Mon beau sapin!
Épicéas, douglas, sitkas… : les sapins ne manquent pas en Ardenne ! Ils sont présents par millions, dressés fièrement dans nos forêts, alignés au cordeau en régiments comme des soldats prussiens, uniformes verts de gris et casques à pointe. Enfin, ces derniers mois, avec les attaques des scolytes, disons qu’ils sont beaucoup moins « dressés fièrement », et tirent pour certains une tête à faire peur, dépenaillés et squelettiques. Les sapins de Noël, par contre, gardent leur verdeur d’avance. Le secteur semble florissant : la Belgique est le troisième plus grand producteur d’arbres de Noël, derrière l’Allemagne et le Danemark. 85 % sont paraît-il exportés aux quatre coins du monde. Mon beau sapin, roi des forêts et des campagnes ?

Car le Nordmann de luxe n’est guère charitable non plus envers les agriculteurs. On peut comprendre pourquoi leur coût de production est si élevé, quand on voit les sommes d’argent offertes par les pépiniéristes pour acheter ou louer des terres agricoles, sur les hauteurs de Neufchâteau, par exemple. (Oui, ce Neufchâteau-là, la ville aux deux bourgmestres Yves et Dimitri, ceux qui se tirent les poils de la barbichette depuis dix-huit mois !) Quand la parcelle convient, -sa situation, son exposition, son accessibilité, sa taille –, elle est payée deux, trois, quatre fois un prix normal et acceptable. Les fermiers du coin ne rigolent pas spécialement devant cette concurrence…
La culture de sapins de Noël serait-elle donc une activité rentable, qui autoriserait l’achat de terres à prix d’or ? Que nenni, pleurent aujourd’hui les pépiniéristes ! Le grand commerce s’est emparé du symbole phare de la Nativité pour en faire un produit d’appel qui attire les clients dans leurs filets. Chez Ikea et Gamma, par exemple, des Nordmann sont vendus à prix cassé, 15-20 € au lieu de 30-40 €/pièce, lequel chiffre constitue un prix « équitable ». D’où viennent-ils ? De Belgique, affirme Ikea-Belgium ! Des pays de l’Est, où ils sont produits industriellement, accusent en chœur les producteurs de chez nous, bien marris de voir leurs beaux sapins, rois des forêts (que j’aime ta verdure !), devenir les rois des attrape-clients… Voilà un compte de Noël pas du tout merveilleux pour tout le monde…
Et le petit Jésus, dans tout cela ? Les Nordmann de l’Est vont peut-être le faire éternuer davantage… Notre société capitaliste et consumériste a décidément bradé le message de Noël ! La plus belle fête de l’année est devenue une affaire de gros sous. Mieux vaut pour nous faire abstraction de tout ce côté sombre, et nous consoler en contemplant la jolie petite flamme du renouveau, allumée lors de la Nuit de Noël !
Je vous souhaite à toutes et à tous d’humbles et joyeuses fêtes de fin d’année, et m’en vais discrètement derrière chez moi en forêt, chercher un petit moche épicéa, poussé naturellement en famille, serré parmi cent autres au pied de ses parents, comme le petit Jésus endormi dans sa crèche…