Gagner du temps en automatisant l’alimentation et l’entretien, mais à quel prix?

Automatiser l’alimentation : un investissement lourd mais permettant  d’économiser jusqu’à trois heures par jour.
Automatiser l’alimentation : un investissement lourd mais permettant d’économiser jusqu’à trois heures par jour. - Trioliet

Si la traite représente la moitié du travail d’astreinte en élevage bovin laitier, les autres tâches ne doivent pas pour autant être négligées. Ainsi, les éleveurs consacrent près de 30 % de leur temps à l’entretien des étables (raclage, paillage…) et 15 % à la préparation et la distribution des rations.

Afin de faciliter leur travail, l’automatisation de tout ou partie de ces tâches se révèle être intéressante mais néanmoins coûteuse. Un point sur lequel Jean-Luc Ménard a fortement insisté à l’occasion d’une journée d’étude organisée par le Centre wallon de recherches agronomiques, les Aredb d’Aubel, Herve, Fléron-Visé et Montzen et le Service public de Wallonie.

Automatiser l’alimentation

Première solution proposée par M Ménard : l’automatisation de l’alimentation des troupeaux laitiers, en deux étapes.

En premier lieu, il convient d’automatiser, partiellement ou totalement, le transfert des fourrages vers une mélangeuse fixe ou mobile. « En cas d’automatisation partielle, l’éleveur conserve ses silos horizontaux classiques et alimente tous les 1 à 3 jours des trémies ou plateformes de stockage. Le stock est ensuite amené automatiquement vers la mélangeuse », détaille-t-il. L’automatisation complète se fait, elle, par l’intermédiaire d’automoteurs allant chercher les fourrages dans des silos couloirs ou par l’installation de silos verticaux et convoyeurs alimentant quotidienne la mélangeuse.

La deuxième étape consiste en l’automatisation de la préparation et de la distribution de la ration. Si l’éleveur opte pour une mélangeuse mobile, celle-ci assurera également la distribution. A contrario, si une mélangeuse fixe est choisie, un système de distribution devra également être installé. Diverses solutions existent sur le marché : tapis d’affouragement, convoyeur à tapis aérien associé à un chariot déflecteur ou encore chariot distributeur (suspendu, guidé au sol ou automoteur).

Quelle que soit l’installation choisie, l’investissement consenti par l’éleveur sera conséquent. « Pour un troupeau de 100 à 160 laitières, l’amortissement est estimé entre 25 et 35 € par 1.000 l de lait, hors frais de maintenance », précise-t-il. Cette variabilité est liée, d’une part, aux différences de coûts entre équipements et, d’autre part, à l’alimentation en elle-même (complexité des rations, nombre de distributions par jour, nombre et nature des rations…)

À titre de comparaison, Jean-Luc Ménard évalue le coût des équipements dits « classiques » entre 10 et 20 € par 1.000 l de lait, entretien compris. Il convient néanmoins d’y ajouter le coût de la main-d’œuvre.

Jusqu’à trois heures d’économie

Quand ils optent pour l’automatisation de l’alimentation, le gain de temps et l’allégement de leurs conditions de travail sont les deux principales sources de motivation des éleveurs. Mais qu’en est-il réellement ?

« L’économie de temps varie entre 30 minutes et 3h par jour, selon la taille du troupeau et le niveau de mécanisation précédent », répond l’expert français. Quel que soit le niveau de complexité de la ration, l’éleveur doit encore consacrer 30 minutes par jour environ au nourrissage des animaux. « Principalement pour des tâches d’approvisionnement des trémies, de réglages des quantités distribuées, de surveillance… » précise-t-il. Un nettoyage rapide et quotidien des installations est également recommandé.

Cependant, Jean-Luc Ménard juge le gain de temps insuffisant par rapport à la lourdeur de l’investissement consenti. En outre, l’efficacité alimentaire ne serait pas améliorée par l’automatisation, du moins en conditions optimales. En conditions défavorables, d’éventuels effets améliorants doivent encore être évalués. « Automatiser l’alimentation doit être envisagé dans les élevages de tailles importantes ou si la main-d’œuvre disponible est très limitée », conseille-t-il. L’investissement est également intéressant lorsque la ferme comprend de nombreux lots d’animaux et que les rations atteignent de haut niveau de complexité.

Nettoyage : rentabilité et efficacité

Jean-Luc Ménard s’est ensuite intéressé à l’entretien des logettes, un travail chronophage et difficile. « Sa mécanisation permet un gain de temps d’autant plus important que le troupeau est grand », explique-t-il, chiffres à l’appui. Ainsi, en conduite lisier, le temps consacré quotidiennement à l’entretien des logettes serait réduit par quatre en cas de mécanisation totale de cette tâche. En conduite fumier, mécaniser uniquement le paillage permettrait déjà une réduction considérable du temps de travail. En cas de mécanisation totale, le gain quotidien de temps dépasse 1h (voir tableau ci-dessous).

