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Réchauffement climatique et réel impact de l’élevage: le rôle du méthane remis en question

Des travaux menés par des chercheurs d’Oxford démontrent que, puisque le méthane possède une durée de vie courte, seules les variations de ses émissions ont un réel effet sur la température. Avec des conséquences doubles : si la contribution de ce gaz à effet de serre au réchauffement à court terme est actuellement surestimée, son potentiel de refroidissement à long terme est, lui, largement sous-estimé.

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La question a été soulevée dans des articles scientifiques dès le début des années 2000. Comment prendre en compte la durée de vie plus courte de certains gaz à effet de serre, comme le méthane, dans les bilans d’émissions ? Si le débat peut sembler réservé aux experts, les réponses ont des conséquences importantes pour l’ensemble de la planète, alors que les accords de Paris, le Pacte vert (Green deal) européen, ou la Stratégie nationale bas carbone définissent désormais des objectifs climatiques à toutes les échelles politiques.

« Ce n’est pas un problème de modèle. Nous savons depuis des années que le dioxyde de carbone et le méthane agissent différemment. C’est au fond un problème de communication », résume John Lynch, chercheur au sein du département de Physique de l’université d’Oxford, et co-auteur d’un article récent sur le sujet.

Le carbone, rappelle-t-il, peut rester des milliers d’années dans l’atmosphère avant de se dégrader, alors que le méthane se dissout « en quelques dizaines d’années ». « Si nous voulons arrêter le réchauffement, nous devons avoir des exigences très différentes entre les deux gaz, mais nous ne nous en rendons pas compte actuellement avec la métrique utilisée », explique le chercheur. C’est pour cela que son équipe développe depuis les années 2010 une nouvelle métrique sur laquelle s’appuient déjà certains gouvernements, qui devrait figurer en bonne place dans le prochain rapport du Giec, et qui pourrait changer le regard sur le lien entre élevage et climat.

Un nouvel outil dynamique

Aujourd’hui, tous les gaz à effet de serre sont logés à la même enseigne dans les bilans d’émissions. Leur effet sur le réchauffement est évalué grâce à un coefficient, le pouvoir de réchauffement global (PRG), calculé comme l’effet d’une tonne de ce gaz émise aujourd’hui dans l’atmosphère pour les cent prochaines années, par rapport à l’effet d’une tonne carbone. Le méthane, avec un PRG de 28, est donc considéré vingt-huit fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone.

« Le PRG prend déjà en compte la disparition naturelle du gaz dans l’atmosphère, mais c’est un outil trop simple, qui ne reflète la dynamique », souligne John Lynch. Et de poursuivre : « Si vous lissez sur cent ans les effets d’un gaz dont le pic de réchauffement est très rapide, avant de diminuer, vous sous-estimez tout d’abord les conséquences initiales de ses émissions. Mais vous êtes par ailleurs incapable de montrer que ses effets ont été automatiquement annulés au bout de cent ans ».

Les chercheurs d’Oxford suggèrent donc, pour le méthane, de s’attacher non pas aux émissions brutes, mais à leurs variations, qui seules entraînent des effets sur le climat. « Le premier pas pour comprendre l’effet réel du méthane, est de ne pas prendre en compte le méthane émis il y a vingt ans, qui a déjà été retiré de l’atmosphère », explique John Lynch. Dans le PRG*, seules sont alors prises en compte, grâce à la dérivée mathématique de l’évolution des émissions, les hausses ou baisses nettes de méthane. De manière plus synthétique : seules comptent les variations à moyen terme des cheptels, et non leur taille à l’instant t.

Un nouveau regard sur l’élevage

Cette nouvelle manière de compter signifie-t-elle que des pays comme le Royaume-Uni ou la France, qui voient actuellement leur cheptel bovin diminuer, n’ont plus rien à se reprocher ? « Nous n’avons pas besoin de nouveaux outils pour savoir que nous devons réduire tous les gaz à effet de serre. Nous aurons donc toujours besoin de diminuer massivement nos émissions globales de méthane si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de réchauffement », prévient John Lynch. Le défi, souligne-t-il, demeure structurellement le même : encourager les pays en développement, qui se tournent vers l’élevage bovin à contrôler leurs hausses de cheptel, tout en continuant de maîtriser les émissions agricoles dans les pays développés qui ont augmenté leurs cheptels au cours du siècle passé.

« Et ce n’est pas la fin de l’histoire », prévient John Lynch. « Avec le PRG*, la réduction de nos émissions de méthane possède un pouvoir de refroidissement encore plus important », souligne le chercheur. Si jusqu’ici la diminution du cheptel pouvait être considérée comme un moyen pour limiter la casse climatique, elle pourrait donc devenir demain, avec ces nouveaux concepts, un outil de taille pour compenser les effets du carbone restant dans l’atmosphère. C’est d’ailleurs l’une des options explorées par John Lynch, dans un article publié en avril dernier, en considérant que la maîtrise du méthane pourra être un levier important pour stabiliser la température après l’arrêt des émissions de dioxyde de carbone.

Le regard porté sur l’élevage s’apprête malgré tout à changer durablement. Puisque le méthane disparaît avec le temps, l’arrêt total de cette activité ne sera pas nécessaire pour contrôler le réchauffement en dessous de deux degrés, ou même espérer refroidir notre atmosphère. Un résultat qui a déjà conduit la Nouvelle-Zélande à fixer un objectif d’émissions nulles à l’horizon 2050 pour tous les gaz, à l’exception du méthane.

« Nos résultats montrent que l’on peut conserver un certain niveau d’émission de méthane sans hausse de température, ce qui n’est pas le cas si nous continuons à utiliser des carburants fossiles », conclut John Lynch.

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