Passé ce stade, la destruction devient nettement plus problématique.
Le vulpin et le ray-grass résistants aux sulfonylurées, une nouvelle difficulté en maïs
Dans quelques parcelles, le ray-grass et les vulpins résistants aux sulfonylurées ont fait son apparition. L’importation de paille provenant du bassin parisien est à l’origine, dans certaines situations, de l’extension du ray-grass.
Les premiers essais, réalisés en 2019 et 2020, avaient montré les limites des herbicides actuellement disponibles en maïs. En 2024, un nouvel essai a été installé à Haulchin sur une parcelle présentant une infestation moyenne de ray-grass résistants (13/m²). Tous les traitements ont été appliqués en post très précoce sur des ray-grass de 1 à 3 feuilles. Vingt-et-un jours après les traitements, aucun antigraminée spécifique (nicosulfuron, foramsulfuron) n’est parvenu à détruire le moindre ray-grass présent.
Un premier cas de résistance aux sulfonylurées sur sétaires
En 2024, dans la région d’Hélècine, le Cipf a découvert plusieurs parcelles envahies de sétaires verticillées présentant des cas de résistances au nicosulfuron. Même si la résistance des sétaires vertes aux ALS est connue en France depuis 2011, il s’agit d’une première détection en Belgique. Dans le cadre d’un essai réalisé dans cette région, des traitements de postémergence à base de Samson Extra 60OD 0,5 l + Frontier Elite 0,7 l ont réduit les populations de sétaire sous l’action du Frontier Elite mais aucune destruction des sétaires déjà levées lors des traitements n’a été constatée.
Des essais seront entrepris en 2025 pour évaluer le type de résistance concerné et rechercher des solutions pour la contrôler.
Centre pilote maïs, Cipf, UCLouvain – Louvain-la-Neuve