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Pac: des compromis et des interrogations à l’approche de la négociation finale

À l’approche du super trilogue qui doit permettre de finaliser, fin mai, un accord politique définitif sur la future pac, les mêmes dossiers restent en suspens: l’architecture verte, le ciblage des aides vers les plus petites exploitations et les outils de gestion des marchés. Des compromis ont, par contre, été trouvés sur les plans stratégiques, la définition de l’agriculteur actif, le soutien aux jeunes agriculteurs ou encore les aides couplées.

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Les points les plus épineux des négociations en cours sur la future pac – comme le ciblage des aides (plafonnement, paiement redistributif…), les écorégimes, la conditionnalité, ou les outils de régulation du marché – devront attendre le super trilogue entre les institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil) prévu du 25 au 27 mai pour trouver une issue.

Les dernières négociations qui ont repris le 11 mai sur les plans stratégiques montrent que des divergences persistent sur les modalités des éco-régimes ou encore le ciblage des paiements directs. Le négociateur en chef du Parlement européen sur ce dossier, Peter Jahr, s’était félicité la veille des quelques rapprochements qui avaient pu être trouvés jusqu’à présent. Mais il avait aussi souligné les nombreux problèmes qui restent à régler.

Lors de leur réunion du 10 mai en comité spécial Agriculture (CSA), les experts agricoles des État membres ont une nouvelle fois indiqué qu’ils étaient attachés à leur position de négociation, admettant néanmoins que quelques compromis devront être concédés.

Dans le cadre de la conditionnalité la plupart des délégations insistent pour que la diversification des cultures soit considérée comme une mesure équivalente à la rotation des cultures, ce que refuse le Parlement à ce stade. Celui-ci demande également que soit fixé un objectif concernant les surfaces d’intérêt écologiques non seulement au niveau de l’exploitation, mais aussi au niveau des États membres. Une proposition que les Vingt-sept jugent trop lourde à mettre en œuvre.

Notre pays souhaite pouvoir transférer les soutiens qu’elle accorde actuellement aux producteurs bio dans le cadre du développement rural vers les éco-régimes dès le 1er janvier 2023 sans attendre la fin des mesures agro-environnementales qui, pour certaines, courent jusqu’en 2024.
Notre pays souhaite pouvoir transférer les soutiens qu’elle accorde actuellement aux producteurs bio dans le cadre du développement rural vers les éco-régimes dès le 1er janvier 2023 sans attendre la fin des mesures agro-environnementales qui, pour certaines, courent jusqu’en 2024. - M. de N.

Eco-régimes: des avancées

La plupart des États membres sont par contre disposés à accepter la proposition du Parlement selon laquelle les éco-régimes doivent couvrir au moins deux domaines d’activité, mais ils s’opposent à l’idée d’un système de points (les quelques délégations qui pourraient approuver ce système ont recommandé qu’il soit volontaire). Et lors du trilogue du 11 mai, le Conseil et le Parlement ont accepté les suggestions de la Commission européenne prévoyant la possibilité d’inclure un élément incitatif dans le calcul des paiements pour les éco-régimes tout en étant compatible avec la boîte verte de l’OMC.

La proposition de la présidence portugaise pour une mise en place progressive des éco-régimes (22% en 2023 et 25% en 2025) avec des flexibilités pour éviter que des fonds ne soient pas dépensés ne convainc pas encore le Parlement qui se montre réticent à l’idée d’une période d’apprentissage, car cela ne contribuerait pas à des éco-régimes ambitieux. Le Parlement ne voit pas la nécessité de cette période si le niveau consacré aux éco-régimes est fixé, comme il le propose, à un pourcentage moyen sur l’ensemble de la période de programmation.

Conditionnalité sociale, jeunes et soutiens couples

Les co-législateurs ont convenu de fixer un montant à distribuer aux petites et moyennes exploitations et de permettre aux États membres de choisir lequel de ces mécanismes ou une combinaison de ceux-ci serait mis en place pour atteindre ce montant. La présidence a proposé un pourcentage de 7,5%, la Commission a suggéré 12%, conformément à l’ambition du Parlement.

En ce qui concerne la conditionnalité sociale, un point sur lequel le Parlement se montre très ferme, les Vingt-sept continuent de considérer que la pac n’est pas le règlement approprié pour agir en la matière. Ils craignent une charge administrative excessive.

Un terrain d’entente a, semble-t-il, été trouvé sur la définition obligatoire des agriculteurs actifs, qui disposera d’une liste négative volontaire.

Sur le soutien aux jeunes agriculteurs, le Parlement pourrait accepter la part de 3% suggérée par le Conseil qui inclut le soutien au titre des deux piliers, à condition qu’il n’y ait pas de recul dans le deuxième pilier. Le Parlement a accepté également de supprimer le seuil de 1.250 euros pour les régimes des petits agriculteurs, à condition qu’il soit remplacé par une limite de 5 ha.

