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Dans quel monde vivons-nous?

C’était un soir de la mi-décembre tout à fait ordinaire… sauf que pour une fois, je l’ai passé devant la télé. Il n’y avait rien d’exceptionnel ce soir-là : ni guerre, ni catastrophe, ni élection, ni coupe du monde. C’était le remplissage ordinaire : la non-formation du gouvernement, les grèves et manifs en France, les outrances de Donald Trump et… le miel qui m’a attiré comme une mouche sur une merde : une émission SANTÉ sur France 5 : « Les PESTICIDES, peut-on encore y échapper ? »

Temps de lecture : 4 min

C’était un soir de la mi-décembre tout à fait ordinaire… sauf que pour une fois, je l’ai passé devant la télé. Il n’y avait rien d’exceptionnel ce soir-là : ni guerre, ni catastrophe, ni élection, ni coupe du monde. C’était le remplissage ordinaire : la non-formation du gouvernement, les grèves et manifs en France, les outrances de Donald Trump et… le miel qui m’a attiré comme une mouche sur une merde : une émission SANTÉ sur France 5 : « Les PESTICIDES, peut-on encore y échapper ? »

Je ne m’attendais pas à une émission scientifique d’une grande rigueur. Je n’ai pas été déçu : rien que du superficiel tournant en boucle autour de ce gros mot « pesticide ». J’ai quand même perçu une pointe d’honnêteté intellectuelle lorsqu’ils ont avoué combien il leur a été difficile de trouver un agriculteur qui se laisse filmer à côté de son pulvérisateur. En outre, on ne l’a pas coupé quand il a expliqué que les produits de protection des plantes sont aux végétaux, ce que les médicaments sont aux humains. De fait, qui voudrait vivre aujourd’hui dans un monde sans médecins, sans pharmaciens, sans hôpitaux, sans kinés, sans dentistes, sans infirmières ? Depuis Paracelsus, nous savons que c’est la dose qui fait le poison.

Ceci dit, les militants « anti » ont répété jusqu’à plus soif que « pesticide » rime avec « suicide ». Ils sont donc synonymes. Ils terminaient invariablement par «  YNIAKA  » comme le capitaine Haddock terminait par «  Mille sabords  ».

Les journalistes SANTÉ ont fait témoigner dans le style « micro-trottoir » des braves gens souvent âgés souffrant de pathologies, qui, dans leur cas, pourraient être liées, à un moment ou l’autre, au travail de leurs voisins agriculteurs : cancer, Alzheimer, Parkinson…

Il y avait quand même des scientifiques. Je ne doute pas de leur niveau mais ils ont dû se faire coacher dans l’art de pratiquer la langue de bois qui consiste à être suffisamment complexe pour que personne ne comprenne et qu’on ne puisse rien leur reprocher.

En fin de compte, ce que j’ai compris, même en m’étant parfois assoupi, c’est que moins il y a de pesticides, moins ils sont toxiques et mieux on les utilise correctement, plus ils apparaissent comme dangereux aux yeux des journalistes, donc du grand public.

On peut désormais repérer leur trace à l’échelle du nanogramme (1 millionième de gramme) et donc crier au loup. Par contre, le benzène, clairement cancérigène, se mesure en microgrammes (1000 x plus) mais comme cela concerne les voitures, circulez, il n’y a rien à voir. Quant à l’alcool, qu’on dose en gramme par jour, c’est bon pour la santé, pourvu qu’il n’y ait pas de goût de bouchon. La cigarette ? c’est bon pour le moral, paraît-il.

Je poursuis la soirée avec « C… dans l’air », une émission qui commente l’actualité du moment. C’est curieux : la France consomme 15 % des dépenses sociales mondiales pour 0,9 % de la population. Et les gens sont dans la rue tous les jours. Les supporters de Le Pen et Mélenchon défilent, bras dessus, bras dessous comme s’ils étaient les damnés de la terre.

Quelle chance nous avons en Belgique de pouvoir vivre souvent sans gouvernement. Personne contre qui manifester. Du coup, moins de grèves ou de manifs. D’ailleurs les marchés financiers ne s’y trompent pas : c’est la totale confiance dans cette absence de pouvoir. Contrairement à ce que prétendent les médias, c’est peut-être plutôt bon pour l’économie du pays ?

Tout cela me rappelle ma grand-mère, personne de bon sens s’il en est. Je me souviens que dans les années soixante, l’âge d’or des sixties, quand elle ouvrait le journal, elle s’exclamait «  Dans quel monde vivons-nous ?  » Elle avait connu 14-18 et 40-45 mais son « ressenti » était sublimé la dramaturgie journalistique. Moralité, le « ressent » n’est pas fait pour les chiens, il est strictement réservé aux humains.

JMP

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