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Automatiser traite et alimentation pour continuer à prendre du plaisir lors de la traite

Continuer à traire un grand troupeau, tout en se libérant d’une partie de l’astreinte, c’est le pari d’Arthur et Josien Niessen, des éleveurs Hollandais installés à Hombourg depuis près de 20 ans. Pour ce faire, le couple a non seulement robotisé la traite mais également l’alimentation, préférant déléguer les travaux agricoles à des tierces parties. Retour sur un modèle qui fait aujourd’hui ses preuves.

Temps de lecture : 9 min

Arthur Niessen, et son épouse Josien, sont parmi les rares en Wallonie à avoir opté pour l’automatisation de la traite et de l’alimentation. « La flexibilité que ces technologies nous procurent nous soulage énormément, tant physiquement, que mentalement ! », sourit Arthur qui n’a pas délaissé sa salle de traite pour autant. Un choix empreint de sa vision de l’élevage à moyen et long terme, d’une rationalisation des coûts et d’un brin d’opportunisme.

De 120 à 230 bovins et… 300 chèvres

Cela n’a rien d’une blague ! Pour Arthur et Josien, l’histoire belge commence le 1er avril 1999. À la recherche d’une exploitation, le couple se voit proposer de reprendre la ferme du frère d’Arthur qui se compose, à l’époque, d’une étable de 120 logettes, d’une salle de traite 2*8 et de 40 ha de prairies entourant la ferme. Quelque treize autres hectares sont alors loués (25 aujourd’hui). La production est de 820.000 litres de lait.

« On a donc commencé avec 120 vaches et le jeune bétail pour une production avoisinant les 820.000 litres. J’avais 300 chèvres en Hollande qu’on a rapatrié un an plus tard après avoir bâti la chèvrerie », explique l’éleveur.

À ce moment, il peut déjà compter sur l’aide d’un tracteur, d’une désileuse, d’une mélangeuse et d’un téléscopique. Chaque année, le cheptel s’étoffe de 4 à 5 laitières. Arthur trait les vaches seul et quand en 2007, il commence à coincer au niveau du travail, il se renseigne pour installer un robot de traite.

L’automatisation  de la traite et de l’alimentation  permet à l’éleveur d’être toujours au contact de son  cheptel.
L’automatisation de la traite et de l’alimentation permet à l’éleveur d’être toujours au contact de son cheptel. - P-Y L.

Robots ET salle de traite

En 2008, leur premier robot, le Lely A3 fait donc son entrée dans l’exploitation. Si le robot trait 60 vaches, la salle de traite continue à tourner pour les 90 autres, car Arthur ne compte pas délaisser la salle de traite. Il aime traire mais veut se simplifier la vie et gagner du temps.

« À l’époque, on entendait différents sons de cloche sur l’adoption de la technologie. L’objectif est donc de pouvoir la tester, et, au besoin, se retourner au cas où l’expérience tourne au vinaigre », note Arthur.

Josien sourit : « L’expérience s’est vite avérée positive. Le robot permet d’alléger le travail physique et mental jusqu’à poser un problème de luxe : il n’y a plus assez de travail dans la salle de traite ! mais comme le troupeau ne cesse de grandir… Arthur retombe rapidement dans ses « travers ». »

Ne vont aux robots que les vaches  en début de  lactation.
Ne vont aux robots que les vaches en début de lactation. - P-Y L.

Cinq ans plus tard, arrive ce qui devait arriver… Le cheptel a encore augmenté et Arthur est épuisé ! Il opte pour un second robot. L’occasion pour lui de changer le premier. Il dispose donc de deux A4 mais comme l’étable n’a jamais été conçue pour la technologie, il scinde l’étable en trois lots : deux aux robots et un en salle de traite. Les vaches en début de lactation vont au robot, celles qui sont en fin de lactation et/ou qui présentent des problèmes vont en salle de traite, le seul accès au pâturage. Le système est donc cyclique et tout le cheptel est donc censé passer par les installations automatisées.

