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Néanmoins, ces produits sont essentiels au travail de nombreux agriculteurs. Leur toxicité semble souvent exagérée, selon les autorités qui mettent en avant les normes de plus en plus strictes auxquelles doit répondre tout produit phytosanitaire ou engrais mis sur le marché, que ce soit en matière de santé humaine, d’exposition, d’environnement, de toxicologie…
Malgré ces hauts niveaux d’exigence, la perception qu’a le grand public de ces intrants (et du risque éventuel qu’ils représentent) ne s’est pas améliorée ces dernières années, bien au contraire. À un point tel que cela a eu impact régulatoire et a entraîné le retrait de plusieurs produits du marché. Mais comment en est-on arrivé-là ? Le grand public a-t-il une trop grande influence sur les instances décisionnelles ? Comment inverser la tendance actuelle ? Éléments de réponse avec Philippe Castelain, senior expert en toxicité humaine chez Sciensano, à l’occasion des 60 ans du Comité d’agréation des pesticides à usage agricole.
Évaluations plus strictes
« Depuis la fin des années ‘70, le processus d’autorisation des produits phytopharmaceutiques et la législation qui lui est associée ont fortement évolué », débute-t-il.
Ainsi, les premières lignes directrices européennes apparaissent en 1978. D’une part, elles concernent l’étiquetage des produits. D’autre part, elles définissent les produits autorisés ou non sur le marché par le biais d’une liste négative. L’évaluation des produits et substances actives était dévolue aux États membres.
En 1991, l’analyse du risque (toxicologie, problématique des résidus…) est véritablement intégrée dans une nouvelle directive. L’évaluation des produits reste nationale mais la liste devient positive. Seuls les produits y figurant peuvent être appliqués au champ.
Sûrs mais considérés comme dangereux
En parallèle, la perception du risque que présentent les produits phyto à elle aussi évolué. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ils étaient considérés comme parfaitement sûrs. Mais dès le début des années ‘80, une certaine méfiance est née dans l’opinion publique et s’est prolongée dans les années ‘90. Actuellement, ces produits sont considérés comme dangereux.
« Alors que les substances utilisées sont mieux évaluées et moins toxiques pour l’environnement et l’utilisateur, un sentiment de danger s’est propagé au sein de la population », déplore Philippe Castelain. La raison ? « Les mesures prises pour protéger le monde extérieur attiseraient les peurs ».
Mais l’expert cible aussi l’influence que peuvent avoir les médias ou certaines organisations non gouvernementales. « Tantôt, les informations diffusées laissent croire que les autorités cachent certains éléments. Tantôt, l’amalgame est fait entre danger et pesticides », poursuit-il. « Quand ce ne sont pas de fausses vérités ou des demi-vérités qui sont « révélées » aux lecteurs, auditeurs, spectateurs, soutiens, activistes… »
Certaines comparaisons hasardeuses, entre le glyphosate et l’amiante ou les cigarettes par exemple, sont également pointées du doigt. « Du côté de l’amiante, les résultats des recherches menées sont explicites : c’est un agent cancérigène avéré ». Et pour le glyphosate ? « Les études ne prouvent, notamment, ni effet génotoxique, ni lien de cause à effet chez l’homme. » Ce qui a conduit l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) à ne pas classer le glyphosate parmi les substances cancérogènes. « Aucune raison donc de comparer ces deux produits », défend-il.
Inconnu, donc risqué ?
Philippe Castelain met également en évidence certaines incohérences qu’a que le grand public dans la perception des risques.
Ainsi, selon l’Eurobaromètre des risques liés aux aliments publié en 2010 par la Commission européenne, 72 % des consommateurs se montrent inquiets face à la présence éventuelle de résidus de pesticides dans les fruits, légumes et céréales. Ils ne sont toutefois que 62 % à craindre les intoxications alimentaires provoquées par des bactéries comme la salmonelle (dans les œufs) ou la listeria (dans les fromages). « Cela démontre qu’il y a une sous-estimation du danger « naturel » de certaines choses », explique-t-il.
Il poursuit : « Un médicament antisida aura bonne presse car il permet d’augmenter les chances de survie des malades. Même s’il accroît aussi les risques de cancer ». Au contraire, les effets bénéfiques des pesticides, comme la certitude de disposer d’une production alimentaire de haute qualité, sont souvent ignorés de la société. Conséquence : elle rejette ces produits, sur base des éventuels risques qu’ils présentent et par méconnaissance.
Cela s’explique par le fait qu’une personne lambda aura toujours une faible perception des risques que présente un produit qui lui est familier, dont l’ingestion est volontaire et contrôlable ou encore dont l’origine est naturelle. A contrario, un produit moins connu, d’origine chimique ou dont l’ingestion n’est ni volontaire, ni contrôlable souffrira plus fréquemment d’une mauvaise réputation.
Philippe Castelain rappelle encore qu’en cas de doute sur un produit, le principe de précaution prévaut. Si certaines informations scientifiques sont manquantes ou laissent supposer que ledit produit présente des risques de dommages graves, des mesures de retraits temporaires sont immédiatement prises. Durant ce temps, des études complémentaires sont menées afin de combler le manque de connaissance et d’évaluer les risques. Au terme de cette étape, le retrait est soit confirmé, soit levé. Aucune raison, donc, de s’inquiéter.
Avec transparence… et précautions
Et de citer un exemple : « Le glyphosate a été évalué comme non-cancérigène par les autorités sur base d’études publiées et de recherches menées par l’industrie (et réalisées selon la législation en vigueur et les bonnes pratiques de laboratoire). Le Centre international de recherche sur le cancer est arrivé à la conclusion inverse, mais ne s’est basé que sur les études publiées. S’il avait utilisé les mêmes données que les autorités, ses conclusions auraient peut-être été tout autres ».
Vu qu’elles ne disposent pas des mêmes données, la discussion entre les parties n’est en outre pas possible. En revanche, si les différents acteurs ont accès aux mêmes données, en toute transparence, mais n’arrivent pas aux mêmes conclusions, une discussion est possible.
Toutefois, la question de la transparence totale des données scientifiques soulève un problème de taille. « Celles-ci seront acces