Le noisetier, une nouvelle voie de diversification
Étaler de la pâte à tartiner sur notre tartine du matin est devenu une habitude. Il y a quelque année, l’huile de palme était au cœur des débats mais qu’en est-il de la noisette ? Majoritairement produit en Italie, le noisetier se plaît cependant dans nos régions et y pousse spontanément. Il y a quelques années, Benoît Genin et Pierre-Olivier Bonhomme se sont lancés dans la production de noisettes belges, une culture fascinante mais qui nécessite connaissances et savoir-faire.

C’est en 2015, lors d’un voyage en Italie, que Benoît Genin a eu l’envie de se lancer dans la production de noisettes. Après plusieurs années de recherches et s’être associé avec Pierre-Oliver Bonhomme, il a créé la société Agronuts et a planté 20 ha de noisetiers.
De la pépinière à la récolte des noisettes
Aujourd’hui, Agronuts propose différents services, de la fourniture des plants à l’achat de la récolte.
Les plants de noisetier sont produits en Italie, chez un pépiniériste du Piémont. Cette région est reconnue pour son expertise et son savoir-faire. Elle est d’ailleurs considérée comme le leader mondial de la noisette.
Le bouturage est la méthode utilisée pour multiplier les noisetiers. Ce type de reproduction est dit asexué, ce qui signifie que les plants obtenus ont la même génétique, identique à celle du parent.
C’est d’ailleurs à partir d’un pied-mère, taillé chaque année, au niveau du sol, que seront obtenus les rejets. Ces derniers sont sélectionnés après un an sur le pied-mère, ensuite sevrés et remis en culture une année pour terminer leur développement et donner les plants qui seront placés dans les champs. Chaque plant possède un « pass » sanitaire qui garantit l’absence de maladies.
Concernant la plantation, les agriculteurs, qui souhaitent se lancer dans le projet, peuvent tout à fait planter les noisetiers eux-mêmes ou faire appel à Agronuts.
L’entreprise établit également des contrats pour l’achat des noisettes qui seront valorisées dans sa chaîne de transformation.
Valoriser l’interligne avec une seconde culture
Quatre années sont nécessaires au noisetier avant la première récolte et la pleine production est seulement atteinte en septième année. Un verger peut être exploité environ 30 ans. L’intensivité de la conduite culturale influence la pérennité de la culture, ainsi la densité, l’entretien, la taille sont des paramètres qui favorisent potentiellement l’arrivée précoce de problèmes de production.
Dans les premières années sans production, il est tout à fait envisageable d’implanter une seconde culture dans l’interligne. Pierre-Olivier, responsable de la gestion agronomique du verger, cite par exemple une prairie ou encore des céréales, du potimarron, des haricots et des pommes de terre grenailles.
L’implantation idéale pour les noisetiers et une valorisation de l’interligne est en 7 m (entre les lignes) par 2,5 (entre les plants). Un bon précédent cultural est une prairie temporaire car elle procure une meilleure structure du sol et peut être conservée lors de la plantation. Le travail du sol sur 1 m suffit pour repiquer les noisetiers. Le type de machine à employer pour la plantation est muni d’un socle qui ouvre la terre et de deux disques qui referment la ligne et nécessitent une terre affinée. Pour une meilleure croissance, le noisetier a besoin d’un sol bien structuré. Pierre-Olivier conseille même donc dans certains cas d’effectuer un sous-solage avant d’y installer la culture.
Durant les quatre ou cinq premières années, la gestion de la ligne et de l’interligne est un élément important. Il faut notamment veiller à ne pas avoir de concurrence au niveau du pied de l’arbre. Pour ce faire, plusieurs moyens existent.
En agriculture biologique, le désherbage mécanique reste le plus efficace, notamment à l’aide d’une fraise que se replie devant chaque arbre. Ce passage à la fraise doit être réalisé quatre fois par an. Un autre avantage notable de cette pratique est qu’elle permet de casser la conductivité hydrique en ouvrant la terre et permet dès lors de diminuer l’évaporation, ce qui est un réel bénéfice pour les années sèches. Au-delà de ces premières années, il n’est plus indispensable de détruire le couvert aux pieds du noisetier puisque son système racinaire sera suffisamment développé.
En agriculture conventionnelle, du glyphosate peut être appliqué au début puis être remplacé par un herbicide de contact.
Une pratique décisive
Tailler le noisetier est une étape cruciale pour la production de fruits. Les branches ne porteront des noisettes que si elles sont exposées à suffisamment de luminosité. La forme idéale est dite en gobelet et se caractérise par un petit tronc de 50 cm et des branches formant « un vase vide » (sans branche dans le centre du noisetier).