« Aujourd’hui, on utilise les potentialités de la robotisation car trouver un homme pour le faire n’est pas toujours évident. » Toutefois, si la technologie représente une main-d’œuvre supplémentaire, elle n’augmente pas la production par vache. Il est donc essentiel de tenir compte du coût de la technologie derrière au risque de ne pas s’y retrouver financièrement. »

Si les Niessen ont investi dans la robotisation de la traite, ils  continuent à utiliser la salle de traite pour les laitières en fin de la ctation et celles qui présentent des problèmes. De là, les animaux ont accès à la prairie.
Si les Niessen ont investi dans la robotisation de la traite, ils continuent à utiliser la salle de traite pour les laitières en fin de la ctation et celles qui présentent des problèmes. De là, les animaux ont accès à la prairie. - P-Y L.

Et l’alimentation ?

Dans un même temps se pose également la question de l’alimentation. « À ce moment, le matériel est vétuste. C’est donc l’occasion de grouper les investissements avant que la mécanique ne lâche », explique Arthur.

À tel point que « quand on parle de nos tracteurs, on est un peu gêné », sourit Josien, qui ne changerait son vieux Fiat pour rien au monde ! Quant à Arthur, son Fendt Farmer 307 de 13 ans est encore impeccable !

« Nous voulions donc investir dans une automotrice puisqu’on avait un téléscopique, une mélangeuse… du matériel en fin de vie que l’on pouvait encore épargner et utiliser pour le jeune bétail et les chèvres. »

Et de poursuivre : « Avec la mélangeuse, on travaille vite mais après avoir nourri les laitières, les jeunes bêtes et les chèvres, on pouvait retourner auprès des vaches… Le rythme était relativement soutenu !

Avec le Vector, le système d’alimentation automatisé que l’on nous a proposé, j’ai juste à remplir la cuisine, c’est-à-dire rentrer des blocs de maïs (2t) et d’ensilage (1,5 t) dans le hangar d’approvisionnement. Cela me demande 30 minutes par jour, et à ma meilleure convenance. Ce n’est pas un réel gain de temps par rapport à une mélangeuse classique mais cela permet surtout une plus grande flexibilité ! Nous avons donc installé le robot d’alimentation en 2014. »

Autre avantage : l’automate respecte scrupuleusement la ration programmée dans le système. Il passe une vingtaine de fois par jour dans le couloir d’alimentation. S’il repousse les fourrages au cornadis, il contrôle également la quantité d’aliments à disposition des animaux par le biais d’un œil électronique. S’il reste moins de 12 cm, le robot retourne à sa station pour pouvoir redistribuer 400 kg d’aliments.

« Avec cette précision dans les rations, l’éleveur est persuadé qu’il a gagné 1,5 l de lait par jour et par vache, d’autant que les aliments sont toujours frais et ne chauffent pas puisqu’apportés en petites quantités.

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Du mazout à l’électrique

Autre réflexion prise en compte : l’énergie ! Tous les investissements réalisés fonctionnent à l’électricité ! L’appareillage étant relativement « léger », il n’est donc pas gourmand en énergie. La consommation de mazout a donc diminué très fortement sur l’exploitation, d’autant que l’ensemble de ses terres est à proximité.

Et s’il y a un besoin en électricité, autant la produire soi-même, d’où l’installation de panneaux pour une production de 48 kilowatts crête ! L’installation d’une éolienne est un autre projet à l’étude.

Robotiser, c’est s’épargner la santé… pour continuer le travail en ferme avec plaisir ! Mais derrière, il faut pouvoir s’assurer de payer.

Un investissement rentable ?

Quand on pose la question de la rentabilité du robot d’alimentation, il apparaît qu’elle est fort semblable à celle de l’automotrice mélangeuse. Toutefois, on n’a pas encore assez de recul sur la durabilité du matériel. Pour l’instant, l’entretien et l’utilisation coûtent beaucoup moins cher qu’une automotrice. À voir dans 10 ans où en sera l’appareil !

En ce qui concerne le prix de revient au litre, on est à un prix correct au vu du nombre de litre trait, mais faut-il encore savoir sur combien de temps on l’amortit. L’éleveur pense ne pas se tromper en l’étalant sur 15 ans.

