Accueil Archive

La salinité en serre maraîchère,

mieux vaut toujours prévenir que guérir !

En ce milieu de printemps nous avons connu quelques jours aux températures estivales. Dans les serres maraîchères, la température a pu monter au-delà des 30ºC avec des conséquences sur le comportement des plantes abritées. Dans certains cas, la salinité excessive du sol amène un retard considérable de développement des cultures, des lésions marginales sur le feuillage et même des mortalités de plantes. Revenons sur ce problème fréquent et souvent trop tardivement pris en compte.

Temps de lecture : 6 min

Dans la partie supérieure du profil, là où se développe le chevelu racinaire, la teneur en sels dissous dans l’eau est élevée. Il s’ensuit un freinage du développement racinaire des plantes et une mauvaise exploration des réserves en eau et en sels minéraux nécessaires à la croissance. La croissance est diminuée et, dans les cas les plus graves, le sol devient inapte pour la culture.

Le problème…

L’élévation de la salinité du sol modifie la tonicité de la solution du sol rendant l’absorption d’eau plus difficile par les plantes. Celles-ci montrent des signes de perte de turgescence lors des heures chaudes de la journée, de flétrissement temporaire ou permanent, voire même des mortalités.

Après des cultures de concombres, de melon ou de tomates, les situations peuvent être plus graves. En cause, d’une part la possibilité d’apporter des fumures assez élevées pour ces cultures, d’autre part, les besoins en eau en fin de saison culturale sont assez modérés et une tolérance de ces espèces à un certain déficit hydrique est compensée par leur propension à développer un enracinement puissant. Les cultures suivantes, peut-être à enracinement superficiel, sont amenées à se développer alors que la salinité peut avoir monter sérieusement lors des mois précédents.

Sous serre maraîchère, les seuls apports d’eau proviennent de l’irrigation. Tout manquement ou mauvaise répartition aura des conséquences sur le risque de salinité. Si les asperseurs recouvrent insuffisamment les zones irriguées, nous pouvons avoir l’impression que le sol est mouillé partout, mais les quantités apportées ne sont pas les mêmes sur chaque m² de la serre. Nous pouvons nous en rendre compte quand le sol se ressuie après une irrigation et de manière plus précise en installant une série de pluviomètres en différant endroits de la zone mouillée par un asperseur. Il n’est pas rare de constater des différences d’apports d’eau dans un rapport de 1 à 4.

L’eau d’irrigation peut contenir des sels, la différence entre les eaux de forage et les eaux de pluie sont nettes.

… à quantifier

Quand nous avons un soupçon de la présence d’un excès de salinité dans notre sol, nous pouvons faire analyser notre sol. Mais il serait préférable même d’agir préventivement.

Il ne s’agit pas d’une analyse classique des éléments fertilisants mais bien d’une analyse spécifique. La mesure de la teneur en sels solubles par kg de sol se fait généralement par une mesure indirecte, plus rapide. Parmi les méthodes usuelles, la conductivité exprimée en milli Siemens/cm ou en micro Siemens/cm d’un extrait aqueux au 1/5 est en lien direct avec la teneur en sels solubles. D’autres méthodes rapides sont utilisées également pour estimer de manière indirecte la concentration en sels, comme celle de la détermination de la conductivité électrique à 25ºC d’un extrait de pâte saturée, par exemple.

Quels sont les sels en cause ?

Le transport de sels par remontée capillaire, une irrigation insuffisante ou mal répartie dans le temps ou dans l’espace et une fertilisation inappropriée peuvent en être la cause.

Ce sont les sels solubles dans l’eau qui sont concernés dont Ca++, Mg++, K+, Na+, Cl –, SO4– –, HCO3 –, CO3– –, NO3– . Les apports massifs d’amendements ou de fertilisants libérant rapidement ces ions aggravent le risque de salinité.

La salinité amenée par la présence de sulfates est moins nocive que celle provenant de chlorures ou de nitrates. Nous nous penchons sur ces différences lorsque les calculs à réaliser pour corriger par lessivage sont compliqués par une indisponibilité en eau de qualité. Les laboratoires peuvent alors analyser les sels de la solution du sol. Remarquons que de telles analyses ne sont pas standardisées et sont donc plus coûteuses.

Quelles sont les cultures sensibles ?

Les légumes sont des cultures sensibles ou à tolérance moyenne. Les cultures sensibles montrent des chutes de rendement significatives au-delà du seuil critique de 2 mS/cm. Les cultures à tolérance moyenne le montrent au-delà de 4 mS/cm.

L’épinard, le poivron, le chou, le melon, l’aubergine, le concombre, la tomate, les courges, et la betterave potagère sont à tolérance moyenne. Le radis, le céleri, le haricot, l’oignon, la laitue, le pois, les semis en général, les repiquages en général sont sensibles. C’est ce que nous constatons en cette période printanière.

Les données disponibles par culture diffèrent selon les auteurs et l’origine des études. Cela peut s’expliquer par la différence de comportement des plantes et des sols face aux différents ions. Ainsi, le sodium, le chlore et le bore peuvent être toxiques rien que parce qu’ils sont à un niveau de richesse trop élevé, même si les autres ions ne sont pas en concentration élevée.

Le sodium en excès peut aussi altérer les propriétés du sol en augmentant la sensibilité à la battance.

Quels remèdes ?

Les besoins en eau d’irrigation correctrice peuvent se calculer. Les paramètres dépendent de la nature du sol, des qualités de l’eau, de la quantité de sel à éliminer. L’irrigation correctrice est plus facile à calculer et à mettre en œuvre durant la période entre deux cultures.

Simplement comme ordre de grandeur, des apports de l’ordre de 200 mm d’eau de pluie permettent de corriger pas mal de situations sous au moins deux conditions:

– 1. le drainage est suffisant et efficace;

– 2. les asperseurs ont été réaménagés pour que les précipitations soient réparties uniformément avec des variations d’au maximum 20 % entre les extrêmes.

Mieux vaut prévenir que guérir

De manière générale, nous devons tenir compte de la qualité des eaux d’irrigation:

– les eaux de forage peuvent être chargées en fer ou en calcaire, cela pose des problèmes de bouchage de filtres ou de buses mais avec un impact modéré sur la salinité;

– les eaux de pluie peuvent avoir une charge en matière organique (débris de feuilles, etc.) qui bouche aussi filtres et buses, mais ces eaux ont en général une faible charge en sel et sont donc de bonnes sources pour éviter la salinité;

– les eaux d’épuration sont à considérer au cas par cas.

Une gestion optimale de l’irrigation implique une adaptation des apports pour satisfaire aux besoins de la culture en place y compris les pertes au niveau du sol. L’emploi d’appareils de mesure de l’humidité dans le sol comme les tensiomètres par exemple sont bien utiles.

Les apports de fumures raisonnées permettent d’éviter des fluctuations saisonnières importantes au fil de l’année.

Le drainage doit être suffisant pour permettre les irrigations avec lessivage.

Le paillage, les techniques de travail du sol, de bonnes structures de sol sont autant de mesures qui permettent de limiter les évaporations en surface de sol et les remontées capillaires.

Le bon dimensionnement des besoins en eau est requis dès la mise en place d’un projet de maraîchage.

Une bonne teneur en matière organique du sol correspond à un pouvoir tampon et une capacité d’échange élevés. Le seuil de toxicité de la salinité sera plus élevé avec des sols à teneurs élevées en matières organiques.

Les fumures minérales classiques seront fractionnées pour limiter les quantités apportées par intervention. Les engrais retard et les engrais organiques libèrent les éléments progressivement.

F.

La Une

Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs