Chez Johan De Wilde: une ferme porcine résolument tournée vers l’avenir
Dans un secteur en perpétuelle évolution comme l’agriculture, mieux vaut faire preuve d’anticipation si l’on ne veut pas être pris au dépourvu. Johan De Wilde, éleveur porcin à Jodoigne, l’a bien compris ! Propriétaire de bâtiments flambant neufs, il a misé sur la luminosité, la modularité et le gain d’espace pour ses animaux afin de se projeter dans l’avenir avec sérénité.


La première étape de notre visite est justement celle où tout commence : l’insémination. Lors de celle-ci, les truies se trouvent dans des cages, où elles restent environ 25 jours afin d’éviter des pertes embryonnaires. Toutefois, si actuellement les bêtes sont maintenues, Johan De Wilde sait que rien n’est gravé dans le marbre…
« Lorsque nous avons réfléchi au développement du bâtiment, nous l’avons fait en ayant conscience que les normes pourraient évoluer vers plus de bien-être animal. Il fallait une structure qui puisse s’inscrire dans la durée et répondre aux futures demandes sociétales, sans repasser par la case travaux ». C’est pourquoi il a gardé un large espace entre les cages. Si actuellement il sert de couloir, en cas de besoin il pourrait être totalement repensé. Ainsi, l’éleveur aurait la possibilité de mettre les truies en liberté durant cette période, avec une superficie de 2,5 m² par bête, soit la norme actuelle pour la phase de gestation. Pour ce faire, le seul changement à opérer serait de replacer des barrières.
Des zones de maternité malléables
Juste à côté, justement, se trouvent les femelles gestantes. Placées par groupes de six, elles évoluent sur caillebotis. Elles partiront ensuite vers la porcherie juste en face, consacrée, elle, à la maternité. Pour celle-ci, là encore, l’éleveur a pris les devants. Il a opté pour des cages de maternité malléables. Au départ, elles ressemblent à des conventionnelles, l’idéal pour une mise bas sécurisée, éviter l’écrasement des porcelets ou encore réaliser les soins aux bêtes plus facilement.
Après une dizaine de jours, les barrières bougent et les animaux se retrouvent en liberté, dans des boxes de 6,50 m². Un lieu pensé en deux zones : pour la mère, avec une température entre 22 et 23 ºC, et, accolé, le nid pour les porcelets. Bien au chaud, dans leur cocon d’une trentaine de degrés, ils grandissent sans aucun stress. Afin que la température de cet endroit soit stabilisée, l’agriculteur a opté pour des lampes chauffantes intelligentes.
Enfin, notons que, par la suite, Johan peut encore séparer les jeunes de la mère en baissant simplement la trappe du nid. « Ces nouvelles installations sont également en adéquation avec l’évolution des animaux. Par exemple, les truies étaient plus petites à l’époque, et moins productives. À présent, elles ont de plus grandes portées. Ici, l’objectif est de sevrer entre 14 et 15 porcelets par femelle. Dans les 80, c’était 8 ».
Une entraide paternelle et fraternelle
Dans ces deux bâtiments, il ne reste plus rien du passé… Pourtant, il y a moins d’un an, à cet emplacement exact se trouvaient quatre porcheries. Des endroits vétustes, démolis en décembre, pour faire sortir de terre deux nouvelles constructions plus adaptées, dans lesquelles les truies ont pu être installées vers le mois d’août. Superficie ? 500 m² par bâtiment, soit 1.000 m² au total. Bref, le même espace qu’auparavant, mais un environnement de travail agréable, lumineux et pensé intelligemment.
« Mes parents étaient également agriculteurs. Mon père a trouvé cette ferme dans une annonce du Sillon Belge et s’y est installé en 1985. Les bâtiments dataient déjà d’une vingtaine d’années », raconte le jeune homme, cadet de la famille. Une famille ancrée dans le secteur porcin… « Papa disait que sa chambre se trouvait contre la maternité. Il a été bercé par les bruits des cochons », sourit l’éleveur, qui s’est lancé dans l’aventure en 2014.