Tous les ans, en fin de saison, il est nécessaire de pratiquer la taille de formation pour dégager le cœur de l’arbre, dès la première année de culture.
Lors de cette première année, la cime du noisetier est coupée à la hauteur du genou pour forcer la production des branches et de ramifications latérales.
La taille d’entretien consiste à couper les branches qui se croisent ou qui s’étendent un peu trop dans la ligne.
Un autre type de taille est également indispensable : la taille des rejets. Celle-ci a lieu deux fois par an, l’une en saison de végétation (vers la mi-juin ou la fin juin) et l’autre en hiver. Les rejets sont des branches végétatives qui poussent aux pieds de l’arbre et qui ne porteront aucun fruit tout en consommant beaucoup d’azote pour leur croissance. Le rythme moyen de cette pratique est de 250 arbres taillés par jour. À savoir qu’un hectare contient 500 arbres, deux jours sont nécessaires par parcelle d’un hectare.
« Tailler le noisetier n’est pas compliqué néanmoins il faut être rigoureux », nous explique Pierre-Olivier.
En agriculture conventionnelle, l’emploi d’un herbicide de contact peut éliminer les rejets. Cependant, cette méthode est assez coûteuse et ne peut être réalisée qu’à partir de la quatrième année pour éviter d’impacter la production de noisettes. Une machine a également été conçue pour l’élagage des rejets mais est très lente. Dans de nombreux cas, il est plus avantageux de tailler à la main.
Fertiliser en fonction de la production
Comme toute culture, le noisetier a également besoin d’azote. Tant que le verger ne produit pas, ses besoins restent faibles. Pour la première année de culture, Pierre-Olivier conseille d’amender uniquement en matière organique (fumier, lisier, fiente), notamment pour améliorer la structure du sol.
La dose d’azote apportée devra augmenter d’années en années : 20 unités en deuxième année, 30 en troisième, 50 en quatrième… et ainsi de suite pour atteindre les 90 unités en septième année. Évidemment, la quantité doit être adaptée à la production de noisettes. En pleine production, un verger d’un hectare de noisetier peut donner 2.500kg de noisettes.
Le phosphore et le potassium sont aussi des éléments importants et sont respectivement conseillés à 25 et 40 unités. Ils peuvent être simplement appliqués sous forme de fumier mais en ce qui concerne l’azote, il doit être complémenté par de l’engrais.
L’idéal est de disposer l’engrais de manière uniforme dans le verger les premières années et de le localiser dans la ligne durant les années de production.
Des ennemis aussi…
Deux ravageurs du noisetier sont à surveiller.
Le premier est un acarien, le phytopte. Celui-ci crée des galles au niveau de bourgeons qui finiront par tomber et ne donneront pas de branches ni de feuilles. Un moyen de lutte consiste à pulvériser du soufre que les parties foliaires de l’arbre. Un engrais soufré suffit et doit être appliqué deux à trois fois par saison. Une première fois fin avril, puis 15 jours après pour la deuxième application. Certaines variétés sont plus sensibles que d’autres (comme la Tonda Gentile). Pour statuer du moment opportun de la pulvérisation, il suffit d’observer les bourgeons galeux : si les acariens s’activent, il est temps de réaliser la première application.
Le second ravageur est le balanin des noisettes, aussi appelé le ver de la noisette. Ce charançon passe une grande partie de son cycle de développement dans le sol. Une fois l’adulte émergé, celui-ci quitte le verger un moment pour y revenir pondre sur la noisette. La larve se nourrit ensuite de l’amande de la noisette. Le fruit finit par tomber de l’arbre et la larve retourne dans la terre. Elle peut notamment y rester entre un et trois saisons avant de ressortir au stade adulte et recommencer son cycle. Toutes les variétés sont touchées par cet insecte.
Une manière d’empêcher sa prolifération est de récolter les noisettes tombées (celles infestées sont les premières à tomber) et de les brûler. Après la récolte, il est également possible d’injecter dans le sol une bouillie contenant des nématodes, parasites du balanin. Cette technique n’est cependant pas infaillible car les nématodes ont besoin de conditions humides pour se déplacer.
Actuellement, aucun produit phytosanitaire n’est homologué pour la culture du noisetier mais certains le seront certainement à l’avenir, autant pour l’agriculture conventionnelle que pour la biologique.
Cependant, il est possible d’agir préventivement en employant par exemple des algues en application foliaire pour renforcer la plante face aux stress d’ensoleillement ou encore en appliquant du cuivre pour prévenir de l’anthracnose en année humide.