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Promotion des filières agricoles: la cotisation «bio» remise en question

Alors que plusieurs acteurs du bio ont reçu un courrier de rappel, suite au non-paiement de leur cotisation dédiée à la promotion de la filière, quatre organisations dénoncent l’existence même de cette cotisation et le poids qu’elle représente pour le secteur. L’Apaq-w, elle, se montre ouverte à la discussion, tout en rappelant que les différentes actions de promotion ne sont pas financées uniquement à l’aide des cotisations perçues.

Temps de lecture : 6 min

Alors qu’il n’avait plus été modifié depuis le passage à l’euro, le régime des cotisations obligatoires destinées à la promotion des produits agricoles et des produits agricoles transformés a été adapté à la réalité du terrain en 2022, pour une entrée en vigueur du système actuel le 1er janvier 2023. Comme son nom l’indique, ce financement, perçu par l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-w), est dédié à la mise en place d’actions et de campagnes de promotion au bénéfice des producteurs et transformateurs.

À l’époque, certaines cotisations obligatoires sont restées inchangées, tandis que d’autres ont été revues, que ce soit au niveau du montant perçu ou du moyen de perception. Plusieurs nouvelles cotisations ont aussi vu le jour, dont une dédiée spécifiquement aux acteurs de la filière bio.

Son apparition répondait à plusieurs constats. D’une part, des actions spécifiques à ladite filière étaient menées, en plus des actions propres à chaque secteur, sans majoration de cotisation. D’autre part, en Flandre, le Vlam (soit l’homologue de l’Apaq-w) percevait déjà une cotisation « bio ». Ces points ayant été relevés par la Cours des Comptes, la Wallonie se devait d’y apporter une réponse.

L’opposition de la Fugea et d’autres

Après de longues concertations entre l’Apaq-w et les acteurs de la filière bio, il a donc été décidé de mettre sur pied une cotisation annuelle supplémentaire s’élevant à 38 € pour les producteurs et points de vente certifiés bio et, selon les chiffres d’affaires réalisés, variant entre 62 € et 2.479 € pour les transformateurs certifiés et entre 62 € et 1.239 € pour les grossistes certifiés.

Durant ces discussions, la Fédération wallonne de l’agriculture, l’Union des agricultrices wallonnes et l’Union des agriculteurs bio de Wallonie ne se sont pas opposés à cette nouvelle cotisation. La Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) regrettait, quant à elle, « qu’une cotisation supplémentaire soit imposée aux agriculteurs bio ».

Depuis, la position du syndicat n’a guère changé. Elle l’a d’ailleurs rappelé le 22 octobre, alors que plusieurs acteurs du bio ont reçu un courrier de rappel suite au non-paiement de leur cotisation, à travers un communiqué de presse cosigné avec le Collectif 5C (Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court), ConsomAction (le réseau des professionnels de l’alimentation durable, du vrac, du réemploi et du zéro déchet) et le réseau des Gasap (Groupe d’achats solidaires de l’agriculture paysanne).

Des divergences sur le financement

Les opposants estiment que la communication autour du bio doit être financée collectivement par des fonds publics, et non par une cotisation imposée aux acteurs de la filière. « Car l’agriculture bio répond aux préoccupations de la société et des pouvoirs publics désireux de réduire le recours aux produits phytosanitaires », argumentent-ils.

Le directeur général de l’Apaq-w, Philippe Mattart, rappelle pour sa part que les différentes actions de promotion de la filière bio ne sont pas financées uniquement à l’aide des cotisations perçues. « Dans le cadre de la dotation régionale allouée par la Région wallonne à l’Apaq-w, pas moins de 324.000 € sont dédiés à la promotion de la filière bio, montant auquel se sont ajoutés 270.000 € supplémentaires en 2023 et 2024. Soit un total de près de 600.000 €», détaille-t-il. On se souviendra, en effet, que ces deux années ont été particulièrement difficiles pour les acteurs du bio, subissant de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine.