Ne pas avoir peur de réduire le troupeau

Le prix de revient du lait dans cette conception est tout à fait dans la moyenne. Car si la robotisation est importante d’un côté, la mécanisation, qui n’est pas une priorité pour le couple Niessen, est quasi inexistante de l’autre ! C’est ce qui permet de maintenir un prix de revient du lait correct, d’autant que la salle de traite utilisée date de 1993 et est donc bien amortie. L’investissement dans la robotisation est compensé par un non-investissement en d’autres domaines.

S’ils ont aujourd’hui 180 vaches (1.217.000 l en 2016), ils avaient encore 230 vaches il y a deux ans (1.680.000 l). Avec le prix du lait qui a dégringolé, ils ont diminué leur production en faisant sortir de la production les moins bonnes vaches, sans en acheter de nouvelles. « On n’a pas peur de traire 50 vaches de moins, au besoin ! »

Une tendance que l’on ressent très fort au niveau de leur chèvrerie, d’autant que le cheptel peut grandir très vite. « Quand le lait est mal payé, on garde très peu de chèvres ! quand son prix remonte, les chèvres coûtent cher et je les vends. Nous sommes dans une démarche proactive. On s’adapte au marché et c’est peut-être pour ça que la ferme arrive à supporter de gros investissements. »

La production de lait de chèvre est bien rémunérée et à permis, ces deux dernières années, de maintenir à flot la spéculation bovine.
La production de lait de chèvre est bien rémunérée et à permis, ces deux dernières années, de maintenir à flot la spéculation bovine. - P-Y L.

Déléguer l’élevage et les travaux agricoles

« Comme on n’a pas trop de superficie et que l’on doit acheter du fourrage, il nous est arrivé d’arrêter d’élever les jeunes bêtes ! On les revendait pour en acheter des prêtes à vêler en criée », explique Arthur. Aujourd’hui, les jeunes bovins quittent l’exploitation. Leur élevage est délégué à un éleveur du coin. À deux ans, ils reviendront sur l’exploitation.

« Nous payons la pension des animaux et le travail de l’éleveur… Avoir tout sur l’exploitation, c’est une à deux heures de travail en plus par jour. »

Et de poursuivre : « Après calcul, il s’est avéré que la délégation du travail est une réelle économie. Les jeunes bêtes profitent d’autres pâtures sur lesquelles est amené leur lisier. »

Si dans le nord de la Hollande, la pratique est très fréquente, chez nous, elle revient au goût du jour. Car passer à l’automatisation de l’alimentation est une réflexion tant sur le temps de travail, que sur la disponibilité des ressources.

Même son de cloche pour le travail en prairie, tout est délégué à des entrepreneurs. « Plutôt que d’avoir du matériel et de ne pas avoir le temps de le faire tourner, nous avons directement pris le pli de ne pas l’acheter », note Arthur. « Je ne suis pas un homme des machines mais plutôt de l’électronique. Je suis dans un raisonnement de l’économie du temps de travail et du matériel. »

Une bonne efficacité alimentaire

Chez les Niessen, l’efficacité alimentaire est relativement bonne pour deux raisons :

– la charge est relativement forte à l’hectare, ce qui veut dire que l’éleveur doit acheter une grosse partie et des fourrages. Il doit être sûr que son achat soit le plus efficace possible ;

– on retrouve deux types de rations : celle pour les robots et celle qui complète le pâturage. Les vaches au pâturage ne reçoivent rien entre 4h et 16h. Elles reçoivent des concentrés au Dac et une ration de 20 l dans le couloir. Les laitières au robot reçoivent au cornadis une ration de 25 l qui sera complétée par des concentrés au robot.

Avec une mélangeuse on fait plus facilement une ration pour 35 l à donner à des vaches qui en produisent 50 mais aussi à d’autres qui en produisent seulement 20 ! Si certaines exploitations nourrissent en trop grande quantité leur cheptel, le robot permet d’individualiser les rations. « Avec le Vector, les possibilités sont incroyables », s’exclame Arthur . « On peut jouer et le reprogrammer tous les jours si on le souhaite ! Chez nous, on revoit les réglages mensuellement. »

P-Y L.

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