Accueil Voix de la terre

Labels au bois dormant

Nourrir ses vaches de réforme et ses taurillons au foin séché en grange, complémenté d’aliments concentrés produits sur l’exploitation : voilà une méthode d’engraissement qui ne manque pas d’originalité ! La cellule « agriculture et terroir » du Parc Naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier parraine ce projet un peu fou et tellement sympathique, avec l’appui du laboratoire d’écologie des prairies de Michamps. Il s’agit là de démontrer qu’il est tout à fait rentable de sortir des sentiers battus, et dans la foulée, d’obtenir un produit susceptible de bénéficier du label « Qualité Différenciée ». Et justement, de labels, parlons-en ! Ont-ils toujours, comme la belle de Cadix, des grands yeux de velours qui invitent à l’amour ?

Temps de lecture : 5 min

La belle fratrie Label est très nombreuse, et tous ses membres ont le même air de famille. Verts, jaunes, roses, bleus, simples ou stylisés, seuls ou à plusieurs, ils estampillent les emballages des aliments de leurs petits logos colorés et sont censés attiser l’envie des consommateurs. Hélas, ils se sont multipliés comme des lapins de garenne ces dernières années, et pullulent de façon quelque peu anarchique. Les passer tous en revue nous prendrait la moitié du journal ! Ils sont de diverses natures : marques privées avec ou sans cahiers de charge, signes officiels dûment contrôlés, labels mondiaux, européens, régionaux, AOP, bio, IPG, STG… Trop de labels tuent le label. Et puis, gare aux dérapages ! L’aventure récente de Belbeef, dont la traçabilité présenterait quelques failles, est venue jeter une ombre sur sa crédibilité. Le label Belbeef s’est pris quelques baffes, et le compte défait de « label et la bête » risque de tourner au cauchemar si les consommateurs inquiets se font la belle.

Dans la réalité de leur dur quotidien, le concept de labellisation ne fait guère rêver les agriculteurs : l’histoire d’amour entre eux et les organismes certificateurs se raconterait comme « label et le clochard », sans la séquence du long spaghetti-bisou. Ils en viendraient à regretter la belle époque où les labels n’existaient pas. Car ceux-ci sont venus compliquer un peu plus la vie dans les fermes. Qui dit « label », dit cahier de charge, certification, autocontrôle, visites impromptues de contrôleurs, -Alors on danse !-… « Plus label la vie » engage ses candidats dans un feuilleton sans fin aux épisodes peuplés de paperasserie, de migraines et prises de tête, de lourds efforts consentis qui profitent principalement aux autres maillons de la filière. Magali Tielemans, chargée de missions « agriculture et terroir » du Parc Naturel de Haute-Sûre, est tout à fait consciente de ces réticences, et voudrait démythifier les légendes rurales qui tournent autour des labels. Elle est persuadée que bien des producteurs de son terroir mériteraient d’obtenir celui de « Qualité Différenciée » sans trop de peine. Le Parc Naturel et la cellule d’appui Agrilabel proposent leur expertise et leur expérience pour monter les fastidieux dossiers de labellisation, et guider au mieux les agriculteurs dans leurs démarches de diversification. Et ce, gratuitement ! De plus, des aides sont octroyées durant cinq ans, qui couvriront les frais de certification auprès d’un organisme agréé.

En fait, tout bien réfléchi, ce n’est pas tant le label qui compte, mais le chemin qui y conduit. Les fermiers du Parc Naturel de Haute-Sûre vivent dans un environnement naturel très préservé ; sans le savoir, ils ont en main un outil formidable de promotion pour leur production. Les prairies sont exploitées de manière raisonnée, et le plus souvent selon un mode extensif, en rotation longue avec des céréales indigènes adaptées au climat de l’Ardenne : épeautre, avoine, triticale… Lorsqu’un consommateur mange de la viande d’animaux alimentés exclusivement avec des produits du terroir, il se nourrit d’air pur et de soleil, de sol vivant non pollué, d’eau ruisselante et virginale. Il se nourrit d’aliments sédentaires, produits avec une très faible empreinte carbone, en circuit court. Il ingère de la Haute-Sûre et ses paysages verdoyants à pleines bouchées !

Par contre, s’il mange une viande issue d’animaux nourris aux farines industrielles, le consommateur se nourrit de mornes plaines sud-américaines ou indonésiennes volées à la jungle ; il mange la nourriture des paysans spoliés ; il se nourrit d’injustice sociale et de catastrophes écologiques ; il gonfle au peu plus le réchauffement climatique. Il ingère et digère des pesticides et OGM, des aliments nomades venus des quatre coins du globe, et finance la destruction massive des paysans.

Comment faire comprendre ces choses, pourtant tellement évidentes ? Comment marquer la différence, la durabilité, la valeur inestimable d’un produit alimentaire naturel Par des labels ? Hélas pour ceux-ci, la foultitude de « signes » de qualité en tous genres font tourner les consommateurs en bourrique, et n’encouragent pas les agriculteurs à se lancer dans la belle aventure d’une production de terroir. Pourtant, le jeu en vaut la chandelle, quand on habite dans une région où la nature est remarquablement préservée. Des gens compétents sont là pour guider les candidats, et dédramatiser un processus de certification bien moins compliqué qu’il n’y paraît.

Selon la cellule « agriculture et terroir » du Parc Naturel de Haute-Sûre, l’agriculture de terroir serait un conte de fée, où les labels au bois dormant attendent leurs princes charmants. Dans le désenchantement des jours sombres d’aujourd’hui, écouter label-histoire fait rêver…

A lire aussi en Voix de la terre

Merci les jeunes!

Voix de la terre Durant ce mois de février, votre détermination et votre enthousiasme ont secoué et réveillé les instances politiques locales et européennes.
Voir plus d'articles