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Le temps n’est plus ce qu’il était…

Tout change, même le temps. On a beau en parler tout le temps, en agriculture, on en viendra jamais à bout.

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Jadis, le temps semblait immuable, à l’image de l’Angélus de Millet. Chaque génération reproduisait à peu près ce que faisait la précédente. Le temps avait bien son mot à dire, et le mot est faible, car récoltes et famines dépendaient essentiellement des caprices du temps.

On a l’impression qu’avec les progrès techniques, on s’en est libéré mais ce n’est qu’illusion. Une accumulation de facteurs climatiques défavorables a réduit, l’an passé, les récoltes de 30 à 50 %.

Ce printemps, le temps d’une nuit, celle du mercredi 19 avril, quelques heures de gel ont suffi pour anéantir l’espérance de récolte de nombreux fruitiers. En vigne, il faudra boire le calice jusqu’à la lie. Et tout cela, sur des centaines de milliers d’hectares. Ici, le temps, c’est vraiment de l’argent… perdu.

La nouveauté, c’est de voir le grand public se préoccuper davantage du temps qu’il fera dans cent ans, changement climatique oblige. Qui dit réchauffement dit CO2, avec petit détour par l’agriculture qui se voit pointée du doigt. La faute aux vaches qui ruminent, à l’azote qu’on apporte, au sol qu’on aère, etc. On oublie de dire qu’au final, l’agriculture est le plus gros producteur d’énergie renouvelable, avec un solde net positif qui mériterait, au minimum, la médaille d’or de l’environnement. Il faudrait encore trouver le temps d’expliquer tout cela à ceux qui, eux, prennent tout leur temps pour critiquer. Misère !

Tout va toujours plus vite, mais c’est aussi pour la sécurité alimentaire des populations. Traçabilité, quand tu nous tiens ! Les gens sont-ils conscients que tout vêlage se doit d’être encodé illico presto par ordinateur, qu’il faudra déclarer la liaison entre les bennes et les parcelles livrées au silo en moisson ? D’aucuns rêvent du bon vieux temps, avec des images d’Épinal, mais il a bien fallu abandonner le pigeon comme porteur de messages et passer par la foutue case informatique.

Quant à la course contre le temps, dans les champs, n’en parlons pas. Si les denrées alimentaires sont si bon marché, c’est justement parce que notre agriculture se bat chaque jour pour gagner du temps.

Au fil du temps, les progrès de la mécanisation ont fait des miracles. Ainsi, le tracteur a libéré 1/3 des surfaces qui étaient consacrées à l’avoine des chevaux. Une partie des surfaces libérées a permis de reboiser et ainsi doubler les hectares de forêts par rapport aux siècles précédents. Une autre partie permet de répondre aux nouveaux besoins en aliments des animaux de compagnie : ce serait de l’ordre de 5 millions d’hectares pour toute l’Europe.

D’autres, automobilistes, critiquent les « grosses machines » quand elles les gênent un peu, sur les routes, surtout… le week-end et en vacances. Pourtant, la rapidité des engins a remplacé la main-d’œuvre, qui serait impayable s’il fallait tout faire à la main, avec les protections sociales actuelles.

Alors oui, il faut bien aller avec son temps. Comme on peut le lire dans l’expo photo d’Alain Dereppe sur l’agriculture d’aujourd’hui, au moulin de Bonne Espérance : « Le temps qui passe réduit d’heure en heure… le temps qui reste pour terminer le travail car… le temps qu’il fait ne dure jamais longtemps ».

JMP

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Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
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