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Passion, professionnalisation et changement climatique: la nouvelle ère pétillante du vignoble wallon!

Le vignoble belge est en plein essor. Les projets d’extension en Wallonie ne manquent pas. Il y a quelques années le vin wallon était au mieux une passion, parfois un fantasme, rarement un produit grandiose. Grâce au travail acharné d’une poignée de passionnés, il est devenu une réalité à part entière, un vin qui n’a rien à envier à ses voisins. Un éclairage, en compagnie d’Henri Larsille, secrétaire de l’Association des Vignerons de Wallonie.

Temps de lecture : 8 min

I l y avait foule, mi-novembre dernier à Ath au colloque organisé par le Carah et la Haute école Condorcet sur le thème de la viticulture belge. Il est vrai que le sujet suscite des vocations et un intérêt grandissant dans notre pays depuis une bonne quinzaine d’années, avec aujourd’hui des résultats probants. Un engouement et des réussites auxquels le changement climatique n’est pas totalement étranger.

Avec le blé, la vigne est en réalité l’une des plus anciennes cultures pratiquée par l’Homme, rappelle d’emblée Henri Larsille. De 7.000 à 5.000 ans avant Jésus-Christ, la vigne était déjà cultivée en Géorgie. Quelque 1.600 ans avant J.C., les fresques découvertes par les archéologues montrent des scènes de vendanges, de vinification et de dégustation chez les Pharaons. L’expansion maritime grecque propage la vigne dans le Bassin Méditerranéen.

Secrétaire de l’association des Vignerons de Wallonie, Henri Larsille demande qu’en termes de promotion pour les produits wallons, le geste accompagne la parole: «L’heure est venue pour nos ministres régionaux de servir à leurs hôtes nos très bons vins wallons dans les réceptions officielles!»
Secrétaire de l’association des Vignerons de Wallonie, Henri Larsille demande qu’en termes de promotion pour les produits wallons, le geste accompagne la parole: «L’heure est venue pour nos ministres régionaux de servir à leurs hôtes nos très bons vins wallons dans les réceptions officielles!» - M. de N.

De l’essor à la chute brutale

Du Vlle au XVIe siècle, on plante la vigne en Belgique : vallée de la Meuse, Huy et Liège, à Louvain, Diest, Léau, St Josse, Schaerbeek, Wavre… au point que des vignobles sont présents partout dans notre pays au XVIe siècle.

Sous l’effet de fortes gelées et de l’amélioration des voies de communication, la vigne va pourtant presque disparaître de nos paysages au XVIIe et XVIIIe siècles, à l’exception de Huy. L’amélioration de la circulation des marchandises, par route et par voie d’eau, favorisé le commerce des vins en provenance de Bourgogne, du Rhin ou de la Moselle. À Namur, l’extension des villes et certaines fortifications empiètent sur les anciens vignobles. Enfin, l’industrialisation porte un coup fatal aux activités viticoles.

« La viticulture devient ainsi une activité complémentaire, et au XIXe siècle, Huy demeure la capitale du vignoble belge jusqu’en 1946 », poursuit Henri Larsille.

Le renouveau

Plus connue pour ses très bonnes bières, comme d’autres pays septentrionaux, la Belgique voit s’investir depuis quelques années des vignerons très dynamiques.

Le 1er juillet 1997 est une date importante pour la viticulture belge car elle marque la création de la première appellation d’origine contrôlée de Belgique : le « Hagelandse Wijn ». Situé dans l’ouest du Brabant flamand, le triangle formé par Louvain, Diest et Tirlemont, le Hageland est une région vallonnée réputée pour ses productions fruitières. Elle compte une trentaine de vignerons qui bénéficient de cette appellation.

L’année 2000 voit la création de la première appellation flamande, une AOC Haspengauwse Wijn, dans le Limbourg.

Henri Larsille relève que jusqu’en septembre 2015, tous les vignerons étaient représentés par la fédération des vins et Spiritueux. Après cette date, c’est la Région wallonne qui a repris toutes les activités.

