En 2000, les parents de Margreet cessent leur activité et vendent la ferme à sa cadette. Celle-ci était en relation avec un agriculteur, mais le couple se sépara en 2003. La belle-sœur de Pieter-Berend se retrouva seule à devoir gérer la ferme « De Heemen » qui comptait 80 vaches laitières.
Pieter-Berend : « À l’époque, j’avais 41 ans, je travaillais à l’extérieur, mais j’ai dit à ma femme que, même si je n’étais pas fils d’agriculteurs, je pouvais pourtant essayer de faire tourner la ferme. Ma femme m’a fait confiance. » P-B Slager a consulté divers spécialistes, le vétérinaire, le représentant de la firme d’aliments… mais évidemment aussi le banquier et le conseiller fiscal. À l’issue de ces contacts, la décision fut prise de créer une association avec son épouse et sa belle-sœur. Ensemble, ils ont cherché les solutions les plus favorables sur le plan fiscal. Le service des contributions néerlandaises a finalement accepté que Pieter-Berend et Margreet reprennent la totalité de l’exploitation, après 10 ans d’activité à la ferme.
« Finalement, c’est en 2011 que nous avons repris l’ensemble de l’exploitation. Nous avions, à ce moment-là, 80 vaches laitières et 55 jeunes bêtes ».
Pieter-Berend s’occupe surtout de la ferme et des laitières, Margreet est infirmière sociale et s’occupe du jardin communal, que les villageois viennent cultiver. « Nous soignons les bêtes, nous soignons les gens, et nous soignons les voisins », explique P-B, non sans un certain humour.
Quand moderniser et augmenter ?
Lors de la reprise, l’exploitation avait une productivité moyenne de l’ordre de 8.000 kg de lait à 4,40 % de matière grasse et 3,50 % de protéine. « C’était, pour l’époque, une exploitation très valable, mais qui demandait beaucoup de travail », estime Pieter-Berend. « Le carrousel Fullwood à 14 stalles fonctionnait bien, mais tout le reste n’était pas agencé de manière optimale. Je passais 70 heures par semaine pour tout faire tourner. » La ferme avait 61,5ha en propriété. La plus grosse partie des équipements de la ferme datait des années ’70, et les réparations étaient assez fréquentes.
C’est ce qui l’amenait à réfléchir à la manière d’améliorer l’exploitation tant en efficience de travail qu’en bien-être animal.
Pour l’éleveur, le choix le plus difficile, c’était celui-ci : moderniser et agrandir le troupeau dès 2011, ou attendre la fin des quotas laitiers en 2015 ? L’exploitation avait alors un quota de 700.000 kg de lait.
Après réflexion, le choix d’attendre la fin des quotas n’a pas été la bonne décision. Si nous avions agrandi le troupeau dès 2011, nous aurions moins de problèmes avec l’actuelle législation néerlandaise sur les phosphates. »
Même comportement qu’en prairie
Une demande d’extension de permis a été introduite en fin 2014. La commune, très agricole, s’est montrée très compréhensive par rapport aux plans proposés pour la ferme « De Heemen ». Le dossier n’a pas traîné. Trois mois plus tard, le permis était accordé. Il ne fut même pas nécessaire de passer par un bureau conseil, c’est le conseiller financier qui a élaboré le plan d’exploitation qui a été estimé satisfaisant.
Le plan d’exploitation comportait une nouvelle étable dans laquelle une attention particulière était portée à la facilité de travail, donc à son efficience, et au bien-être des animaux. L’agriculteur a opté pour une étable en stabulation libre. La traite est automatisée grâce à deux robots et il y a un passage vers la prairie.
Pieter-Berend : « Je trouve personnellement que l’animal doit se comporter dans l’étable de la même façon qu’en prairie. » Raison pour laquelle il a préféré un toit en polycarbonate. Ce matériau se présente en trois couches fermées, et dispose d’un revêtement en aluminium pour freiner les rayons UV. Il y a, pour ainsi dire, autant de lumière à l’intérieur qu’à l’extérieur. Comme il n’y a pas de logettes, les vaches se couchent où elles le veulent. La hiérarchie est respectée dans le troupeau. Si une vache dominante survient, l’autre peut toujours s’en aller.
Les caillebotis, qui se situent le long du couloir d’alimentation et près des robots de traite, sont recouverts de caoutchouc. Il n’a pas fallu prévoir de moyens techniques pour réduire les émissions d’ammoniac car une bonne partie de l’étable est paillée. La surface disponible par vache est de 15 m2. L’ensemble fait 1.800 m2.
