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Réforme de la pac et syndicats: un compromis imparfait pour l’un, qui pousse à un immobilisme dramatique pour l’autre

Le Conseil des ministres de l’Agriculture européen est parvenu à un accord sur une approche générale de la future pac. Pour la Fwa, si ce compromis est imparfait, il est urgent d’avancer dans la mise en œuvre de la nouvelle pac en préservant les principes essentiels de l’agriculture. La Fugea y voit au mieux un statu quo, au pire un retour en arrière dans lequel l’agriculture familiale est encore oubliée…

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L’accord intervenu le 21 octobre en Conseil des ministres européens se veut très ambitieux sur le plan environnemental, incluant un système d’éco-régimes obligatoires, qui devront être fixés au niveau régional ou national, afin d’atteindre des objectifs fixés au niveau européen.

Si les agriculteurs sont déterminés à répondre pleinement au défi climatique, la Fwa tient à rappeler que la mission nourricière de l’agriculture ne doit pas être minimisée, car la souveraineté alimentaire des populations représente aussi, un défi majeur pour l’avenir. « Tout au long de la crise du Covid, les exploitations familiales européennes ont montré leur capacité à maintenir un approvisionnement alimentaire de qualité et en quantités suffisantes. Il est essentiel que cet élément reste central dans la nouvelle pac. »

Selon le syndicat, les agriculteurs demandent aussi à leurs décideurs politiques de faire preuve de cohérence. Les objectifs de la future pac se veulent très ambitieux mais l’ensemble des autres politiques de l’Union européenne doivent être à la hauteur de ces ambitions. Comme le souligne la présidente du Copa, Christiane Lambert, il faut cesser l’importation de modèles agricoles dont nous ne voulons pas chez nous.

« Le compromis intervenu la nuit du 20 au 21 octobre n’est pas parfait, mais vu les incertitudes économiques et sanitaires actuelles, il est urgent d’avancer dans la mise en œuvre de la nouvelle politique », poursuit la Fwa. Les trilogues doivent commencer rapidement. Les exploitations familiales wallonnes dépendent fortement de la politique fixée par l’Europe, et ont un besoin crucial de connaître le cadre dans lequel elles devront fonctionner dans le futur, afin de prendre les décisions adaptées dans les orientations de leurs activités.

La Fwa continue son travail d’analyse au jour le jour, et se positionnera fermement pour que cette pac plus verte permette néanmoins à notre agriculture de rester compétitive, de conserver sa fonction nourricière, et d’assurer l’équilibre économique de nos exploitations.

« Une mauvaise direction », selon la Fugea

Pour sa part, la Fugea ne s’est pas réjouie du contenu dudit accord. « En effet, celui-ci, qui assure un statu quo de la pac, ne la rendra ni plus juste, ni plus verte mais la pousse à un immobilisme dramatique perdurant la concentration des aides (20 % des bénéficiaires reçoivent actuellement 80 % des aides). » À titre d’exemple, le Conseil souhaite rendre facultatif le paiement redistributif (qui permet de mieux répartir les aides entre agriculteurs) alors que la Commission proposait à juste titre de le rendre obligatoire.

« Ces décisions sont en totale contradiction avec les objectifs de la stratégie « De la ferme à la fourchette », du Green Deal (Pacte Vert) ou de la stratégie sur la Biodiversité portés par la Commission », poursuit la Fugea. Le syndicat estime, en effet, que ces trois stratégies vont dans la bonne direction mais nécessitent la mise en œuvre d’une ligne de conduite cohérente et de moyens conséquents afin d’assurer le revenu des agriculteurs. « Or, il était déjà acté que le budget de la pac diminuera de 10 %, mettant sous pression les revenus des agricultrices et des agriculteurs. Avec les décisions prises par le Conseil et le Parlement, les outils de la pac partent maintenant dans la mauvaise direction. »

La Fugea continuera à défendre ses positions dans les négociations au niveau wallon. La transition vers une agriculture résiliente et rémunératrice reste nécessaire. Et elle fera en sorte que le plan stratégique wallon soit ambitieux et réaliste, n’en déplaise aux défenseurs du statu quo.

Les jeunes déplorent « un manque d’ambition »

La Fédération des jeunes agriculteurs (Fja) regrette, pour sa part, le manque d’ambition général donnée à cette politique importantissime pour la viabilité des agriculteurs européens. « La pac ne permettra malheureusement pas aux agriculteurs de pouvoir tirer un revenu décent de leur travail, condition sine qua non pour assurer leur pérennité et leur permettre de répondre aux défis de demain », déplore-t-elle.

Et le président de la structure, Pierre André, d’ajouter : Pour le Président des jeunes agriculteurs wallons Pierre André : « L’accord ne remet aucunement en cause les orientations prises par l’Europe dans les années 90, qui placent les agriculteurs européens sur un marché mondialisé débridé laissant trop souvent la part belle aux moins-disants ». La Fja regrette ainsi qu’aucune mesure ambitieuse et innovante en matière de régulation et de protection des marchés pour faire face à la volatilité des prix n’ait été décidée.

Alors que moins de 5 % des agriculteurs en Europe ont moins de 35 ans, le renouvellement des générations constitue une priorité absolue. Le syndicat salue le vote des députés européens qui souhaitent donner davantage d’ambitions à la pac en votant, notamment, en faveur d’un doublement des budgets (4 % contre 2 % par le Conseil) dédiés à l’aide aux jeunes générations durant les premières années qui suivent leur installation.

« Néanmoins, cela ne résoudra clairement pas la question du manque de renouvellement des générations en agriculture, et cela met donc en péril à terme l’agriculture familiale et durable telle que nous la connaissons encore en Région wallonne. »

La FJA salue également les mesures adoptées par les députés européens pour renforcer la définition du « véritable agriculteur » et offrir plus de transparence sur l’utilisation des fonds publics européens et pour concentrer ceux-ci vers celles et ceux qui exercent réellement une activité de production agricole.

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