La législation européenne a imposé une association professionnelle pour chaque Région d’un même État.

Les vignerons ont alors créé deux associations professionnelles, une wallonne, une flamande.

Depuis 2001, la compétence agricole régionalisée est assurée par la Région wallonne et la Vlaamse Gemeenschap, avec un ministère fédéral comme porte-parole aux institutions européennes.

Tous les vignerons belges sont ainsi reconnus non seulement au niveau national mais également au niveau européen et ainsi repris dans les accords bilatéraux des pays tiers.

L’association des Vignerons de Wallonie

Dans le sud du pays, notre association, en tant qu’interlocuteur représentatif des vignerons, se devait d’avoir une existence juridique bien définie et après quelques mois de pourparlers, a pris la forme d’une asbl. Dix-huit membres l’ont constituée le 30 mai 2012. Outre l’aspect légal, l’association a pour but de développer, de mettre en valeur et de protéger le potentiel wallon de production viti-vinicole.

Henri Larsille a assuré la présidence de cette asbl durant les trois premières années, avant de céder le flambeau à Pierre Rion.

Dans les années 1990, toutes les personnes qui se lançaient dans la plantation de vignes étaient considérées comme des illuminées, remarque l’orateur.

En 2000, est arrivé Philippe Grafé au Domaine du Chenois à Emines avec des cépages interspécifiques. Sélectionnés pour leurs qualités organoleptiques, ils sont le résultat d’un croisement entre des vignes européennes et des vignes plus résistantes. Elles ne nécessitent que très peu de traitements fongicides.

Cinq « vagues »

Le président de l’Asbl Pierre Rion, classait, lors d’une récente interview, les vignerons wallons en cinq catégories, poursuit Henri Larsille.

« Tout d’abord, les « folkloriques », soit ceux qui ont planté de la vigne après la guerre, avec Charles Henry à Seraing et Charles Ligot à Huy. Suivent « les pionniers » avec le Domaine de Mellemont (Brabant wallon) en 1993 ; puis les professionnels » 7 à 8 ans après, avec Ruffus (Les Agaises), de la famille Leroy, Philippe Grafé (Domaine du Chenoy) et Jean-François Baele (Domaine du Ry d’Argent), Jeanette Van Der Steen avec le Domaine de Bon Baron à Lustin, et récemment la Ferme du Chapitre à Baulers. »

« Arrivent les « investisseurs » incarnés par le Château de Bioul (famille Vaxelaire), le Domaine du Chant d’Eole à Quévy le Grand (famille Ewbank) en Hainaut, le Château de la Mazelle (famille de Radzitzky d’Ostrowick) à Beaumont (Hainaut), Vin de Liège. »

« Enfin l’on trouve les « grandes familles », avec le Domaine de la Falize (famille de Mevius) près de Namur et le Château de Bousval (Verhaeghe de Naeyer) en Brabant wallon. »

Une orientation à ne pas prendre à la légère

La tendance devrait se poursuivre par de plus petits acteurs, estime Henri Larsille. « Il y a incontestablement une spirale d’emballement aujourd’hui et notamment dans la diversification du domaine agricole. Mais avant de se lancer, il faut bien comprendre que reconvertir une terre agricole en vignoble n’est pas une opération rentable immédiatement. »

Geurt Van Rennes, vigneron bien connu à Hasselt (Genoels-Elderen) très impliqué dans la viticulture durable, dit qu’il faut 10 ans et 10 ha pour faire du vin à 10 euros. Dès qu’un domaine dépasse 100.000 bouteilles, cela devient intéressant.

Même réflexion chez Jean-François Baele du domaine du Ry d’Argent : « il faut huit ans sans emprunt pour devenir rentable : pour autant que vous ayez tout vendu, que le produit soit bon, plaise au public et que vos vendanges se soient bien déroulées sans souci. Il faut donc tenir bon pendant huit ans ».