Pieter-Berend : « Si c’est financièrement raisonnable ? Certainement ! Nous comptons arriver à un taux de renouvellement de seulement 15 %. Nous sommes pour une exploitation laitière durable et nous voulons des vaches ayant une vie productive d’au moins 6,5 à 7 ans. »
L’étable ne suffit pas pour y arriver. Pieter-Berend compte également sur le principe Pro-Cross. Dans le cas de la ferme « De Heemen », la pie noir Holstein est croisée avec du Montbéliard. La femelle croisée est croisée à nouveau, mais avec un Rouge de Scandinavie. Ensuite, on revient au Holstein. P-B Slager : « les vaches croisées 3-voies sont plus solides que les Holstein pures, et après toutes ces années, elles livrent encore un peu plus de viande, mieux rémunérée. »
Circulation libre
La construction de l’étable a débuté en mai 2015. Les dimensions sont de 76 m sur 37 m. Le toit est léger, il est dit « Light Roof » ; il est de type Heat Guard 25. Le faîte est ouvert de 28,5 cm, ce qui donne un excellent effet de cheminée lorsqu’on ouvre les parois latérales, et donc une bonne ventilation. Les parois latérales sont un système segmentaire avec tuyau enrouleur, rideau et filet à oiseaux. La première partie du toit vient tout près des parois latérales, pour faciliter le passage de l’air et la ventilation de l’étable.
P-B Slager : « Je suis dans les premiers, au Nord des Pays-Bas, à avoir une telle toiture. Elle a coûté 8.000 euros de plus qu’une toiture traditionnelle, cela apporte beaucoup de lumière dans l’étable durant le jour, ce qui est favorable au maintien de la production laitière. Le soir et la nuit, l’éclairage artificiel est assuré par des diodes électroluminescentes (Vario Led XL) installées dans des armatures de 300, 180 et 120 Watts.
Les vaches sont traites par deux robots Lely Astronaut A4, modèle Operator. Ce modèle assure le nettoyage et la désinfection des trayons, dispose d’un bloc capteur donnant une indication de la matière grasse et de la protéine et une mesure de la température. Deux sortes d’aliments peuvent être distribués durant la traite.
On peut considérer que la vache a un parcours libre dans l’étable. Seule exception, dès qu’elle est traite, la vache est dirigée automatiquement vers la prairie. P-B Slager : « Le chemin n’est pas encore tout à fait prêt, mais ce sera le cas dans quelques semaines, après chaque traite. Cette mesure doit permettre d’économiser 3 à 4 kg d’aliments par 100 kg de lait. »
Paille et fumier
L’étable est automatiquement paillée par un convoyeur capable de disperser la paille sur 15 m. La consommation de paille est de 700 kg par jour. La litière reste bien propre, et la laiterie Friesland Campina apprécie cette solution, signale l’éleveur. La litière est enlevée tous les trois mois. Tous les fumiers peuvent être épandus sur les prairies et les champs de l’exploitation. « Nous sommes dans une démarche circulaire », souligne-t-il encore.
30 kg par jour
La ration de base est constituée d’un tiers de maïs et de deux tiers d’herbe, avec environ 27,5 kg d’aliments concentrés par 100 litres de lait durant la période hivernale. Maïs et herbes sont cultivés sur la ferme. C’est un entrepreneur qui s’occupe du maïs, tandis que la production de l’herbe est maîtrisée par l’éleveur jusqu’à l’andainage.
Les vaches donnent en moyenne 30 litres de lait par jour. C’est une très bonne production pour des animaux croisés. On atteint ainsi une moyenne annuelle de 9.000 kg de lait par an à 4,41 % M.G. et 3,58 % protéine. Le lait est pré-réfrigéré avant stockage dans un refroidisseur de 12.500 litres. Un refroidisseur tampon est également nécessaire par la présence des robots de traite. Il y a récupération de la chaleur du lait, elle sert à réchauffer l’eau de rinçage du refroidisseur.
Question de phosphore
Même s’il est très content de sa nouvelle étable, l’éleveur laitier continue à se faire du souci à propos de la nouvelle réglementation sur les normes en phosphates. « À la date de référence du 2 juillet 2015, j’avais 96 vaches laitières dans l’étable et 70 têtes de jeune bétail. La nouvelle étable est prévue pour 120 vaches et je les ai maintenant. C’est heureux, mais je me limite à 50 jeunes bêtes parce que j’ai des animaux robustes et un bon environnement dans l’étable. Il y a encore les 35 vaches moins productives à faire partir pour l’abattoir. Cela fait mal », explique l’agriculteur qui trouve que les Pays-Bas devraient tout faire pour obtenir une dérogation de la part des autorités européennes. Il espère que ce sera le cas pour la période 2018-2021. « Si je n’ai pas la dérogation, je ne peux plus mettre de fumier sur les prairies, ou je ne peux plus tenir 120 vaches laitières. »
Portes ouvertes
En avril, la ferme « De Heemen » a fait portes ouvertes, et plus de 600 personnes sont venues voir les nouveaux bâtiments. P-B Slager : « Si des Belges veulent venir, ils sont les bienvenus. Nous trouvons que nous devons avoir une attitude ouverte sur le plan sociétal. Nous sommes des producteurs laitiers, nous voulons produire de façon responsable, et c’est de plus en plus nécessaire de le montrer à nos contemporains. »
