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«One health»: des pratiques vétérinaires concrètes au-delà du concept

« One Health », soit « une seule santé », depuis plusieurs années, ce principe est sur toutes les lèvres. Mais que signifie-t-il exactement ? Et surtout, cette approche intégrée et unificatrice peut-elle réellement nous permettre d’anticiper et de lutter contre les maladies infectieuses animales ? L’Inrae a présenté plusieurs cas concrets où ce concept prend toute sa place.

Temps de lecture : 7 min

Le Space à Rennes , ses visiteurs, ses animaux, et ses espaces… vides. Comme nous vous l’expliquons en page 26, ce salon s’est tenu au sein d’un contexte sanitaire plus que particulier. Comme en Belgique, les éleveurs français sont, eux aussi, confrontés à une série de maladies. Dès lors, le rendez-vous de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) sur : « Anticiper et lutter contre les maladies infectieuses animales », tombait à point nommé. L’opportunité pour ces experts de faire un focus sur le principe One Health défini en 2021 par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture comme « une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes ». Une approche qui a pris davantage d’importance après la crise du Covid. À cette période, rappelons que des experts s’étaient privés d’outils de diagnostic car ils ne les pensaient, à tort, pas conçus pour les humains.

Surveiller pour mieux agir

Si ce concept peut paraître simple de prime abord, en réalité il peut être compliqué à concrétiser. En effet, pour y parvenir, il faut réussir à mettre des personnes, d’horizons différents, autour d’une même table. Si ce n’est pas facile, c’est toutefois possible, comme le prouve la plateforme française d’épidémiosurveillance en santé animale, ESA.

Cette dernière a pour objectif l’amélioration de l’efficience de la surveillance dans une perspective d’aide à la décision et à la mise en œuvre d’actions. En clair, elle conseille les personnes compétentes. Néanmoins, ce n’est pas à elle de décider de mettre en place telle ou telle action.

C’est dans ce cadre qu’ont notamment été créés des groupes de travail avec plusieurs profils d’experts et sur diverses thématiques produisant des recommandations adaptées aux réalités du terrain ou encore l’Observatoire de la mortalité des animaux de rente (Omar). Celui-ci suit la mortalité des bovins grâce aux données provenant des équarrissages. Ces données alimentent un modèle qui permet de prévoir l’avenir et de générer des alertes hebdomadaires de différentes couleurs, selon le niveau de surmortalité observé. L’utilisateur peut, de cette manière, consulter la carte de son territoire et voir si, par exemple, sa zone est en danger avec une alerte rouge.

À l’international, l’activité de veille sanitaire vise, elle, à récupérer des informations en France et à l’étranger, à trier ce qui est pertinent, à interpréter et synthétiser le tout par des experts. Ce bulletin est accessible en quelques clics sur le site de l’ESA.

Grippe aviaire : vacciner sans baisser la garde

Une vision internationale primordiale puisque, comme l’a prouvé le Covid mais aussi la grippe aviaire, une maladie émergeant sur un autre continent peut faire de sérieux dégâts dans nos contrées. Comme l’a rappelé Jean-Luc Guérin, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, le réservoir de l’influenza aviaire se trouve dans le tube digestif des oiseaux aquatiques, comme les canards. « Ce sont des espèces qui nous survivront, donc l’éradication de ce réservoir est impossible ».

De plus, ces virus ont évolué… Tandis qu’avant ils concernaient surtout les oiseaux, désormais certaines souches s’attaquent aux êtres humains. Et si ces virus se sont multipliés et ont prospéré en Asie, d’autres régions en ont subi les conséquences. C’est notamment le cas aux États-Unis, où le H5N1 a circulé entre bovins laitiers et où des cas sur des personnes ont été confirmés.

« C’est un phénomène global et plus personne n’est à l’abri de cette infection », commente Jean-Luc Guérin. Il poursuit : « Nous sommes confrontés à ce virus avec des cas qui ont sévèrement touché les filières avicoles. D’abord, nous avons appliqué la stratégie internationale : mettre en œuvre la biosécurité, détecter et éliminer les troupeaux infectés. Cependant, à la suite des crises, nous nous sommes rendu compte que le canard jouait un rôle pivot dans la diffusion du virus. Il fallait le contrôler chez cet animal ».

