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La biologie, magnifique mais aussi vicieuse

Cher Marc Assin, c’est avec un plaisir non dissimulé que tous les vendredis nous nous précipitons sur notre « Sillon » pour y découvrir votre contribution. Lorsqu'elle est absente, ce qui est heureusement rare, quelle déception ! Quel humour, quelle culture générale, que de beaux jeux de mots et surtout quel bon sens et quelle analyse pertinente de notre monde agricole. Il nous arrive de ne pas partager votre avis, par exemple. sur le rôle majeur pour l’humanité de l’émergence de la Révolution agricole en opposition aux chasseurs-cueilleurs. De toute façon le fait est là : la Révolution agricole l’a emporté sur les chasseurs-cueilleurs mais fut-ce réellement un progrès pour l’humanité ?

Temps de lecture : 4 min

Cher Marc Assin, c’est avec un plaisir non dissimulé que tous les vendredis nous nous précipitons sur notre « Sillon » pour y découvrir votre contribution. Lorsqu'Elle est absente, ce qui est heureusement rare, quelle déception ! Quel humour, quelle culture générale, que de beaux jeux de mots et surtout quel bon sens et quelle analyse pertinente de notre monde agricole. Il nous arrive de ne pas partager votre avis, par exemple. sur le rôle majeur pour l’humanité de l’émergence de la Révolution agricole en opposition aux chasseurs-cueilleurs. De toute façon le fait est là : la Révolution agricole l’a emporté sur les chasseurs-cueilleurs mais fut-ce réellement un progrès pour l’humanité ?

Ce fut aussi le cas pour votre papier du 27 janvier « Les vampires des labos ». Il nous a interpellés, c’est normal, nous sommes tous deux vétérinaires et nous nous sommes sentis bousculés même si depuis bien longtemps nous n’avons plus joué à Dracula, sympa ou non ! J.P. Dubois a déjà fait part de sa désapprobation et a apporté des éclaircissements sur l’utilité de ces vampirisations. Nous ne partageons pas ses termes « exposé populiste ». Nous souhaitons apporter un ou deux éléments supplémentaires.

Diplômés en 66 et en 67 (déjà 50 ans, horreur !) nous avons participé aux campagnes de tuberculination qui, sans pomper de sang, relevaient du même mode de fonctionnement que les campagnes ultérieures contre la brucellose, le BVD, l’IBR etc. À cette époque les sanatoriums étaient nombreux (pour les jeunes qui, bien heureusement, ignorent de quoi il s’agit : c’étaient des hôpitaux spécialisés dans le traitement très difficile de la tuberculose humaine) ; une des raisons de leur abondance était la fréquence de la tuberculose bovine qui se transmettait à l’homme par la consommation du lait de vache contaminé ! C’est pour cela qu’il fallait bouillir le lait ! Si les sanatoriums ont disparu aujourd’hui c’est parce qu’un antibiotique miracle est apparu dans les années ‘70, la rifampicine, mais aussi parce que la tuberculose bovine fut éradiquée et ne contamina plus nos enfants buveurs de lait. Cette éradication fut cause de drames épouvantables chez bien des éleveurs, comme ce fut le cas ensuite pour la brucellose et les autres campagnes d’éradication. Même si des dédommagements financiers étaient fournis ils ne compensaient jamais ni la qualité d’années de sélection ni le drame humain lié à l’abattage de tout le bétail. Terrible dilemme : faut-il éviter les drames chez l’éleveur ou éliminer une maladie épouvantable comme la tuberculose ? La réponse nous semble évidente à condition que le drame humain soit encadré au mieux, ce qui ne fut sans doute pas toujours le cas et ne l’est peut-être pas encore.

Puis vint la brucellose : cette fois, dans nos régions, plus de grave contagion humaine (quoique pas mal de nos confrères et d’éleveurs en subissent encore les pénibles séquelles). La perte était économique et sournoise : un avortement (= une année perdue !) puis un deuxième avortement (une deuxième année perdue) puis… plus rien, tout semblait rentrer dans l’ordre ! Malheureusement le problème se reproduisait pour chaque génisse. Bilan : 2 années de perdues pour chaque bête plus contamination à vie des divers intervenants, éleveurs, vétérinaires, marchands, etc. C’est sans doute moins grave que la tuberculose humaine mais faut-il s’en accommoder ou faut-il réagir ? La vaccination est difficilement praticable ! Seule possibilité technique : à nouveau l’éradication avec abattage obligatoire etc. on recommence le même schéma sauf que cette fois au lieu de tuberculiner il faut faire une prise de sang ! Vous-même vous le dites « Et puis un beau jour, dans les années 1990, ô miracle, tout s’est arrêté ! » Croyez-moi : Joséphine Ange Gardien n’y est pour rien mais plutôt les draculas sympas  : la brucellose était éradiquée et les éleveurs belges pouvaient à nouveau exporter leur lait, beurre, viande etc. ce qui leur avait été interdit.

Voilà la logique qui s’est poursuivie avec vache folle, IBR, BVD etc. et qui, nous en sommes malheureusement persuadés, se poursuivra dans les siècles à venir car la biologie, si elle est souvent magnifique, est aussi incroyablement vicieuse et pernicieuse et a bien d’autres tours dans son sac pour nous apporter quelques nouveaux ectoplasmes. Ceci dit, cher Marc Assin, faites-nous le plaisir de poursuivre le plus longtemps possible vos merveilleuses rubriques que nous lirons toujours avec délectation, même s’il arrive (rarement) que nous ne partagions pas votre avis.

Cécile et Franz Dessy,

Drs Méd. vétérinaire, Prof. émérite ULg et UCL

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