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Ni biophile, ni biophobe

« Être ou ne pas être bio », est-ce une alternative binaire, comme blanc ou noir, positif ou négatif, de gauche ou de droite, ou pouvons-nous imaginer mille nuances d’intensité entre 2 pôles ?

Temps de lecture : 4 min

En politique, c’est plus simple. On va de la gauche +/- extrême à la droite +/- extrême. Et parfois, au milieu, il y a le centre. En France, le centre, c’est un peu comme le triangle des Bermudes : dès qu’il paraît se former ou se reformer, il disparaît. En Belgique, c’est le contraire : « Pas bouger, pas respirer, c’est perdurer ! »

Ceci dit, le monde change, plus rien n’est comme avant. Même les dieux ne sont plus fiables. Il suffit de voir comment, à droite, le paroissien Fillon s’est fait lâcher par le sien quand il a glissé sur l’argent du beurre. Et le coup d’avant, à gauche, le camarade DSK ne fut pas mieux protégé quand il s’est tiré une balle dans le pied, si on peut dire.

Pour l’instant, les forces cosmiques semblent offrir un alignement de planètes favorable au phénomène Macron qui réussit le tour de force d’être du centre sans en être. Côté cosmique, y aurait-il de la « biodynamie » là-dessous ? En fait, il n’est pas extrême centre, il pioche ce qui lui paraît plus intéressant tant à gauche qu’à droite.

Par analogie, peut-on imaginer en agriculture un axe qui irait du (super-) extensif vers le (super-) intensif ? D’un côté, on récolte ce que la nature, ou les dieux, veulent bien offrir, et à l’autre bout, on se fout de la nature : on fait tout avec des produits les plus chimiques possibles. Entre ces extrêmes : du bio ou du raisonné , un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout…

Mais alors, comment peut-on être un peu bio, mais point trop n’en faut ? Comment prendre le meilleur de tout sans se laisser griller pour rien ? Est-ce possible de faire un mijoté d’optimalisation ?

Pas facile, il y a la valorisation des produits. À chacun son cahier de charges. Ce n’est pas pour rien que les Champagnes s’imposent des contraintes, comme l’obligation de vendange manuelle, qui les différencient des crémants. Il y a de la valorisation à la clé.

Autre problème : les médias ont besoin de tension, de compétition, ou de peur pour susciter l’intérêt. Ils font leur miel des groupes qui s’opposent. Le consensuel n’intéresse personne.

Problème aussi pour les politiques : comment distribuer les primes ? Ceci dit, ce serait certainement plus simple et plus transparent qu’avec les intercommunales (…).

Mais au fait, les lois de la nature ne sont-elles pas les mêmes pour tout le monde ? Imaginons que chacun apporte sa part : les bios proposeraient de faire le maximum pour la fertilité des sols, de choisir des variétés très résistantes aux maladies, d’utiliser au mieux les légumineuses, de respecter les assolements. En sommes-nous si loin chez les non-bios ?

Dans l’autre sens, il pourrait être proposé de ne pas sacrifier les récoltes au nom du dogmatisme. On devrait pouvoir disposer d’une cotation des produits « phytos » en rapport avec leur écotoxicité. Ce serait l’équivalent des cotations des frigos ou des maisons sur les critères d’isolation. Ainsi, les produits les plus « softs » seraient privilégiés et les moins propres éliminés.

Reste le problème de l’azote, premier facteur limitant chez les Bios. L’azote minéral, c’est « péché ». L’origine est pourtant naturelle : c’est l’azote de l’air. Il y a bien sûr une transformation industrielle, mais pas plus que pour d’autres produits agréés en Bio. Bien sûr, il y a utilisation d’énergie fossile pour mettre l’azote gazeux sous forme solide. Mais le résultat final est excellent : une tonne d’équivalent carbone investi produit 5 X plus de carbone renouvelable. C’est un des bilans énergétiques les plus performants. Personne n’en parle, mais si on veut aider à la lutte contre le réchauffement climatique, ce sont les utilisateurs d’azote minéral, à dose raisonnée et contrôlée bien sûr, qui sont les bons élèves de la classe agricole.

Moralité : en agriculture comme en politique, rien n’est tout blanc d’un côté, ni tout noir d’un autre. À chacun de voter en remplissant le panier de la ménagère.

JMP

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