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Conflit russo-ukrainien : «Chaque tonne supplémentaire de céréales produite dans l’UE est une tonne de plus contre Poutine»

L’inquiétude et la vigilance sont de mise au parlement européen où la question de la sécurité alimentaire en Europe – et au-delà de ses frontières – est en tête des préoccupations politiques depuis les premières heures de l’invasion russe.

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Cela fait plusieurs semaines que les eurodéputés se mobilisent en faveur de mesures pour accroître la production alimentaire, mais aussi pour s’assurer de la solidarité de l’ensemble des États membres, obtenir des réglementations d’exception afin de contrer l’augmentation des prix énergétiques, des engrais et les répercussions sur la trésorerie des exploitations agricoles.

Pénuries alimentaires au moyen Orient et perspective de nouvelles vagues migratoires

« La situation est très grave et j’aimerais que la commission dans son ensemble puisse la prendre très au sérieux » a indiqué le président de la commission de l’Agriculture Norbert Lins qui a accueilli, le 17 mars dernier, le commissaire Wojciechowski à répondre aux questions des députés. Lequel a rappelé toute l’importance des exportations de l’Ukraine, l’un des principaux producteurs de denrées alimentaires au monde. L’UE importe beaucoup de produits agricoles, « 52 % des importations de maïs, 19 % de celles de blé, de 20 % à 23 % d’oléagineux » a-t-il rappelé.

Le blocage de ses ports constitue désormais un réel problème pour l’agriculture européenne, notamment pour l’élevage qui dépend de l’importation de fourrages.

M. Wojciechowski a également stipulé que l’Ukraine est exportatrice de denrées alimentaires vers le moyen Orient où plusieurs pays pourraient connaître certaines pénuries susceptibles d’engendrer des vagues migratoires.

Une situation à mettre en lien avec la crise migratoire de 2015 qui a vu l’arrivée de 1,7 million de migrants sur l’ensemble du territoire européen en l’espace d’un an. Ce sont aujourd’hui deux millions de migrants qui sont arrivés en Pologne en moins de trois semaines, autant de personnes qu’il faudra nourrir et auxquelles il faudra assurer de bonnes conditions de vie.

« Cela change la donne quant à l’avenir de l’agriculture européenne » a enchaîné le commissaire européen, conscient qu’il faudra mener une politique permettant à l’UE d’assurer son propre approvisionnement et la sécurité alimentaires du monde entier. Le représentant de l’Exécutif n’entend pas pour autant renoncer à ce qui était prévu « dans un avenir proche », soit le développement durable de l’agriculture, un secteur agricole résistant aux situations de crise ou encore le respect de l’environnement.

Mobilisation de la réserve

de crise et co-financement supplémentaire

Le commissaire a évoqué les quatre types d’actions à court terme : une intervention au niveau du secteur de la viande porcine, la mobilisation de la réserve de crise de 500 millions € doublée d’un co-financement aux États membres à hauteur de 1,5 milliard €, une dérogation temporaire pour l’utilisation de jachères en vue de la production de protéines et enfin, une aide des États membres aux agriculteurs.

Le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, a annoncé qu’il allait autoriser l’utilisation d’environ 1,2 million d’hectares de surfaces d’intérêt écologique (1,06 million d’hectares de cultures dérobées et de 170.000 hectares de jachères) pour la production de fourrage pour animaux.

La commission indique réfléchir à l’extension de l’obligation pour les États membres de communiquer des données mensuelles sur les stocks privés de produits essentiels pour l’alimentation humaine et animale. Des niveaux accrus d’avances sur les paiements directs et les mesures de développement rural devraient pouvoir être versés aux agriculteurs à partir du 16 octobre 2022. Et elle pourrait mettre en place un nouveau cadre temporaire de crise facilitant l’octroi d’aides d’État.

La commission apportera des réponses plus détaillées à cette situation dans le cadre de sa prochaine communication sur la sécurité alimentaire et le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires, qui sera présentée au moment où vous lirez la présente édition.

Les grandes enseignes de distribution ont les clefs en main

« La volonté de la Russie est de perturber l’économie et le mode de vie car nous sommes dépendants de l’énergie et des engrais, des semences et des protéines » a réagi député centriste tchèque Martin Hlavacek craignant que de nombreuses familles européennes ne se retrouvent au bord de la pauvreté alimentaire.

Pour M. Hlavacek, il faut se pencher sur la problématique de la gestion des marchés européens et éviter que les États membres se concurrencent les uns les autres en prenant des mesures unilatérales. L’eurodéputé a demandé à la commission d’inviter les PDG de toutes les grandes enseignes de distribution, restées très silencieuses depuis le début du conflit, pour leur demander la façon dont ils comptent contribuer à l’effort européen pour maintenir des prix justes aux agriculteurs et aux citoyens.

Lancer enfin un plan de développement des protéines végétales

L’eurodéputée démocrate-chrétienne Anne Sander a pour sa part suggéré à la commission d’actionner l’article 219 du règlement OCM afin de suspendre temporairement les droits de douanes sur les importations essentielles aux producteurs européens. Mais aussi d’activer conjointement les articles 221 et 222 pour flexibiliser les conditions de mise en place de cartels d’achats communs pour acheter des intrants.

Elle s’est également demandée si les jachères seront suffisantes et s’il ne serait pas judicieux de mettre en place un mécanisme de lutte contre l’inflation et la spéculation, par exemple sur le blé.

Enfin, pour l’eurodéputé et agriculteur français Jérémy Decerle, « il faut des outils, notamment en matière de recherche et d’innovation ». Il a évoqué les nouvelles techniques de sélection végétale (NBT) : « Il ne faut pas mettre plus de freins que de raison. » Et d’estimer que cette crise peut être l’occasion d’enfin lancer un plan de développement des protéines végétales en Europe.

Marie-France Vienne

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