Certes, le réchauffement climatique aurait dû accélérer cette remise en question. On ne peut pas multiplier les voitures électriques pour une moindre pollution en ville sans se préoccuper de l’énergie nécessaire à leur alimentation. Mais voilà, le carburant des politiques, ce sont les électeurs et comme disait Einstein, il est plus aisé de casser un atome qu’un préjugé bien ancré.
Plutôt que d’ironiser sur le fameux « J’ai le courage de mes opinions, je retire ce que j’ai dit », il serait peut-être utile d’élargir le chantier des réflexions à d’autres dogmes qui ne résisteront pas à la réalité des faits. Il en est deux, très importants, qui touchent à l’agriculture.
Le premier concerne l’activité biologique des sols. Certains ont décrété que nos sols se meurent, faute aux agriculteurs. Ils se servent d’images de désolation venant de la mer d’Aral au Kazakhstan ou de la mer de plastics d’Alméria au sud de l’Espagne. Ils font mine d’ignorer que chez nous, même au pic de l’intensification, il y a 40 ans, on n’a pas connu ce genre de dérives. Mieux, aujourd’hui, en agriculture, nos sols sont plus vivants que jamais.
En cette année 2022 où les engrais sont chers, voire indisponibles, l’agriculture fera la démonstration de la biofertilité de ses sols. Les rendements seront là parce que les sols sont bien vivants, et ce n’est pas une question de label, juste une réalité agronomique.
Amis « écolos », réjouissez-vous, ce qui se fait en Europe s’inscrit dans le respect de l’environnement. Mettez plutôt votre énergie à demander qu’on cesse d’importer de l’étranger ce qui serait interdit de produire chez nous. Nos normes de production devraient s’imposer aux frontières de l’importation. Votre silence en la matière est déconcertant.
L’autre position dogmatique à revisiter concerne la fertilisation, et particulièrement l‘azote. Sans azote, pas d’ADN, pas d’acides aminés, pas de protéines, pas de vie. Il est en profusion dans l’atmosphère. L’air que nous respirons, c’est 78 % d’azote. Les bactéries de nos sols peuvent en fixer une partie, mais cela ne suffit pas pour une nutrition correcte de la plupart des cultures. Il faut donc compléter l’activité biologique des sols par de l’azote minéral. Ce n’est pas un produit diabolique inventé par la chimie de synthèse, c’est l’azote de l’air qu’on fait passer du stade gazeux à la forme solide. Cela consomme de l’énergie, comme en cuisine quand on chauffe la soupe.
Entre l’énergie investie dans la fabrication d’azote et celle produite en plus sous forme organique, donc « renouvelable », le rapport est de l’ordre de 10 quand les doses sont bien raisonnées.
Sans ce complément d’azote, il faudrait 40 % de terres en plus pour nourrir la terre. Autrement dit déforester davantage. La déforestation actuelle représente déjà 10 % des G.E.S (Gaz à effet de serre). Refuser l’azote minéral à dose raisonnée, suppose plus de surfaces à cultiver, donc moins de forêts qui sont aujourd’hui la meilleure solution pour réduire le CO2 dans l’atmosphère.
Chers activistes écologistes, ce que vous avez compris pour le nucléaire dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, essayez de le comprendre pour l’agriculture, tant qu’il reste des agriculteurs pour faire le boulot.
Nous savons qu’il n’est pas facile de reconnaître que le monde a changé, qu’il faut donc aussi changer son discours mais les enjeux planétaires valent bien une petite révision doctrinaire.