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Le cancer n’est-il que dans le pré?

Je ne suis pas sur Facebook ni sur Tweeter. J’ai juste une adresse mail car aujourd’hui, être « sans clavier », c’est presque comme être « sans papiers ». Néanmoins, l’écume de la twittosphère, de la blogosphère et autres réseaux (a)-sociaux arrive parfois dans ma boîte aux lettres par petites vagues indésirables. Il suffit que les mails des « amis de mes amis » me reprennent dans leurs cibles bien intentionnées pour me révéler une vérité à laquelle seule, Internet, permet d’accéder (…)

Temps de lecture : 3 min

Ainsi vient-on de me proposer de signer une pétition informatique pour interdire l’usage des pesticides : «Non au sabotage chimique de nos vies» car, aujourd’hui, nous, anonymes, citoyens ordinaires et de bonne volonté, avons le devoir d’agir par nous-même, et de faire enfin bouger les lignes. En agissant ainsi, nous pourrons éviter la catastrophe annoncée et reprendre le contrôle de nos vies, me dit-on.

Un petit film de deux minutes illustre le contenu : des images d’archives en noir et blanc montrant des viticulteurs versant allègrement des pesticides dans d’antiques pulvérisateurs ; un éleveur atteint de leucémie à cause des pesticides (dans les prairies ?), et un autre agriculteur, paraplégique, témoignant dans le même sens. Le tout est assaisonné de slogans du style : ceux qui parlent s’exposent à des pressions, mon travail fait mourir les gens, etc.

D’abord, on ressent de l’empathie pour tous ceux qui souffrent. Ensuite, on est bien conscient que les produits phyto doivent être utilisés de manière adéquate. Je n’ai pas l’âme d’un militant pro-ou anti-phyto mais je suis quand même intrigué : il n’y a pas que les agriculteurs qui puissent être malades. Je pense même que comme « indépendants », ils le sont même moins que beaucoup de salariés. Je sais qu’il est prouvé qu’en France, les agriculteurs vivent plus longtemps que la moyenne de la population. Je sais que les ¾ des anciens produits ont disparu, que les nouveaux sont utilisés à très faible dose et que les exigences d’écotoxicité sont toujours grandissantes au niveau des homologations.

En signant la pétition, on m’invite à recevoir – gratuitement – d’autres informations concernant la santé. Je clique par curiosité, et je vois que le bien-être des agriculteurs n’est pas l’objectif réel, mais la vente d’une revue, pour une médecine anti-âge, qui permet, pêle-mêle, la réduction de l’obésité abdominale, l’amélioration du débit cardiaque, la normalisation de l’hypercholestérolémie, l’inversion de l’athérosclérose, et j’en passe, le tout avec cadeau à la clé.

J’imagine que l’émetteur du mail, simplement écolophile, n’a pas conscience d’être manipulé, mais participe simplement, inconsciemment, à du lobbying sociétal diffusant n’importe quoi sur Internet. On sait qu’aujourd’hui, émettre des fausses rumeurs rapporte même du pognon, beaucoup de pognon, aux sites anonymes qui valorisent par la publicité les clics qui les visitent. Il suffit de cibler ce qui plaît aux milieux diffuseurs les plus militants, en l’occurrence les écolos ou, dans un autre registre, l’extrême droite.

Le cancer n’est pas dans le pré, mais bien sur la toile du net. En attendant, l’agriculture en prend, encore une fois, plein la gueule…

JMP

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