Pac : les institutions agricoles cherchent leur place
Les critiques se multiplient contre les propositions de réforme de la Pac, principalement du fait de son budget raboté et d’un risque de renationalisation. Mais une autre menace pèse sur cette politique : une perte d’influence des organes de décision agricoles, en premier lieu le conseil des ministres de l’Agriculture et la DG agriculture de la Commission européenne du fait de l’éparpillement des dispositions agricoles dans différents règlements (notamment les plans de partenariats nationaux et régionaux).

Un mouvement en ce sens était en cours depuis des années, mais cette fois le virage semble bien plus important. Ce tableau doit toutefois être nuancé. Les discussions ne font que commencer.
La colère du Copa-Cogeca
Mais c’est aussi la perte d’influence des instances agricoles européennes qui les inquiètent. Les décisions sur les questions agricoles échappent peu à peu aux instances qui traditionnellement avaient la main dessus à Bruxelles : le Conseil des ministres de l’Agriculture et son groupe d’experts le CSA (comité spécial Agriculture), la commission de l’Agriculture du Parlement européen (Comagri) la direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne (DG Agri) et les associations professionnelles agricoles.
Des prémices
La tendance n’est toutefois pas totalement nouvelle. Depuis des années, les autres directions générales – tout particulièrement celle de l’Environnement – lorgnent les 30 % du budget de l’UE dédiés à l’agriculture. Et déjà sous la précédente mandature, la DG Agri avait vu ses compétences concernant les aides d’État agricoles être transférées à la DG concurrence.
Remise en cause du CSA
Plus récemment, depuis 2024, les institutions ont multiplié les procédures d’urgence pour traiter des propositions de simplification de la législation (notamment de la Pac), réduisant comme peau de chagrin le rôle des instances agricoles chargées de les examiner – la Comagri pour le Parlement européen et le CSA (comité spécial agriculture) au Conseil de l’UE.
Au Conseil, l’ensemble des discussions sur les règlements omnibus (dont celui concernant la simplification de la Pac) ont été menées par le Conseil Affaires générales (et son groupe de travail dédié à la simplification, Antici) malgré les protestations des ministres de l’Agriculture qui ont insisté sur le besoin de respecter « le rôle essentiel du CSA dans la préparation des questions relatives à la Pac ». Lorsque le Danemark a pris la présidence du Conseil de l’UE, il aurait même, selon certaines sources, demandé aux représentants du CSA de quitter la salle des discussions sur le paquet de simplification omnibus.
L’existence du CSA est régulièrement remise en cause depuis quelques années. En 2023, les ministres de l’Agriculture avaient dû plaider pour le maintien de ses compétences, obtenant finalement gain de cause.
Un espoir, et puis non
Crainte de perte de pouvoirs
De plus, le règlement horizontal de l’actuelle Pac (qui régit les sanctions et contrôles notamment) est, lui, fondu dans le nouveau cadre de performance commun à l’ensemble du budget européen. Ce cadre unique permettra d’évaluer, sur la base d’indicateurs simplifiés, la contribution des interventions de la Pac notamment.
Dès la présentation de la proposition, un certain nombre de ministres de l’Agriculture de l’UE s’en sont émus. Les ministres français, espagnol, italien ou slovaque ont, lors de la réunion du Conseil Agriculture en septembre, protesté contre leur perte de pouvoir. « Toutes les dispositions liées à la Pac doivent être discutées au sein du Conseil Agriculture », a prévenu la Française Annie Genevard. Au Parlement européen aussi des critiques en ce sens se sont élevées.
Les acteurs traditionnels de la Pac exclus
Une bonne part des interventions de la Pac « ne sera pas négociée par les acteurs traditionnels de la politique agricole », constate le think tank Iddri dans un décryptage (Cadre financier européen 2028-2034 : les enjeux clés pour le secteur agricole) publié le 30 septembre. En effet, le règlement sur le Fonds unique sera débattu par le Conseil des affaires générales, et en amont par un sous-groupe de travail dédié composé de conseillers nationaux sous le format « 1 + 2 » c’est-à-dire par un conseiller permanent accompagné de deux experts thématiques choisis par les États membres en fonction de leurs priorités politiques.
Pour l’Iddri, cette « perte de centralité des organes décisionnels propres au monde agricole – Conseil Agriculture, CSA, ou Comagri – pourrait
Technocratisation des politiques
Un autre think tank, Farm Europe, identifie un problème supplémentaire : le projet de Bruxelles « technocratise les politiques en les transformant en programmes gérés de manière opaque entre les administrations nationales et la Commission européenne, marginalisant ainsi les dirigeants politiques, y compris le Parlement européen ».
Strasbourg fait de la résistance
Mais au Parlement européen, la Comagri parvient pour l’instant à résister. Par rapport à la précédente mandature, elle semble même reprendre peu à peu du pouvoir vis-à-vis de la commission de l’Environnement, constate un observateur avisé au Parlement européen.
Dans le cadre de la difficile répartition des compétences entre les commissions sur le cadre financier pluriannuel 2028-2034, elle a obtenu une compétence partagée sur le dossier des Plans de partenariats nationaux et régionaux avec les commissions des Budgets, des Régions. Une situation inimaginable il y a encore quelques années lorsque la Comenvi s’était vue octroyer certaines compétences exclusives sur la Pac. La décision du Parlement a été actée lors d’un vote en conférence des présidents des groupes politiques, le 22 octobre.
La commission sous pression campe sur ses positions