Sur les soutiens couplés enfin, un accord a été trouvé sur la liste des produits qui devrait exclure les cultures non alimentaires et les poivrons et inclure les pommes de terre à fécule, les mélanges de légumineuses et de graminées et les olives de table. La décision concernant la tauromachie a, elle, été reportée.

OCM: un retard à combler

Concernant le règlement sur l’organisation commune des marchés des produits agricoles (OCM), dont les pourparlers sont ceux qui ont le moins progressé depuis le début de l’année, un nouveau trilogue s’est tenu le 12 mai, pour tenter de faire progresser les négociations.

La présidence portugaise du Conseil a finalement, comme le lui demandait le Parlement européen, renforcé son équipe de négociation sur ce règlement ce qui a permis aux discussions de réellement « avancer » lors de la précédente réunion du 29 avril, s’est félicité, le 10 mai, le rapporteur parlementaire sur ce dossier Éric Andrieu. Il espérait un feu vert du Conseil pour inclure le sucre dans la liste des produits éligibles à l’intervention. Mais les experts nationaux du CSA se sont dans leur majorité opposés à la proposition du Parlement.

Les négociations doivent également se poursuivent sur deux points sur lesquels insiste le Parlement: un projet de déclaration conjointe sur les règles de l’OMC; et des dispositions qui mettraient un terme aux tolérances sur les résidus de pesticides dans les produits importés de pays tiers. « Nous devrions aboutir à un compromis lors du super trilogue », veut croire Éric Andrieu. Mais prévient-il, refusant de céder à la pression, si « nous n’y parvenons pas, nous pourrons y arriver, plus tard au mois de juin avant la fin de la présidence portugaise ».

Le règlement horizontal (gestion et financement de la pac) est, lui, quasiment bouclé. Il reste principalement à régler les questions de la réserve de crise et de l’utilisation obligatoire de l’outil d’extraction des données pour le suivi. Deux sujets qui devraient être tranchés lors du super trilogue.

Des mesures transitoires supplémentaires

Par ailleurs, plusieurs délégations ont demandé de prévoir des mesures pour faciliter la transition vers la nouvelle politique agricole commune. La Belgique souhaiterait pouvoir transférer les soutiens qu’elle accorde actuellement aux producteurs en agriculture bio dans le cadre du développement rural vers les éco-régimes dès le 1er janvier 2023 sans avoir à attendre la fin des mesures agro-environnementales qui, pour certaines, courent jusqu’en 2024.

La France, l’Espagne et l’Italie demandent, elles, des règles transitoires pour les programmes nationaux de soutien au secteur viti-vinicole. Dans une déclaration commune transmise au Conseil, les trois États membres estiment que les dispositions actuelles des programmes nationaux devraient être prolongées jusqu’au 15 octobre 2023 et non pas s’arrêter au 31 décembre 2022.

« La pandémie de Covid-19 perturbe fortement les marchés agricoles de l’ensemble de l’Union, et notamment le marché du vin. Cet impact majeur, dont les effets sont susceptibles de se prolonger sur le long terme, démontre la nécessité de disposer d’outils de régulation à la fois conjoncturels et structurels pour le secteur vitivinicole », justifient-ils. Lors du CSA du 10 mai les experts agricoles étaient disposés à soutenir la demande belge (dans la mesure où le dispositif resterait facultatif), mais ils se sont montrés beaucoup moins enthousiastes concernant la requête pour les programmes vitivinicoles.

Tous ces dossiers vont désormais devoir être approfondis en réunions techniques en vue de l’échéance du super-trilogue.

Un terrain d’entente a, semble-t-il, été trouvé sur la définition obligatoire des agriculteurs actifs, qui disposera d’une liste négative volontaire.
Un terrain d’entente a, semble-t-il, été trouvé sur la définition obligatoire des agriculteurs actifs, qui disposera d’une liste négative volontaire. - M. de N.

Des plans nationaux déjà critiqués

Dans un rapport publié le 10 mai, l’association Climate Action Network (CAN) regrette le manque d’ambition des cinq projets de plans stratégiques qu’elle a étudiés, ceux préparés par la France, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne et l’Irlande. Ces plans nationaux nécessiteraient, selon l’association, « de sérieuses révisions, si les États membres veulent atteindre leurs objectifs en matière de climat, d’énergie et de biodiversité dans le cadre du Green Deal européen ».

Pour la France, CAN Europe regrette notamment que les textes sur la table n’incluent pas les objectifs de la stratégie nationale bas carbone concernant l’agriculture (réduction de 18 % des émissions en 2030).

Pour l’Espagne, l’organisation insiste sur le renforcement de la conditionnalité et des orientations plus vertes pour les écorégimes.

En Allemagne, au Danemark et en Irlande, les critiques portent notamment sur l’insuffisance des mesures pour limiter les émissions du secteur de l’élevage.

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