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L’enthousiasme est de mise,

mais les efforts devront s’intensifier

Suite au travail, notamment des éleveurs et des vétérinaires, deux des trois objectifs fixés par l’Amcra en matière de réduction de l’usage des antibiotiques en santé animale ont été atteints – et même dépassés ! – en 2017. L’enthousiasme qui en découle ne doit toutefois pas occulter la longue route qu’il reste à parcourir pour atteindre le troisième objectif, à savoir réduire de 50 % l’utilisation totale des antibiotiques entre 2011 et 2020.

Temps de lecture : 6 min

Tant en santé humaine que vétérinaire, la résistance aux antimicrobiens constitue une problématique auquel il est crucial de s’attaquer. En effet, l’acquisition de la résistance aux antibiotiques par des micro-organismes peut compliquer, plus ou moins fortement, la lutte contre ces derniers chez l’homme et les animaux.

C’est dans ce contexte qu’est né, voici plusieurs années, le Centre de connaissance pour tout ce qui concerne l’utilisation d’antibiotiques et la résistance à l’égard de ceux-ci chez les animaux (Amcra).

L’Amcra s’est ainsi attelé à élaborer une « Vision 2020 » assortie de trois objectifs concrets, définis par rapport à l’année 2011 : réduire de 50 % l’utilisation totale d’antibiotiques d’ici 2020, réduire de 75 % l’utilisation des antibiotiques dits « critiques » (céphalosporines de 3e et 4e générations et fluoroquinolones) d’ici 2020 et réduire de 50 % l’utilisation d’aliments médicamenteux contenant des antibiotiques d’ici 2017.

Le 30 juin 2016, ces mêmes objectifs ont été repris au sein de la « Convention entre l’Autorité fédérale et tous les partenaires sectoriels concernés par la réduction de l’usage d’antibiotiques dans le secteur animal ». Deux ans après, l’Amcra a fait le point sur la situation.

Utilisation en baisse

L’utilisation de substances antibactériennes chez les animaux en Belgique fait l’objet d’un monitoring annuel par rapport au nombre d’animaux présents (c’est-à-dire la biomasse produite chaque année). Il concerne tant les animaux d’élevage que les animaux domestiques.

« En 2017, nous avons observé une diminution de 7,4 % (mg de substance active/kg de biomasse) de l’utilisation totale des antibiotiques », constate le professeur Jeroen Dewulf, président de l’Amcra. Cette diminution s’explique, d’une part, par un moindre usage des produits pharmaceutiques et des prémélanges médicamenteux et, d’autre part, par une réduction du nombre d’animaux recensés sur le territoire belge.

La diminution la plus forte a été observée au niveau des quinolones (-64,2 %) et des céphalosporines de 3e et 4e générations (-65,9 %) qui font partie des antibiotiques dits « critiques » (lire par après). Ce ne sont toutefois pas les seuls antibiotiques à voir leur usage diminuer. C’est également le cas des sulfamides et trimethoprimes (-31,8 %), polymyxines (-13,3 %), céphalosporines de 1ère génération (-6,7 %) et macrolides (-4 %). A contrario, l’utilisation des tétracyclines et des phénicols est en légère hausse (respectivement + 14,4 % et +3 %). « Toutefois, cela montre que les antibiotiques critiques sont progressivement délaissés au profit de ceux qui ne le sont pas. C’est un très bon point ! », nuance-t-il.

Par rapport à l’année de référence (2011), une diminution cumulative de 25,9 % de l’utilisation totale a été enregistrée en 2017 (figure 1). « Ces résultats sont très bons et prouvent que nous sommes sur la bonne voie. Mais nous devons encore progresser pour atteindre l’objectif que nous sommes fixés, à savoir une réduction de 50 % d’ici 2020 », poursuit-il.

Malgré ces résultats encourageants, la Belgique se retrouve à la traîne au niveau Européen. En effet, sur base des données recueillies en 2015 (derniers chiffres européens disponibles), notre pays s’adjugeait la cinquième place du classement des plus gros utilisateurs d’antibiotiques (par rapport à la biomasse annuelle produite), derrière Chypre, l’Espagne, l’Italie et la Hongrie.

