Bail à ferme: «L’écrit, c’est la transparence de l’accord»
Les baux à ferme verbaux, conclus d’une simple poignée de main, reflètent une tradition ancestrale de nos campagnes. Cependant, cette habitude est source d’insécurité et, sur volonté du législateur, doit céder sa place à l’accord écrit. Un contrat qui ne présente que des avantages, à en croire les notaires David Remy et Alain Caprasse, habitués à rappeler combien le bail écrit sécurise et clarifie la relation entre bailleur et preneur.

Donner date certaine au bail
Outre son caractère obligatoire pour les nouveaux baux, l’écrit revêt plusieurs avantages.
Premièrement, il contient diverses mentions, elles aussi obligatoires :
– l’identité des parties contractantes (personnes physiques ou morales) ;
– la date de prise de cours du bail ;
– la durée du bail ;
– l’identification des parcelles (dont la commune dans laquelle elles se situent) ;
– le revenu cadastral non indexé de chaque parcelle ainsi que la région agricole dans laquelle se situe chaque parcelle.
« L’écrit confère également une date certaine au bail », insiste David Remy, lui aussi notaire et porte-parole de notaire.be. Et de compléter : « Cela permet de rendre le bail opposable en cas d’aliénation (vente, donation…) du bien ». En effet, à défaut de bail écrit, et donc de date certaine, l’acquéreur de la parcelle agricole concernée peut donner congé au preneur en place pour motif d’occupation personnelle, moyennant un préavis de six mois dans les trois mois de l’acquisition. Ceci, dans le cadre de l’article 55 de la loi sur le bail à ferme, et pour autant que l’acquéreur réponde aux conditions légales requises pour donner congé pour occupation personnelle. Pour le preneur dont la terre est vendue, la situation peut donc évoluer très rapidement en l’absence d’écrit.
Par ailleurs, certains baux à ferme doivent obligatoirement être écrits. C’est le cas des baux de plus de neuf ans, de longue durée, de carrière, de courte durée, de fin de carrière et d’adjonction de parcelle (ajout d’une terre à un bail existant).
« Travailler par écrit est également requis pour donner congé en vue d’une vente, déclarer qu’un terrain est à bâtir ou à destination industrielle, prévoir des clauses environnementales (maintien de haies ou d’un bosquet, par exemple), se réserver le droit de donner congé en cas de décès du preneur ou encore prévoir des autorisations diverses », ajoute-t-il.
Plusieurs atouts aux baux notariés…
Selon les représentants de notaire.be, il existe également d’autres avantages à passer par un bail notarié (qui est, forcément, écrit). Alain Caprasse : « Tout d’abord, le notaire conseille les deux parties quant à cette loi, technique, tout en étant impartial. Ensuite, il traduit correctement les volontés du preneur et du bailleur par écrit, dans le bail. En bref, l’écrit, c’est la
Ce dernier conjugue une force probante renforcée et une force exécutoire. « En d’autres termes, il fait office de preuve car l’écrit démontre quelle est la nature de l’accord qui a été pris entre le propriétaire et l’agriculteur. En tant qu’acte authentique, il confère également une date certaine au contrat. Enfin, son caractère exécutoire permet aux parties de faire valoir leurs droits en sollicitant l’exécution des termes du contrat. »
La loi impose encore qu’un bail de longue durée ou de carrière soit constaté par acte authentique devant un notaire (ou un comité d’acquisition).
… y compris de possibles avantages fiscaux
Enfin, certains avantages fiscaux sont réservés aux baux notariés et transmis à l’Agence du foncier agricole (hébergée au sein du Spw Agriculture, Ressources naturelles et Environnement). Le but : favoriser le recours à l’écrit.
C’est le cas, d’une part, de la majoration des fermages et, d’autre part, de la réduction des droits de donation et de succession pour les baux de longue durée et de carrière.
Pour rappel, ladite réduction dépend du type de bail concerné et de la surface des terres :
dans le cas d’un bail de longue durée, conclu pour une durée minimale de 27 ans :
– si le preneur a 35 ans ou moins, 55 % de réduction sur les 4 premiers hectares faisant l’objet du bail transmis et 30 % de réduction pour les hectares suivants ;
– si le preneur a plus de 35 ans, 45 % de réduction sur les 4 premiers hectares faisant l’objet du bail transmis et 20 % de réduction pour les hectares suivants ;
dans le cas d’un bail de carrière, se terminant à la pension à 67 ans :
– si le preneur a 35 ans ou moins, 75 % de réduction sur les 4 premiers hectares faisant l’objet du bail transmis et 50 % de réduction pour les hectares suivants ;
– si le preneur a plus de 35 ans, 65 % de réduction sur les 4 premiers hectares faisant l’objet du bail transmis et 40 % de réduction pour les hectares suivants.
Et dans le cas des anciens baux verbaux ?
La question des anciens baux verbaux revient fréquemment sur le devant de la scène et n’est pas sans inquiéter bailleurs, preneurs, notaires ou encore avocats… « Ceux-ci sont présumés avoir débuté le 1er janvier 2002 et se terminer 36 ans plus tard, soit le 31 décembre 2037 », commente Corentin Moreau, juriste à l’Agence du foncier agricole. « Cependant, des craintes quant à d’éventuels conflits relatifs à la date de début de bail existent, car il s’agit d’une présomption », enchaîne-t-il.
En effet, les risques de litiges sont bien présents dans le sens où le bailleur pourrait s’attacher à faire valoir un début de bail au 1er janvier 2002 tandis que le preneur pourrait avancer une date ultérieure, dans le but de prolonger le bail qui le lie à son propriétaire.
Le dossier est passé entre les mains de la Cour constitutionnelle, mais des points d’interrogation subsistent. D’une part, une incertitude existe désormais sur la sanction en cas de vente d’un terrain avec un ancien bail verbal (congé donné par l’acquéreur avec délai de préavis réduit). D’autre part, une seconde incertitude touche la possibilité pour le preneur de se protéger contre ce risque en forçant le bailleur à conclure un écrit.
Il est donc vivement conseillé, dans l’intérêt de chacune des parties, de parvenir à une solution amiable en s’accordant sur le passage à l’écrit avec la possibilité de transformer le bail en cours en bail de longue durée ou de carrière.
Et Maîtres Caprasse et Remy de conclure, de concert : « Le bail écrit ne souffre guère d’inconvénient. Le bail oral, lui, ne présente aucun avantage par rapport à son homologue écrit et peut même desservir les parties. Et ce, d’autant que la mémoire a ses défauts que l’écrit n’a pas. La tradition orale a la vie dure… Mais un document écrit assure la transparence de l’accord ; il atténue les risques de conflit tout en apportant davantage de sérénité aux deux parties ».