Les effets de la pandémie du Covid-19 ont presque réduit à néant, au cours du mois de mars et ce pour une période indéterminée, les exportations de bœuf d’origine sud-américaine à destination du continent européen. « La demande européenne de bœuf argentin est proche de zéro », atteste Miguel Jairala, l’économiste en chef de l’Institut de promotion de la viande bovine argentine.
Cette rétraction massive et subite résulte directement des mesures de confinement de la population adoptées en Europe. En effet, le bœuf argentin importé en Europe, notamment, est essentiellement destiné à l’hôtellerie et à la restauration, des activités actuellement paralysées. L’expert argentin Miguel Gorelik assure que « la seule façon de récupérer le marché européen est que soit au préalable levé le confinement. »
Pas de substitution
« En aucun cas, dit-il, le marché européen ne peut être substitué par un autre ». Or, depuis la mi-mars, les abattoirs argentins, mais aussi brésiliens, ont reçu de la part de leurs clients européens des demandes de report des livraisons, d’annulation de celles-ci, de renégociation des prix, et font face à l’absence de nouvelles commandes. « Désormais, en Argentine, poursuit Miguel Gorelik, les abattoirs n’achètent plus de bovins mâles lourds, catégorie reine de l’exportation, et la valeur du bétail en général a diminué ».
Selon lui, l’Europe a acheté du bœuf à l’Argentine, l’an dernier, pour 462 millions d’euros, soit 15 % de la valeur totale des exportations de bœuf de ce pays sud-américain. Un chiffre similaire aux données d’Eurostat, pour qui l’UE à 28 a importé d’Argentine, en 2019, quelque 48.750 t de bœuf pour une valeur de 451 M€.
Vers les États-Unis… et Israël
La perte quasi-totale, quoique momentanée, du marché européen advient au moment où s’ouvre la saison du contingent 481 (contingent tarifaire d’importation de viande bovine de haute qualité ouvert à droits d’importation nuls) auquel l’Argentine et l’Uruguay ont accès. Par ailleurs, le marché états-unien, que l’Argentine a mis des années à rouvrir, est lui aussi paralysé, tandis qu’Israël a, dans les faits, suspendu ses importations de bœuf.
Pour l’Argentine, les pertes commerciales sont immédiates. Elles concernent en effet les cargaisons livrées en Europe en mars. Selon le journal argentin La Nación, en mars, près de 2.500 tonnes de bœuf du contingent Hilton et 1.000 t du contingent 481 ont été expédiées vers l’UE pour une valeur totale de 35 M€. Certains importateurs ont exigé une révision à la baisse des prix négociés de 10 % à 20 %, voire l’annulation des contrats.
Des pratiques commerciales dénoncées
Une demande européenne de tourteaux de soja soutenue
À l’inverse, selon des sources consultées à Buenos Aires et à São Paulo, les exportations de céréales, d’oléagineux et de produits dérivés de ceux-ci d’origine sud-américaine seraient relativement épargnées jusqu’ici par la crise sanitaire, du moins au niveau des volumes embarqués.
« Nos exportations de grains profitent d’une demande soutenue », assure Gustavo Idígoras, le président du Centre argentin des exportateurs de céréales. « Les importateurs européens veulent sécuriser leurs stocks de tourteaux de soja et font confiance aux systèmes portuaires pour s’en assurer la possession, car ils redoutent d’éventuelles embûches au fret routier intra-européen à cause des mesures de confinement », croit-il savoir.
En blé également, la campagne argentine d’exportation 2019/2020 est seulement freinée par la crise du Covid-19 après avoir marqué un record au premier trimestre avec 9 millions de tonnes expédiées surtout au Brésil et en Indonésie. Elle pourrait cumuler à 12,5 Mt de blé du fait d’une demande accrue des importateurs qui voudraient conforter leurs stocks en vue de scénarii humanitaires pessimistes sur leur territoire à cause du coronavirus.
Embarquements retardés
Le gouvernement argentin, qui a décrété le confinement de la population jusqu’au 13 avril, en a excepté le secteur agricole. Des retards d’embarquement de plusieurs jours sont dus au renforcement des protocoles sanitaires dans les ports-usines du Grand Rosario, de Bahía Blanca et de Necochea.
Un syndicat de dockers a bloqué momentanément le port de Timbúes, près de Rosario (province de Santa Fe), à la mi-mars, pour réclamer la mise en quarantaine de navires provenant du Brésil. Mais depuis, « les opérations se déroulent dans une relative normalité », indique Gustavo Idígoras.
Passages de camions interdits