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Digestat: je t’aime, moi non plus?

Depuis plusieurs années, le digestat, issu de la biométhanisation, fait débat dans le monde agricole. Certains voient en lui un produit inutile, voire néfaste aux sols. D’autres se portent garant de ses qualités agronomiques et de son intérêt économique, à l’heure où les prix des engrais chimiques s’envolent. Mais au fait, où se situe le problème ? Une enquête exclusive en Wallonie révèle les freins à l’utilisation du digestat. L’occasion de faire le point, d’apporter des réponses objectives, mais aussi de recueillir des témoignages d’utilisateurs.

Temps de lecture : 4 min

Pour commencer, un petit rappel est toujours utile : la biométhanisation est un processus de fermentation similaire à celui ayant lieu dans le rumen d’une vache. Les matières incorporées dans le digesteur (cuve où a lieu la fermentation) subissent une dégradation biologique en l’absence d’oxygène et à une température constante d’environ 37ºC. Ce procédé génère deux produits : le biogaz et le digestat.

Le biogaz peut servir à produire de l’électricité et de la chaleur, ou bien être épuré et injecté dans le réseau de gaz naturel.

Le digestat, issu de la décomposition des matières organiques au sein du digesteur, conserve tous les nutriments (N, P, K) originaux et peut servir d’amendement. En Wallonie, il existe aujourd’hui un peu plus de 50 unités de biométhanisation de différents types, dont une vingtaine de type agricole.

À unité d’azote équivalente, le digestat est plus volumineux qu’un engrais chimique, ce qui nécessite un tonneau de volume important, ou des camions pour ravitailler l’épandeur au champ.
À unité d’azote équivalente, le digestat est plus volumineux qu’un engrais chimique, ce qui nécessite un tonneau de volume important, ou des camions pour ravitailler l’épandeur au champ. - Jérôme Sente

Enquête : quels freins au digestat ?

Une enquête réalisée par Valbiom en collaboration avec la FWA et la Fugea en février dernier auprès de 163 agriculteurs en Wallonie, a permis de répertorier les principaux freins à l’utilisation du digestat. Ceux-ci sont-ils vrais ou faux ? Apportons-y une réponse objective.

Pas de digestat à proximité : en partie vrai

La Wallonie compte 19 stations de biométhanisation de type agricole de moyenne ou grande puissance. Probablement pas assez pour couvrir les besoins agricoles actuels, car près de la moitié des répondants indiquent l’éloignement d’un fournisseur de digestat comme un obstacle majeur. Faut-il en déduire que si du digestat était disponible, ils l’utiliseraient ? L’enquête ne le précise pas, mais dans l’affirmative, la création de nouvelles stations de biométhanisation permettrait de répondre à la demande croissante en digestat, en plus d’assurer une fourniture d’énergie locale et sécurisée dont nous avons fortement besoin.

Diminution du carbone dans les sols : faux

Selon diverses études agronomiques, ce frein, hélas fort répandu, n’est rien d’autre qu’une idée reçue. Le digestat n’occasionne aucune perte significative de carbone par rapport à d’autres engrais organiques. En effet, une grande différence existe entre le carbone stable humifiable et le carbone dit « labile ». Ces deux formes de carbone sont présentes dans un lisier ou un fumier frais épandu sur champ, mais le carbone labile fini par rejoindre l’atmosphère sous forme gazeuse (CH4 et CO2), avec pour résultat une augmentation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et un impact négatif sur le climat. Si ces mêmes effluents frais passent préalablement par un digesteur, le carbone labile émettra également du gaz, mais ce dernier sera directement capté et utilisé en tant que biogaz à des fins énergétiques. Quant au carbone stable, il sera présent à la sortie du digesteur et sera rendu au sol via le digestat, pour participer au processus d’humification.

Risque sanitaire pour les sols : faux

La biométhanisation est un procédé fortement contrôlé. Mettre n’importe quoi dans un digesteur est tout simplement interdit. Ce serait perturber l’entièreté du processus, avec le risque de stopper la digestion et de devoir vidanger la cuve. Vu le coût d’une telle opération, mieux vaut l’éviter. Des contrôles sont donc effectués à la fois sur les matières à l’entrée du digesteur et sur le digestat obtenu à sa sortie.

Manque de matériel adéquat : en partie vrai

À unité d’azote équivalente, le digestat est plus volumineux qu’un engrais chimique, ce qui nécessite un tonneau de volume important, ou des camions pour ravitailler l’épandeur au champ. Pour éviter toute perte d’azote, surtout par temps sec, le digestat demande idéalement un pendillard ou un dispositif injecteur. Il est cependant possible de faire appel à un entrepreneur agricole qui dispose du matériel nécessaire ou encore, via un contrat d’échange (matières organiques contre digestat), de bénéficier du digestat avec transport et épandage organisé par l’unité de biométhanisation, le tout à un coût avantageux. Ce frein est donc à nuancer.

Faible rapport qualité-prix : plutôt faux

La meilleure réponse à cette affirmation est le témoignage des utilisateurs. Ceux-ci ne constatent pas de différences à l’usage (rendements et agrégats) par rapport à l’utilisation de lisier ou d’engrais chimique. Par contre, le prix, dans le cadre d’un contrat d’échange est plus avantageux que d’autres fertilisants. Sans contrat d’échange, on peut considérer le prix du digestat comme équivalent ou légèrement moins cher qu’un engrais chimique, mais avec un gain de temps important pour l’agriculteur, qui de surcroît évite les frais d’utilisation de son propre matériel.

D’après Valbiom

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