Les associations triticale-pois en bio,

sous la loupe du Cra-w en Centre Ardenne

En augmentant le nombre d’espèces cultivées et en intégrant une part plus importante de légumineuses dans la rotation, la diversification des systèmes culturaux est un des leviers proposés pour permettre une intensification écologique de la production. Dans ce cadre, la fertilité doit se construire sur la fixation symbiotique de l’azote permise par les légumineuses plutôt que sur l’utilisation de l’engrais minéral. L’agriculture bio, qui s’interdit justement l’utilisation d’engrais azotés minéral, est un prototype en la matière.

Néanmoins, l’intégration de protéagineux (pois, féverole, lupin…) dans les systèmes de cultures à bas niveaux d’intrants n’est pas sans soulever différents défis liés à la sensibilité de nombre de ces espèces à des maladies et parasites, à la verse, à la compétition avec les adventices…

Pour faire face à ces limitations, une pratique couramment mise en œuvre en agriculture biologique, consiste à mettre en place des cultures associées de céréales et de protéagineux qui sont semées et récoltées de concert.

De telles associations permettent de mobiliser des complémentarités dans l’utilisation de la ressource. Citons, par exemple, le prélèvement par les légumineuses de l’azote atmosphérique inaccessible à la céréale qui bénéficie, en retour, d’une plus grande part de l’azote fourni par le sol ou les barrières physiques que constitue une espèce vis-à-vis des parasites spécifiques de l’espèce qui lui est associée. Par ailleurs, les céréales peuvent valoriser la lumière et l’azote non captés par les protéagineux et ainsi, empêcher les adventices de se développer dans les vides. Elles peuvent également servir de tuteur pour des protéagineux sensibles à la verse, tels que les pois…

Néanmoins, la conduite de telles associations de cultures nécessite de poser différents choix, que ce soit en termes de variétés, de densités ou de fertilisation. Ces choix vont être fonction des objectifs, non exclusifs, poursuivis par l’agriculteur :

– produire des protéagineux, accroissant ainsi l’autonomie européenne en protéines végétales, le rôle de la céréale étant dans ce cas de réduire la pression des adventices et maladies et de servir de tuteur ;

– améliorer la qualité, c’est-à-dire la teneur en protéine de ses céréales ;

– entretenir la fertilité des sols en prenant en compte les arrières effets de ces cultures.

Deux années d’essais

Les essais menés au cours de deux années en Centre Ardenne permettent aujourd’hui d’éclairer les choix à poser quant à la densité de semis et au niveau de fertilisation, d’associations de triticale avec du pois fourrager ou protéagineux d’hiver. Nous présentons ci-après les résultats de ces deux essais, l’un mené à Libramont (2013-2014) et l’autre à Champlon (2014-2015), chez M. Leriche. Cette expérimentation a été conduite par le Centre wallon de recherches agronomiques dans le cadre du programme Bio-2020 avec le soutien de la Dgo3. Les variétés de triticale Sequenz (2014) et Borodine (2015) ont été utilisées en association avec le pois fourrager Arkta ou les pois protéagineux James (2014) et Enduro (2015).

Impact de la densité du pois et de la fumure organique

Les effets de la dose de semis du pois (faible, intermédiaire et forte) croisés aux effets du niveau de fertilisation organique de printemps ont été mesurés sur les performances des associations. Les densités s’élevaient à 60, 80 et 100 graines /m² pour le pois protéagineux et à 15(10), 20(15) et 25(20) grains/m² pour le pois fourrager en 2014 (2015). Le triticale a été semé à raison de 210 graines/m² et 350 graines/m² respectivement dans les associations avec le pois protéagineux et fourrager. La fertilisation azotée (0, 40 et 80 kg d’N/ha) a été apportée sous la forme d’Orgamine (7-5-10), au début du printemps, en même temps qu’un passage à la herse étrille.

Aucun effet de la fertilisation ou de la densité de pois sur le rendement en grains

Les rendements enregistrés en 2014, avec 1,9 et 3,3 tonnes de MS/ha, respectivement pour les associations avec pois fourragers et pois protéagineux, sont plus faibles que ceux de 2015 (6,6 et 6,8 t de MS/ha). Néanmoins, et ce quelle que soit l’année, les rendements n’ont été influencés significativement, ni par la densité de semis du pois, ni par la fertilisation. La seule tendance observée fut, en 2014, une décroissance du rendement avec l’augmentation de la dose de semis du pois fourrager, qui s’explique par le fort développement du pois et la verse importante qui en a découlé, en particulier aux fortes densités.

Des effets significatifs sur la composition et la teneur en protéine des mélanges récoltés

La proportion de pois dans le mélange récolté en 2014 fut, en moyenne, de 70 %, avec un impact du type de pois utilisé : 74 et 65 % respectivement pour le pois fourrager et le pois protéagineux. En 2015, avec 41 % de pois, la proportion moyenne fut moindre et le classement des deux espèces de pois a été inversé : 30 et 51 % respectivement pour le pois fourrager et le pois protéagineux.

En moyenne, l’augmentation de densité de semis – de 10-15 à 20-25 grains/m² pour le pois fourrager et de 60 à 100 grains/m² pour le pois protéagineux – a conduit à un accroissement parallèle de la proportion de pois dans le mélange récolté (+ 10 %) et de la teneur en protéines dans le mélange (+ 1,6 %), comme l’indique la figure 1, ce qui ouvre des alternatives pour accroître l’autonomie protéique des systèmes d’élevage. Soulignons néanmoins que la majeure partie de l’augmentation (75 % pour la proportion de pois dans le mélange récolté et 66 % pour la teneur en protéines) est obtenue lors du passage de la densité de semis faible à la densité intermédiaire.

L’augmentation de la densité de semis des pois a également permis d’accroître les teneurs en protéines du triticale associé : + 0,75 % en moyenne. Cette faculté des associations à accroître les teneurs en protéines dans les céréales compagnes, confirmée par de nombreuses études, permet d’envisager des débouchés alternatifs, à plus forte valeur ajoutée, pour ces céréales.

Un apport d’azote conduit, au contraire, à une réduction des proportions de pois et des teneurs en protéines du mélange récolté (figure 2). Couplé à une absence d’effet sur le rendement, ce résultat indique une inefficacité totale de l’azote organique apporté au printemps sur ces associations, dans les conditions de l’expérimentation.

D. Stilmant, Y. Seutin,

C. Clément et D. Jamar

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Cra-w – Cellule transversale de

recherches en agriculture biologique

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