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Utilisation du numéro d’entreprise pour agir en justice: les agriculteurs sont également concernés

Dans un arrêt du 22 novembre, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la constitutionnalité de l’article III.26 du Code de droit économique (CDE). Elle a notamment précisé quand le numéro d’entreprise devait être mentionné dans les documents judiciaires. Vous trouverez, ci-après, un résumé de cet arrêt sur base de l’article de Stradalex. Nous vous en expliquons également l’importance pour les agriculteurs.

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L a question préjudicielle posée à la Cour porte sur la compatibilité de l’article III.26 du Code de droit économique avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il ferait naître une différence de traitement entre, d’une part, l’entreprise qui agit en tant que demandeur principal et dont l’action intentée par exploit d’huissier est irrecevable lorsque le numéro d’entreprise n’est pas mentionné et, d’autre part, l’entreprise qui agit en tant que demandeur dans le cadre d’une action intentée autrement que par exploit d’huissier et qui ne doit pas satisfaire à la condition précitée.

En vertu de l’article III.26, § 1er, CDE, l’absence de l’indication du numéro d’entreprise sur un exploit d’huissier entraîne l’irrecevabilité de l’action. Cette disposition ne concerne pas les actions qui sont introduites par d’autres voies. La question reçue par la Cour Constitutionnelle porte sur ces autres voies d’introduction et plus précisément sur la demande d’une entreprise introduite par requête.

Il est demandé à la Cour constitutionnelle si l’article III.26 CDE est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il ferait naître une différence de traitement entre :

– l’entreprise qui agit en tant que demandeur principal et dont l’action intentée par exploit d’huissier est irrecevable lorsque le numéro d’entreprise n’est pas mentionné ;

– et l’entreprise qui agit en tant que demandeur dans le cadre d’une action intentée autrement que par exploit d’huissier et qui ne doit pas satisfaire à la condition précitée.

Évaluation par la Cour

Selon la Cour Constitutionnelle la différence de traitement entre les deux catégories d’entreprises repose sur un critère objectif, à savoir la voie par laquelle l’entreprise a intenté son action, en l’occurrence par exploit d’huissier de justice ou non.

L’obligation de mentionner le numéro d’entreprise trouve son origine dans l’objectif général qui vise à réprimer le travail au noir de ceux qui exerçaient une activité commerciale sans vouloir en supporter les obligations juridiques, sociales ou fiscales. La mesure vise à écarter ces commerçants du prétoire. Cette mesure contribue à la lutte contre la concurrence déloyale. Ce souci vaut tout autant pour les actions intentées par les entreprises par voie de requête contradictoire.

La différence de traitement mentionnée dans la question préjudicielle n’a pas été justifiée dans les travaux préparatoires de la disposition en cause.

La Cour ne voit pas quels motifs pourraient justifier cette différence. Elle estime que, en traitant différemment les entreprises qui intentent une action, selon qu’elles le fassent par exploit d’huissier ou par voie de requête contradictoire, le législateur a instauré une différence de traitement qui n’est pas raisonnablement justifiée.

L’article III.26 CDE peut toutefois aussi être considéré comme une « reformulation » de l’article 41 des lois relatives au registre du commerce coordonnées par l’arrêté royal du 20 juillet 1964. Dans cette interprétation, la sanction d’irrecevabilité qu’il contient est également applicable à toute demande intentée non pas par exploit d’huissier, mais par requête contradictoire. Dans cette interprétation, la Cour constitutionnelle estime que l’article III.26 du Code de droit économique est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Importance pour les agriculteurs

Cet arrêt a une importance pour tous les agriculteurs. Depuis quelques mois les agriculteurs sont considérés comme des entrepreneurs. Cela veut dire que le CDE s’applique aux agriculteurs et que les agriculteurs sont également obligés de mentionner leur numéro d’entreprise pour agir en justice. Cette obligation est applicable quelle que soit la manière de lancer une procédure, qu’il s’agisse d’une citation ou d’une requête contradictoire. Chaque agriculteur serait donc bien inspiré de contrôler son inscription à la Banque Carrefour des entreprises. S’il n’est pas inscrit pour les activités qu’il pratique, il ne pourra pas lancer de procédure pour préserver ses droits. L’agriculteur qui a par exemple uniquement le code nacebel 01.500 (Culture et élevage associés), ne pourra jamais réclamer de paiement pour la préparation des terres d’un autre car ses activités tombent sous le code 01.6 « Activités de soutien à l’agriculture et traitement primaire des récoltes » et plus précisément le code 01.600 « Activités de soutien aux cultures ».

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