Alors quelques jours de vacances, pas trop loin, histoire de s’aérer le corps et l’esprit, ça fera du bien. Bon, c’est décidé, on gardera, mon mari et moi, comme l’année dernière, la ferme. Partez donc tranquille qu’on leur a dit, ça ira.
Les citadins auraient sans doute une image d’Épinal de notre séjour à la ferme, mi-colonie, mi-villégiature, nous imaginant, sourires béats, foulard vichy rouge au cou, caressant veaux et gorets. Mais, la réalité est tout autre. On comprend mieux leur fatigue et leur stress quand ils nous laissent leur clé pour prendre celle des champs. La modernité n’a pas enjolivé la vie de l’éleveur. J’ai trait 35 ans nos 45 vaches en « pipeline », c’était physique soit, mais gérer 175 vaches, c’est une tout autre paire de manches. Rien à voir.
Ah c’est joli, quand toutes ces belles élégantes en noire et blanc s’aèrent… ça fait un effet bœuf quoi. Cependant, elles nous ont donné du fil à retordre. Chaque jour apporte son lot de petites misères : vêlages difficiles, rétention d’arrière-fait, génisse rebelle qui décide de danser le « french-cancan » sur le robot, alarmes intempestives et nocturnes du robot pour raisons diverses et variées, non-présentation à la traite de petites filoutes depuis plus de 18h alors qu’elles ont le pis prêt à éclater ! Ces dames arborent toutes à peu près la même robe et rechercher la coquine au milieu de ses congénères relève de l’exploit ! Entre les préparations des mélangeuses différentes pour les taries, les génisses et les vaches en lactation, les soins aux veaux, le nettoyage des logettes, des robots, la surveillance des chaleurs, des vêlages, les traitements vétérinaires divers, nous avions notre occupation.
Cette cadence quotidienne sans répit avec des pics aux semailles et aux récoltes est malheureusement que très peu rémunérée et respectée. Quel industriel investirait et s’investirait autant pour si peu de rétribution et si peu de considération ? Ah… respect à ses jeunes ! Tout un réseau de satellites vivent grâce à eux et à leur esprit d’entreprise : vétérinaires, vendeurs de spermes, de semences de maïs de ray-grass, constructeurs d’étable, de stabulation, de manutention, entrepreneurs agricoles, marchands de bestiaux, d’engrais, d’aliments composés, contrôleurs, conseillers fiscaux et autres, et surtout, n’oublions pas les banques, sans elles, rien ne serait possible.
Ah… respect à nos jeunes que je vous disais.
La société qui connaît week-end, fêtes de Pâques, nationale, Toussaint, de Noël et ponts en tous genres et qui jouit de produits laitiers fiables et peu chers se rend-elle compte que la qualité de vie es ses agriculteurs va à la dérive ?
