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Léopold II, l’hévéa et les migrations

Ces temps-ci, Léopold II est, si pas à l’honneur, en tous cas sur le devant de la scène. Votre chroniqueur Marc Assin a bien analysé cette constance de notre espèce à jouer au «dominant-dominé» entre les peuples au fil des siècles.

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Je me souviens que nos cours d’histoire étaient structurés par périodes qui correspondaient à nos envahisseurs: période romaine, franque, espagnole, autrichienne, française et hollandaise avec en prime la Prusse en 14-18 et le Reich en 40-45. Soit! Les pages sont tournées. Vivons le présent.

J’en reviens à Léopold II, que je n’ai pas connu et au Congo où je ne suis jamais allé. Je sais pourtant qu’il a financé ses opérations en imposant la culture de l’hévéa au moment où les besoins en caoutchouc explosaient.

Je connais un peu l’hévéa. C’est une espèce originaire d’Amazonie. Elle s’est développée en Asie du Sud Est et, depuis les indépendances, en Côte d’Ivoire, un des rares pays d’Afrique à avoir basé son développement sur l’agriculture.

L’hévéa est une culture intéressante car peu coûteuse. Il y a la pépinière de départ, puis, 5 années de croissance avant de produire spontanément le latex qu’on récolte par saignée, sans épuiser l’arbre. C’est «l’épargne-pension» pour nombre de paysans ivoiriens. Une fois en production, il suffit de passer régulièrement récolter le latex dans des bols, arbre par arbre. Un travail sans grande fatigue qu’on peut mener jusqu’à un âge avancé. L’hévéa pousse dans les sols les plus pauvres et les plus acides et n’a besoin de rien.

Il m’a même fourni une belle leçon de modestie. J’eus l’occasion d’étudier sa fertilisation, persuadé que dans ces sols pauvres et acides, on pouvait l’aider par de bons engrais. Le marché en valait la peine. Une expérimentation scientifique en bonne et due forme fut menée, en Belgique, sous serre, avec de la latérite importée, et sur place, dans les conditions du terrain ivoirien. Le résultat fut sans appel: nos cultures (céréales, graminées) nécessitaient d’ajuster les engrais mais l’hévéa n’avait besoin de rien. Au contraire! Darwin m’aurait sans doute expliqué qu’au fil des millénaires, l’hévéa avait sélectionné des propriétés pour survivre, mieux, se développer dans les sols les plus pauvres du monde. CQFD.

Paradoxalement, il n’y a presque plus d’hévéas en Amérique du Sud. C’est un migrant qui a réussi. Il n’est pas le premier ni le dernier. Des migrants qui réussissent en changeant de terroir, la nature nous en offre une kyrielle: des bons et des moins bons.

L’oïdium par exemple, inconnu en Europe avant la moitié du XIXe siècle. Le mildiou, arrivé un peu après. Le phylloxera en vigne, à la même époque.

Du côté des migrants sympas, il y a bien entendu la pomme de terre. Sans Christophe Colomb, on ne connaîtrait pas non plus le haricot, la courge, l’ananas, le quinoa …. Le maïs, quasi inexistant chez nous il y a 50 ans, est aujourd’hui presque aussi important en surfaces cultivées que les céréales.

Et puisqu’on est parti de Léopold II, une dernière petite réflexion pour la route: on parlait beaucoup des migrants avant la pandémie, et rarement avec les bras grands ouverts. Depuis: silence radio. Que sont-ils devenus? Ont-ils disparu? Ou était-ce un faux problème, juste de quoi vendre de la peur quand elle rapporte?

Au fait, le réchauffement climatique: pareil! On n’en a plus entendu parler pendant le confinement. Le printemps était pourtant exceptionnellement chaud et sec. A croire que nombre de médias avaient outrepassé leur quota d’émissions anxiogènes.

Et l’agri-bashing? Fini? La peur dans nos assiettes? Finie? Vive les produits du terroir. Vive le fermier du coin. Vive la proximité. Pourvu que cela dure…

JMP

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