Accueil Voix de la terre

Le «bon sens paysan» dominé par le non-sens des technocrates

S’il existe une qualité reconnue depuis très longtemps chez les agriculteurs, c’est bien « le bon sens paysan ». En effet, l’agriculteur travaille et sème ses terres quand la terre est « amoureuse » et pas dans de mauvaises conditions.

Temps de lecture : 3 min

L’agriculteur scrute le ciel continuellement pour mettre toutes les chances de son côté avant un travail aux champs.

L’agriculteur implante depuis toujours des engrais verts et épand son fumier quand les conditions du sol, agronomiques et climatiques sont réunies.

L’agriculteur connaît ses parcelles et il s’efforcera de labourer les terres les plus difficiles avant l’hiver et surtout dans de bonnes conditions.

J’en passe et des meilleures, car la liste de toutes ses bonnes pratiques agronomiques est longue et est le fruit du « bon sens paysan » et de longues années de pratique et d’expérience sur le terrain

Hélas, trois fois Hélas, aujourd’hui, le « bon sens paysan » est dominé par le « non-sens technocrate »

En effet, le calendrier des travaux agricoles est élaboré par des technocrates (voir la définition plus bas) installés dans des bureaux climatisés à Bruxelles ou à Strasbourg, très (trop) loin de nos belles campagnes.

Et c’est pour cela que vous serez obligés de semer vos engrais verts (sie, cipan, cultures intermédiaires…) pour une date bien définie même s’il fait trop sec,, trop humide agronomiquement, ou si vous voulez encore extirper les derniers chiendents.

Certaines cultures demandent un premier apport d’engrais hâtif au printemps, mais pas avant le 16 février, donc si les jours qui précèdent cette date sont favorables (terrain portant pas d’ornières, pas de vent…), vous devez attendre le 16 avec peut-être la pluie, le vent, la formation d’ornières bien lissées qui serviront de rigoles à la prochaine forte pluie, chercher l’erreur.

Même topo en novembre pour débuter les labours d’hiver, il faut regarder le calendrier avant de regarder les conditions de travail dans les champs, et tant pis si les conditions sont mauvaises quand les dates calendriers sont bonnes, c’est aberrant mais c’est le règlement.

C’est l’Europe qui décide parait-il, mais l’Europe est vaste et ce qui est bien aujourd’hui au sud ne l’est pas forcément au centre ou au nord, rien qu’un exemple, les engrais verts conseillés en Flandre sont différents de ceux acceptés en Wallonie et que les frontaliers avec des parcelles à cheval sur les 2 régions tirent leur plan.

Pas question de déroger aux règlements car les satellites surveillent et les contrôleurs sillonnent nos campagnes, ils sont les hommes de terrain, mais, placés entre le marteau et l’enclume ils sont au service du marteau, donc obligés de sanctionner les fautes et faire entrer des euros dans les caisses.

Au passage, je remercie la nouvelle PAC qui semble encore plus restrictive et plus compliquée à respecter, ce n’est bon que pour le budget Européen.

Car, si, actuellement une majorité de la population manifeste pour le pouvoir d’achat, les salaires viennent d’être augmentés de +/- 10 % et on annonce aux agriculteurs que les aides vont diminuer fortement et que la nouvelle PAC est encore plus restrictive que jamais.

Si de telles mesures étaient annoncées pour le monde des salariés, il s’en suivrait une révolution instantanée.

Je termine en paraphrasant un vieil ami agronome, aujourd’hui décédé, il avait une définition bien personnelle du technocrate « C’est comme l’eunuque dans un harem, il explique aux jeunes comment faire l’amour « alors que, il n’est pas capable physiquement de le faire lui -même ».

Je ne suis qu’un petit agriculteur et je remarque des aberrations dans mon métier que je connais, je me dis que pour beaucoup d’autres métiers que je ne connais pas ou très peu, la situation ne doit pas être meilleure, pauvre de nous, et surtout, pauvres jeunes qui devront assurer la continuité.

F. Pier

, agriculteur

A lire aussi en Voix de la terre

Merci les jeunes!

Voix de la terre Durant ce mois de février, votre détermination et votre enthousiasme ont secoué et réveillé les instances politiques locales et européennes.
Voir plus d'articles