Courrier des lecteurs: «Le maïs, un mal-aimé sociologique»
Chaque année, quand les bennes passent et repassent pour l’ensilage du maïs, je me sens gagné par l’émotion en pensant à cette plante, si mal-aimée par nos concitoyens.

Je ne parle pas des agriculteurs. C’est aujourd’hui la plante la plus cultivée dans le monde.
Personnellement, je la remercie d’avoir souvent provoqué bien des débats avec mes amis naturalistes, et indirectement, d’avoir souvent pu évoquer positivement l’agriculture en faisant tomber quelques préjugés.
Le brave maïs s’est en effet mis beaucoup de monde à dos : les bobos, les cocos, les fachos et même les cathos. Est-ce possible ? Rien de scientifique dans les reproches évoqués et un peu d’humour dans les explications qu’on peut donner…
Pour les randos de juillet- août par exemple, j’ai déjà entendu que le maïs fermait le paysage, qu’on ne voit plus les points de vue, bref, qu’il est trop grand deux mois par an.
Pour d’autres, c’est une plante issue de l’immigration puisqu’inconnue chez nous avant Christophe Colomb. Ceux qui font profession de ne pas aimer les migrants ont facilement le réflexe d’auto-défense par rapport à l’étranger.
Les cathos ? Nous avons la culture « du pain et du vin » depuis 2.000 ans. Le maïs a fait partie des divinités mayas et aztèques, il faut donc s’en méfier… Certes, je n’en ai jamais entendu parler en chaire de vérité. Il est vrai que le maïs, vulgarisé dans l’après-guerre par le professeur Ledent et le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf), a vu sa croissance évoluer de manière inversement proportionnelle à la fréquentation dominicale des églises.
Quant aux cocos et socialos, ce sont les mots-clés qui leur font peur. Le maïs est une plante en C4 ; et qui dit « C4 » fait penser à la feuille de licenciement quand on est syndiqué. Je dois leur expliquer que cela n’a rien à voir. La plupart des plantes sont de type C3 : la première molécule qu’elles fabriquent par photosynthèse derrière leurs stomates contient trois atomes de carbone.
Et je poursuis en leur expliquant que quelques espèces, qui se sont développées en milieu tropical, ont trouvé l’astuce génétique pour concentrer quatre atomes de carbone à partir du CO2 qu’elles ont fixé. Il s’agit du maïs, du mil, du sorgho, de la canne à sucre et du miscanthus, notamment. Ce serait 3 % des espèces mais 23 % du CO2 fixé au niveau planétaire, selon l’I.A.
Génial au niveau « bilan carbone ». Les écolos devraient applaudir. Et bien non. Ils ont sans doute entendu, comme moi, Yannick Jadot et d’autres experts condamner le maïs parce qu’il consomme de l’eau en plein été. De fait, mais si les agriculteurs choisissent d’irriguer le maïs, c’est justement parce qu’il consomme 30 % d’eau en moins que les autres plantes quand il fait chaud.
C’est la force des plantes en C4 d’être encore efficaces quand l’eau est un facteur limitant. Le maïs peut prétendre monter en haut du podium au niveau du bilan énergétique.
Mais qu’en pensent les premières intéressées, celles qui en consomment le plus, nos vaches ? Elles apprécient toute l’énergie qui s’y trouve mais demandent un complément riche en protéines. Le soja par exemple. Et qui fournit ce complément depuis l’après-guerre ? L’oncle d’Amérique, quoique Trump ne doit pas être au courant. Il ne s’en vante même pas.
Par contre, l’ong américaine Greenpeace n’est pas en reste. Elle milite contre la production de soja ogm chez nous mais absolument pas chez elle, aux « States ». Curieusement, silence radio concernant l’importation de son tourteau en Europe.
De Gaulle avait déjà tout compris : « Les États-Unis n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts ».
Et les agriculteurs ont une avocate extraordinaire pour défendre leur cause, c’est Sylvie Brunel qui a consacré à « Sa Majesté le maïs » un livre d’une grande vérité.