Et d’ajouter : « La filière bio est la seule à bénéficier d’une enveloppe publique qui lui est spécifiquement dédiée. »

L’Apaq-w sollicite également des cofinancements européens, consacrés eux aussi à la promotion du bio. Le Plan Bio 2030 prévoit d’ailleurs qu’une candidature au minimum soit déposée chaque année, en vue de mobiliser des moyens financiers complémentaires à ceux de l’Apaq-w elle-même. « Ce qui permet d’allouer le budget de 324.000 € à des actions récurrentes plutôt que ponctuelles. »

Au-delà de ce point, les cosignataires trouvent incohérent que plusieurs maillons d’une même filière soient contraints de payer chacun une cotisation, parfois pour un seul et même produit. « Pour un morceau de viande, la cotisation est demandée au producteur, à la coopérative d’éleveurs, à l’abattoir, à l’atelier de découpe et au point de vente certifié bio. Cette multiplication des prélèvements est injuste et pénalise inutilement le développement des filières », argumentent-ils.

Autre point de désaccord : l’exemption d’une majorité des grandes surfaces de cette cotisation. Alors, selon les organisations signataires, que la grande distribution « est souvent le maillon de la chaîne qui profite le plus de la labellisation bio ». « En effet, une partie des acteurs de la grande distribution ne cotise pas auprès de l’Apaq-w. Seuls les magasins certifiés reçoivent une invitation à cotiser, sachant que la certification devient nécessaire dès lors que des produits bio sont proposés à la vente en vrac », éclaire M. Mattart.

Des représentants du bio au conseil d’administration

Les quatre partenaires remettent également en question le fonctionnement démocratique de l’Apaq-w, qu’ils qualifient de « fortement discutable ». Une affirmation qui étonne particulièrement Philippe Mattart. Et de préciser : « L’Agence est pilotée par un directeur général et un conseil d’administration, dans lequel siègent des représentants de la filière bio, mais aussi de la Fugea. Ces derniers, comme tout autre administrateur, sont donc impliqués dans le fonctionnement et dans les missions portées par l’Apaq-w ».

Les cosignataires estiment encore que « les messages en faveur de l’agriculture biologique retenus par l’Apaq-w manquent clairement d’ambition et de clarté, n’osant pas mettre en avant les bienfaits du bio par rapport à l’agriculture conventionnelle ». Le directeur général s’en défend : « Un groupe de concertation existe, lequel se penche sur les orientations relatives au secteur bio. Bien qu’il puisse y avoir des désaccords entre certains acteurs, il s’agit d’un espace de démocratie. À ce titre, aucune orientation n’est adoptée sans accord du comité de concertation. Ses membres ont également approuvé les différents messages relatifs au bio ».

En outre, en tant que service public, l’Agence ne peut opposer les deux modèles que sont l’agriculture conventionnelle et l’agriculture bio. Un point dont elle doit tenir compte dans ses communications.

Un appel au dialogue et à la concertation

La Fugea, le Collectif 5C, ConsomAction et le réseau des Gasap rappellent leur ferme opposition à cette cotisation et déplorent que celles et ceux qui refusent de payer ont reçu un courrier de l’Apaq-w mentionnant un processus de recouvrement en cas d’impayé. « Si des poursuites sont engagées contre les acteurs et actrices du secteur bio, nos organisations se mobiliseront. Cette mobilisation visera à exprimer l’opposition ferme du secteur biologique à la mise en place de cette cotisation obligatoire, ainsi qu’à dénoncer le manque de reconnaissance de la part de l’actuel Gouvernement wallon envers l’ensemble des productions biologiques et des acteurs concernés par cette cotisation. »

Pour sa part, Philippe Mattart en appelle au dialogue et à la concertation. Non pas en vue de faire changer d’avis les opposants à cette cotisation mais bien d’en rappeler le fonctionnement et d’échanger sur leurs divergences d’opinion.

Jérémy Vandegoor

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