Se pose alors la question de la vaccination. En 2023, l’Hexagone a décidé de la rendre obligatoire dans les élevages de canards, malgré les risques commerciaux. En effet, certains marchés, comme les États-Unis, avaient suspendu leurs importations de volailles françaises avant, finale ment, de les rouvrir. « Il fallait un courage politique fort pour rendre possible la mise en place de ce plan visant à contrôler l’infection sans recourir à l’abattage de millions d’animaux. Il y avait des enjeux techniques, logistiques et financiers. Puis, il fallait aussi convaincre ! ».

Convaincre, c’était prouver, chiffres à l’appui, que la vaccination avait permis d’éviter le pire. « Sans elle, nous aurions eu a minima 300 foyers, et a maxima 700. Finalement, nous n’en avons eu que 11. Le jeu en valait la chandelle », souligne le scientifique.

Soigner sans abuser des antibiotiques pour les jeunes bovins

Après les canards, place aux bovins avec Sébastien Assié, de l’École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes-Atlantique, où des travaux ont été menés afin de trouver des solutions pour diminuer les maladies respiratoires chez les jeunes bêtes. Souvent des mâles, achetés dans des élevages naisseurs puis placés dans des centres d’engraissement. Ces animaux sont transportés, regroupés et jusqu’à 70 à 80 % d’entre eux présentent des signes cliniques de ces maladies. « Afin de les traiter, des antibiotiques vont être utilisés. À présent, nous savons que plus on s’en sert, plus on va toucher le microbiote, notamment digestif, des bovins », explique le vétérinaire. Les bactéries résistantes peuvent, ensuite, être transmises à l’être humain. Là aussi, le concept One Health est plus que jamais d’actualité…

Il complète : « L’antibioprévention est désormais interdite. Cette démarche consistait à traiter tous les animaux lors de la mise en lot, malades ou non. En revanche, lorsqu’ils sont atteints, se pose encore le choix de n’en traiter qu’un ou de travailler de manière collective ». Souvent, c’est la seconde option qui prend le pas…

Des méthodes pour détecter les animaux malades plus vite

À Nantes, des recherches ont été réalisées, notamment en essayant de prévenir l’apparition de ces pathologies. Il en ressort qu’il faut, par exemple, minimiser les transports des animaux entre les élevages naisseurs et engraisseurs. En outre, logiquement, plus il y a de bêtes d’origines différentes, plus le danger est élevé. Ensuite, les animaux vaccinés avant d’arriver dans les centres de tri sont moins à risque. « Au sein de notre équipe, nous avons travaillé sur des algorithmes permettant d’optimiser la création de ces lots. Nous avons également élaboré des programmes pour préparer les veaux à l’engraissement en gérant les bâtiments dans lesquels ils vont être logés, leur plan d’alimentation et la vaccination reçue. Les résultats montrent que ce n’est pas la panacée et qu’il faut s’adapter au contexte de chaque élevage ».

Il a également été constaté qu’une détection précoce permettait d’utiliser des doses d’antibiotiques moindres. Si les éleveurs repèrent généralement les animaux affaiblis, qui ne mangent plus et prennent leur température avec des thermomètres, d’autres méthodes existent. C’est, par exemple, le cas des bolus intraruminaux avalés par les animaux. Ces derniers enregistrent la température en continu et la transmettent à des ordinateurs placés dans les élevages. « Cette façon de suivre la température permet de détecter les bêtes malades au moins 48 h avant que l’abattement n’apparaisse ».

L’échographie pulmonaire a aussi été utilisée. Travailler avec de l’imagerie permet d’observer l’étendue des lésions sur les poumons et de savoir si la bête pourra, ou non, s’en sortir grâce aux traitements.

Notons que, comme pour la grippe aviaire, d’autres travaux sont en cours. Des recherches qui concernent les troupeaux et, par effet domino, la santé de tout un chacun, en Europe et ailleurs…

C’est au salon Space à Rennes que s’est tenu  ce rendez-vous  de l’Inrae où  la nécessité de l’approche d’«une seule santé» a  été mise en  épingle.
C’est au salon Space à Rennes que s’est tenu ce rendez-vous de l’Inrae où la nécessité de l’approche d’«une seule santé» a été mise en épingle. - D.T.

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