Il est donc nécessaire de se poser les bonnes questions avant de se lancer dans l’aventure viti-vinicole (NDLR : voir notre supplément Rula, Vignes, octobre 2019).

Le vignoble wallon se répartit aujourd’hui entre 70% de cépages blancs et 30% de rouges.
Le vignoble wallon se répartit aujourd’hui entre 70% de cépages blancs et 30% de rouges. - M. de N.

Quelques chiffres sur le vignoble wallon

Lors de la création de l’asbl Vignerons de Wallonie, 16 vignerons étaient affiliés ; à ce jour ils sont plus de 70. Le vignoble wallon est passé de 50 ha environ en 2012 à 130 ha en 2015 et près de 190 ha aujourd’hui.

La production totalisait 520.000 bouteilles de vin en 2014, 700.000 en 2015, 800.000 en 2016 pour atteindre un record en 2018 : 1.300.000 bouteilles. Cette croissance est en grande partie attribuée à la chaleur connue durant l’été 2018.

La province de Hainaut est la championne de la production, suivie par le Limbourg et Namur. Près de 70 % en effervescents blancs, 15 % de vin blanc tranquille, 8 % de rouge, 5 % de rosé et environ 2 % d’effervescents rosés.

Quatre appellations

Quatre appellations trouvent place aujourd’hui en Wallonie :

– deux remontent à 2004 : une indication géographique protégée (IGP) Vin de pays des Jardins de Wallonie bientôt modifié en Vin de Wallonie, et une appellation d’origine protégée (AOP) : Côtes de Sambre et Meuse ;

– les deux autres datent de 2008 : deux AOP : vin mousseux de qualité de Wallonie et le Crémant de Wallonie.

Chaque appellation fait l’objet d’un cahier des charges bien défini.

Dans ces cahiers des charges sont déterminés notamment, les spécificités de l’aire géographique, la nature des sols et sous-sols, l’encépagement, le rendement à l’hectare, la chaptalisation, l’élaboration du vin, l’étiquetage et les caractéristiques du produit fini.

Le déroulement du processus de reconnaissance d’un vin comme appellation d’origine ou indication géographique s’effectue selon un schéma très précis.

Outre toute la procédure d’introduction d’une demande, et la réalisation d’une analyse chimique sur un des échantillons prélevés, une analyse organoleptique est réalisée par un jury dont je fais partie.

Ce jury est chargé, à travers des sessions de dégustation, de vérifier la conformité des vins aux standards organoleptiques olfactifs, visuels et gustatifs.

L’examen organoleptique a trait au minimum à la couleur, l’odeur et le goût selon une cotation établie dans une grille d’évaluation. La dégustation s’effectue sur des échantillons anonymes. Aucune information sur les vins présentés n’est communiquée au jury avant la dégustation, et aucune information nominative n’est communiquée à la fin de la session.

« Le rôle de cette commission est très important non seulement pour défendre les appellations mais également pour valoriser les réalités du terroir et rassurer le consommateur afin qu’il sache clairement ce qu’il a dans son verre. ».

Les cépages et les terroirs

Nous connaissons deux approches de la viticulture en Wallonie, note encore Henri Larsille.

La première utilise des cépages traditionnels dits internationaux : chardonnay, pinot noir, pinot gris, pinot blanc. La seconde privilégie des cépages expérimentaux dits interspécifiques ou encore hybrides, comme le Solaris, le Muscaris, le Johanniter, le Bacchus, l’Hélios en blanc, le Régent, le Cabernet-Cortis, le Cabernet-Jura, le Pinotin rouge.

Nous comptons 70 % de cépages blancs et 30 % de rouge. Dans les blancs, le Chardonnay est largement en tête (35 %) ; et en rouge, le Pinot Noir domine (12 %).

Les terroirs sont très divers : calcaire à 100 % dans le bassin de Mons (prolongement du bassin parisien qui comprend la Champagne), argilo-calcaire, argilo-limoneux, sablonneux, schiste carbonifère, conglomérats, silex…

Propos recueillis par M. de N.

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