« Une fois le pas de la robotisation franchi, l’éleveur peut se consacrer à des tâches moins contraignantes et moins salissantes », ajoute M Ménard, convaincu que cet investissement est rentable. L’efficacité de l’entretien serait également améliorée : meilleure répartition du matériau de litière, meilleur balayage du sol…

L’efficacité de l’entretien serait améliorée grâce à l’automatisation.
L’efficacité de l’entretien serait améliorée grâce à l’automatisation. - Lely

Le confort des animaux peut également être accru. « Actuellement, de nombreuses logettes sont réglées de manière à réduire au maximum leur salissement. Mais vu le temps gagné grâce à la mécanisation, l’éleveur peut les adapter au gabarit et au confort de ses animaux, quitte à reconsacrer quelques minutes par jour au nettoyage des souillures. »

Jusqu’à plus de 25.000 €

« La réduction du temps de travail est incontestable, mais l’investissement peut être élevé », avertit-il. Selon la taille du troupeau et les équipements choisis, les montants varient entre 5.000 et plus de 25.000 €. À cela s’ajoute une consommation accrue de paille en conduite fumier.

Des problèmes liés à la configuration des bâtiments peuvent également être rencontrés. « Le passage des marches entre deux couloirs pose particulièrement problème », précise-t-il. Dans ce cas, à l’éleveur de réduire la hauteur des marches ou d’installer une rampe facilitant le passage du robot.

Enfin, l’expert recommande d’entretenir fréquemment et de maintenir propre le matériel acquis, afin d’augmenter sa durée de vie.

J.V.

Faut-il robotiser la traite ou l’alimentation?

Au vu de l’agrandissement des troupeaux laitiers, il s’agit d’une question que se posent de nombreux éleveurs. Pour les aider à y répondre, Jean-Luc Ménard livre quelques pistes.

« Automatiser l’alimentation permet une réduction plus importante du temps de travail mais robotiser la traite réduit la pénibilité du travail », dit-il. Dans les deux cas, l’éleveur gagne en souplesse.

Du côté des coûts, principal frein à ce type de projet, l’installation d’un robot de traite est estimée à 250.000 € pour un troupeau de 120 vaches laitières. Robotiser l’alimentation coûterait entre 200.000 et 300.000 €, pour un troupeau équivalent. Dans les deux cas, il convient d’ajouter les frais de fonctionnement et d’entretien des appareils.

« Si le robot de traite requiert une certaine maîtrise informatique et sanitaire de la part de l’éleveur, il facilite également le suivi du troupeau », ajoute-t-il.

Les robots d’alimentation permettent, quant à eux, de simplifier la gestion des rations complexes et nombreuses à condition, une fois encore, de maîtriser l’outil informatique. « Néanmoins, l’efficacité alimentaire du troupeau ne serait pas améliorée », alerte encore Jean-Luc Ménard.

La litière compostée: des avantages pour l’éleveur et son troupeau

Pour un compostage idéal,  la litière devra être malaxée  quotidiennement.
Pour un compostage idéal, la litière devra être malaxée quotidiennement. - Omafra

Déjà présentes aux Pays-Bas, en Autriche, aux États-Unis, en France ou encore en Italie et en Israël, les étables avec aire de couchage sur litière compostée sont similaires aux étables à stabulation libre. Seule la gestion de la litière diffère.

En effet, la paille est remplacée par des matériaux fins (sciures ou copeaux de bois, paille broyée…) s’accumulant longuement dans l’étable, entre 6 mois et 1 an, et malaxés quotidiennement. L’objectif : produire un compost qui pourra ensuite être épandu sur les parcelles cultivées. « Comme la litière est conservée jusqu’à 1 an, le gain quotidien de temps pour l’éleveur est réellement important », insiste Jean-Marc Ménard. Notons toutefois qu’un apport de litière doit être effectué dès que nécessaire (toutes les deux semaines ou tous les mois, selon les cas) afin de garantir le confort du troupeau.

Pour faciliter le compostage de la litière et évacuer la chaleur dégagée par le processus, l’étable doit en outre disposer d’une ventilation adaptée (parois amovibles ou brasseurs d’air, par exemple). Un élément à prendre en compte dès la construction du bâtiment !

Confort accru

Pour les éleveurs, les principaux avantages de ce système sont le gain de temps et un coût inférieur à celui des étables à stabulation libre à logettes. Cependant, il est essentiel de disposer d’un approvisionnement régulier en sciure de bois si celle-ci est préférée à la paille broyée.

Du côté du troupeau, le confort des animaux est amélioré. Ceux-ci peuvent s’allonger dans la position de leur choix et la litière accumulée est très confortable. Ils disposent d’une aire de couchage plus étendue que dans les étables à stabulation libre, et ce pour une simple raison. « Plus la superficie de l’air de couchage est grande, moins il faudra de litière pour garder les vaches propres », explique M Ménard.

Sur le plan sanitaire, des effets bénéfiques sont également observés. En compostant, la litière chauffe et fermente, ce qui entraîne la mort des bactéries responsables notamment des mammites « environnementales ».

Jean-Marc Ménard : « En résumé, la conduite sur litière compostée améliore le bien-être, la longévité et la santé des animaux sans pour autant être plus coûteuse qu’une conduite en logette ».

J.V.

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