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Le tribunal de commerce devient le tribunal de l’entreprise: quelles conséquences pour les agriculteurs?

Depuis le 1er novembre, le tribunal de commerce a disparu et est remplacé par le tribunal de l’entreprise. Ce nouveau tribunal est compétent pour tous les litiges concernant les entreprises. Les agriculteurs étant considérés comme des entrepreneurs depuis quelques mois, tous les litiges avec des agriculteurs tombent sous la compétence de ce tribunal. Seules quelques compétences exclusives restent pour le Juge de Paix.

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L a loi du 15 avril 2018 portant sur la réforme du droit des entreprises entrée en vigueur le 1er novembre, modifie principalement la notion d’entreprise et détermine le champ d’application de la législation économique. Selon le Code de droit économique, chacune des organisations suivantes est considérée comme des entreprises :

– toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant ;

– toute personne morale ;

– toute autre organisation sans personnalité juridique, sauf celles qui ne poursuivent pas un but de (re)distribution.

Certaines personnes morales de droit public sont exclues de cette définition (l’état fédéral, les régions, les communes etc.).

Aussi les agriculteurs tombent sous cette nouvelle notion d’entreprise.

Les compétences du tribunal de l’entreprise

La notion d’entreprise est vraiment importante en ce qui concerne la compétence générale du tribunal de l’entreprise.

Le tribunal de l’entreprise est compétent pour juger des contestations entre entreprises, et ce, pour n’importe quel montant. Une action d’un particulier contre une entreprise peut également être portée devant le tribunal de l’entreprise.

Le tribunal de l’entreprise s’occupe également d’un certain nombre de contestations spécifiques, quel que soit le montant, comme les contestations relatives à des sociétés, des associations ou des fondations et les contestations relatives aux pratiques du marché.

Le tribunal de l’entreprise a la compétence exclusive en ce qui concerne des actions et des contestations directement liées à une procédure d’insolvabilité (faillite et réorganisation judiciaire).

Quelques exceptions

Même si les compétences de ce nouveau tribunal de l’entreprise semblent larges, il reste des litiges pour lesquelles les tribunaux de l’entreprise ne seront pas compétents. C’est le cas pour les compétences exclusives du Juge de Paix, comme, et entre autres, les discussions sur le bail à ferme, les servitudes, le salaire différé.

Droit de preuve applicable aux entreprises

Le droit de la preuve en matière commerciale que nous retrouvons dans le Code de commerce est réformé en un droit de la preuve applicable aux entreprises. Les règles d’administration de la preuve applicables aux entreprises sont reprises dans le Code civil. Elles s’appliquent à toutes les entreprises qui relèvent du champ d’application de la nouvelle notion d’entreprise. Elles s’appliqueront donc également entre et contre les titulaires d’une profession libérale, les agriculteurs, etc.

Entre entreprises ou à l’encontre d’entreprises, la preuve peut être fournie par tous les moyens du droit, sous réserves des exceptions légales.

Cette liberté de la preuve ne s’applique toutefois qu’aux actes posés par une entreprise. Elles ne s’appliquent donc pas aux entreprises qui veulent apporter une preuve contre une partie qui n’est pas une entreprise. Cette dernière, en revanche, peut utiliser tous les moyens du droit.

La comptabilité d’une entreprise peut avoir une valeur de preuve importante. Le juge peut l’accepter comme preuve entre entreprises. Bien entendu, le juge conserve le pouvoir d’évaluer la valeur probante de la comptabilité et, dans ce cadre, son caractère régulier peut jouer un rôle.

La comptabilité n’a pas force probante contre des personnes qui ne sont pas des entreprises, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives au serment. Par contre, la comptabilité d’une entreprise a systématiquement force probante contre l’entreprise elle-même et ne peut être divisée contre elle.

Une facture acceptée par une entreprise a force probante à l’égard de cette entreprise. La valeur probante de la facture n’est donc plus limitée aux contrats d’achat-vente, comme c’était le cas dans l’ancien Code de commerce, mais elle est étendue à toutes sortes de contrats.

Attention pour les agriculteurs !

Le nouveau droit de preuve s’applique maintenant aux agriculteurs. Il faut donc y faire attention. Lorsque des agriculteurs sont confrontés avec une lettre ou une facture pour lesquelles ils sont en désaccord, ils ont l’obligation de contester par écrit cette facture ou lettre. Cela doit être fait dans un bref délai de 8 à 15 jours au plus tard. Ceux qui ne contestent pas une facture ou une lettre, n’auront plus la possibilité de contester devant le juge.

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