Accueil Voix de la terre

Années chlorophylle?

2020, « twenty twenty » disent les anglophones. Nous venons -déjà !- d’entamer la troisième décennie du 21e siècle, lequel, mine de rien, avance à grands pas sur son chemin pavé de bonnes et moins bonnes intentions… 2020 sera-t-il vain ou divin ? Je ne suis pas devin. Sortirons-nous vingt cœurs des multiples défis présents et à venir ? L’année qui s’achève consacre en tout cas une flopée de belles résolutions, dont ce fameux Green Deal lancé par l’Union Européenne, deux mots qui claquent au vent et sonnent le grand branle-bas de combat contre le réchauffement climatique. Sur qui va-t-on taper cette fois encore ? Je crains le pire…

Temps de lecture : 4 min

Un Green Deal s’impose, c’est évident ! Il s’impose depuis très (trop) longtemps, depuis les premiers signes tangibles du grand dérèglement planétaire. Mais comment faire bouger les lignes ? Les scientifiques ont baptisé notre époque géologique l’Anthropocène (âge géophysique de l’homme), pour bien marquer l’empreinte indélébile que l’être humain moderne imprime à sa petite Terre. Une date bien précise marque ses débuts : le 16 juillet 1945, quand explosa la bombe atomique « Trinity » à Los Alamos, lors du tout premier essai nucléaire. Dans plusieurs millions d’années, des traces de ses résidus (et ceux des centaines de ses sœurs explosées joyeusement par la suite, dans les airs, les sous-sols et les mers) marqueront d’un trait bien visible leur strate géologique. Les couches de l’Anthropocène contiendront ces isotopes pas très catholiques, des quantités invraisemblables de plastique et bien d’autres molécules pas du tout naturelles. Les sédiments de notre époque attesteront surtout de notre mode de vie, de la consommation débridée des énergies fossiles, du pétrole en particulier.

Mais pour l’heure, tout le monde se fiche un peu de l’Anthropocène et des prêcheurs d’Apocalypse. Bien entendu, il faut feindre de s’émouvoir. Il est de bon ton d’organiser des conférences mondiales sur le climat, de descendre dans la rue, d’idolâtrer une égérie comme la brave petite Laponne Greta Thunberg. Tandis que le bon peuple se défoule et mouche ses humeurs dans ces manifestations médiatiques, le monde politico-financier continue, sans le moindre état d’âme, à chercher de nouveaux gisements de pétrole. La Russie et la Chine prospectent l’Arctique, maintenant libérée de ses couches de glace par le réchauffement, afin d’exploiter les fabuleux gisements d’hydrocarbures et de gaz naturel que cet océan recèle. Les USA interviennent au Moyen-Orient, y zigouillent les gens trop gênants, pour garantir leurs approvisionnements en pétrole. Les Grands de ce monde misent encore et toujours sur les énergies fossiles pour alimenter leur économie et maintenir en vie leur civilisation sous perfusion pétrolière…

Alors bon, le Green Deal d’Ursula Von Der Leyen, je veux bien y croire, mais quand je vois comment le reste de la planète se comporte, j’ai comme un doute sur l’efficacité de ce « pacte vert »… L’agriculture y sera en première ligne, à l’image des armées de paysans sacrifiées lors des multiples guerres du dernier millénaire en Europe. L’UE nous a si souvent déçus… En sera-t-il autrement cette fois ? La PAC d’aujourd’hui porte toujours en elle l’ADN du Plan Mansholt de 1968. Restructuration, compétitivité, modernisation. On nous annonce une agriculture européenne 100 % bio et zéro-pétrole pour 2050 : Ursula n’a-t-elle pas les yeux plus grands que le ventre ? Cela viendra un jour, certainement, quand les dernières réserves d’or noir seront épuisées et que les enfants de nos enfants suffoqueront dans une atmosphère riche de tout ce CO2 rejeté par les activités humaines. D’ici cent ans, environ…

La diminution des émissions de gaz à effet de serre doit concerner tout le monde. Chacun doit balayer devant sa porte, l’UE en premier en évitant par exemple d’engager des accords commerciaux avec des régions lointaines, comme le Mercosur. La seule solution est tout simplement de se passer au plus vite possible des énergies fossiles. Est-ce réalisable en agriculture ? Dans les usines ? Les transports de marchandises ? Les déplacements en voitures privées ? Le tourisme ? Sans pétrole, tout s’arrête : notre civilisation, notre manière de vivre s’effondre, dans un « collapsus » universel. Notre dépendance envers les produits pétroliers est trop grande aujourd’hui. La transition sera lente et demandera une toute autre vision des choses. Mais restons confiants ! Tous ces gens si intelligents et tellement instruits réfléchissent à notre place et vont nous dire quoi faire, comme d’habitude, sans trop se soucier de notre avis, et encore moins de notre bien-être.

Des années « vertes » se profilent sans doute devant nous, teinte chlorophylle, une couleur que nous connaissons sur le bout de nos gros doigts calleux, et travaillons depuis la nuit des temps !

A lire aussi en Voix de la terre

Merci les jeunes!

Voix de la terre Durant ce mois de février, votre détermination et votre enthousiasme ont secoué et réveillé les instances politiques locales et européennes.
Voir plus d'articles