Une passion qu’il peut partager avec son père, lequel possède sa propre installation, et avec son frère. Ce dernier a repris la ferme de son grand-père à Cortil-Noirmont et y élève également des truies.
« Par chance, il a aussi reconstruit ses bâtiments. Afin de ne pas perdre le noyau génétique de mon élevage, j’ai repeuplé sa ferme avec mes jeunes femelles, prêtes à produire ».
Durant les travaux, il a également diminué le nombre d’animaux sur son site et les a déménagés, notamment dans les zones d’engraissement, avant de pouvoir les réinstaller dans leur nouvel habitat. À présent, il compte 200 femelles dans sa ferme, tandis que l’objectif est d’atteindre les 250. « Nous avons rasé et reconstruit le plus vite possible. À présent, les porcheries sont opérationnelles, bien qu’il reste des finitions. J’espère avoir terminé l’ensemble pour la fin de l’automne ».
Jusqu’à 10 à 12 portées par truie avant leur réforme
Membre et administrateur de la coopérative Porc Qualité Ardenne, Johan De Wilde mise sur le croisement Landrace X Large White pour les femelles et procède à l’insémination avec des doses Piétrain-Saphir. Actuellement, et en attendant que son nombre d’animaux augmente, il travaille avec quatre bandes de 40 truies, pour un intervalle de 5 semaines. Généralement, les femelles sont réformées après 10 à 12 portées et en produisent normalement 2,5 par an.
Quant aux porcelets, ils sont sevrés à 28 jours, puis passent en post-sevrage durant 7 à 8 semaines. Ensuite, vient la phase de pré-engraissement avant de rejoindre l’engraissement. Une étape en deux phases, dès lors, afin d’éviter que des bêtes trop petites ne soient placées directement dans de grandes étables, ce qui pourrait nuire à leur confort et à leur croissance.
Lors de cette finition, justement, les porcs vivent sur des aires paillées. En outre, certaines porcheries leur permettent d’accéder à une cour extérieure. Un gain de confort tant pour les cochons que pour l’éleveur : « Cela facilite le nettoyage, puisque les déjections se trouvent généralement dehors ».
Ils sont âgés de 6 à 7 mois, pour un poids abattu compris entre 105 et 110 kg lorsqu’ils partent à l’abattoir de la coopérative, situé à Malmédy.
Une alimentation avec de la nourriture de la ferme
Lors de leur vie dans cette ferme familiale, les bêtes peuvent profiter d’une nourriture « maison ». En effet, l’éleveur possède son propre moulin à farine. Grâce à ses cultures de froment, d’escourgeon et de maïs, il peut se targuer d’être autonome pour la base alimentaire de ses porcs. Concernant l’apport en protéines, là encore, c’est le local qui prime. Il a décidé de faire confiance à ProtiWanze, un produit de l’usine BioWanze, fabriqué à partir de matières premières locales et remplaçant les protéines importées. En parallèle, il rajoute un complément, notamment pour les minéraux, provenant de la Scar.
Et tandis qu’en élevage, l’utilisation raisonnée des antibiotiques est l’une des priorités, là aussi, le jeune homme a pris la balle au bond. « J’ai la chance de vivre en Wallonie. La majorité des élevages porcins se trouvant en Flandre, il y a moins de pression sanitaire au sud du pays. Chez moi, nous sommes indemnes de l’ensemble des maladies ». En outre, rappelons que les traitements ne peuvent être que curatifs, et non systémiques. Bref, l’animal doit être malade pour être médicamenté. Si tel est le cas, les délais d’abattage seront, en outre, allongés. « Nous utilisons plutôt des traitements homéopathiques, comme des herbes. Par exemple, pour une grippe passagère, je mets dans de l’eau des produits mentholés. Cela me permet, sauf incident, d’être toujours dans le vert pour le statut antibiotique d’exploitation ».
Une manière de travailler gagnant-gagnant : pour les animaux, l’éleveur et les consommateurs qui peuvent déguster de la viande locale s’inscrivant dans l’avenir de la filière porcine.