Antibiotiques critiques : trois ans d’avance

En ce qui concerne le deuxième objectif de l’Amcra, à savoir réduire de 75 % l’utilisation des antibiotiques dits « critiques » d’ici 2020, celui-ci est d’ores déjà atteint. « Et même dépassé, avec trois ans d’avance », ajoute-t-il. En effet, une diminution de près de 85 % (84,4 %) a été constatée par rapport à 2011.

Cet excellent résultat peut, en grande partie, être attribué à l’introduction de l’Arrêté royal du 21 juillet 2016 « relatif aux conditions d’utilisation des médicaments par les médecins vétérinaires et par les responsables des animaux », et des efforts qui en ont découlé sur le terrain. La réduction entre 2015 et 2016 a été de 53 %, alors que la législation n’est entrée en vigueur que fin juillet 2016. Entre 2016 et 2017, celle-ci a été confirmée avec une nouvelle baisse de 64,6 %.

Même tendance pour les alternatives

Au sein de ce groupe, la diminution constante observée dans l’utilisation des polymyxines (dont, en grande partie, la colistine) en médecine vétérinaire au cours des 5 dernières années représente un très bon résultat, estime l’Amcra. En effet, la colistine a été classée par l’Organisation mondiale de la santé parmi les antibiotiques critiques ayant la priorité absolue pour la santé publique.

En 2017, en Belgique, son utilisation a chuté cumulativement de 62,8 % par rapport à 2012. Dans le même temps, l’emploi d’oxyde de zinc en doses pharmacologiques a baissé de 56,7 % par rapport à 2015. « Comme il s’agit d’une alternative à la colistine pour le traitement de la diarrhée du sevrage chez les porcelets, on aurait pu s’attendre à une augmentation plutôt qu’à une diminution. Cela témoigne d’un changement de pratique chez les éleveurs ainsi que de la mise en place d’approches préventives », précise le professeur Dewulf.

Aliments médicamenteux : -66,6 %

L’usage d’aliments médicamenteux contenant des antibiotiques est au cœur de troisième objectif de l’Amcra et devait avoir baissé de 50 % pour fin 2017. Ici aussi, l’objectif est largement dépassé puisqu’une diminution de 66,6 % est observée par rapport à 2011.

« Ces résultats ont été obtenus uniquement sur base de l’autorégulation, car aucune législation n’impose de contraintes en ce sens aux secteurs de l’élevage et de l’alimentation animale », insiste-t-il.

Résultat : moins de résistances

En parallèle, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) réalise annuellement un monitoring des antibiorésistances acquises par une bactérie indicatrice, Escherichia coli (E. coli), chez différentes espèces animales (porcs d’engraissement, veaux de boucherie, jeunes bovins de boucherie et poulets de chair). Ainsi, l’évolution des antibiorésistances peut être évaluée avec précision année après année.

Les résultats de 2017 montrent que la présence d’E. coli productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (c’est-à-dire résistantes aux antibiotiques de la classe des bêta-lactamines comme les céphalosporines) n’a pas augmenté depuis 2011 chez les poulets de chair. Chez les veaux et les jeunes bovins de boucherie, la bactérie résistante est également peu observée (moins de 10 % des cas). Chez les porcs, on note une légère augmentation de sa présence. Néanmoins, compte tenu des résultats des années antérieures, il ne s’agit pas d’une hausse significative.

Concernant la résistance aux fluoroquinolones, celle-ci est la plus élevée chez les poulets de chair (57,9 % en 2017) mais diminue légèrement depuis 2011 (62,9 %). Chez les veaux de boucherie, la résistance est également élevée en 2017, avec 21,6 % de souches résistances à la ciprofloxacine (un antibiotique de la classe des fluoroquinolones). Une nette diminution est toutefois observable ici, en comparaison avec 2011 (41,2 %). La résistance aux fluoroquinolones est nettement plus faible chez les porcs (9,6 %) et les jeunes bovins de boucherie (12,5 %).

La résistance à la colistine est quant à elle particulièrement faible chez les différentes espèces animales : 0 % chez les poulets de chair et les jeunes bovins de boucherie, 1,1 % chez les veaux de boucherie et les porcs.

La résistance d’E. coli à d’autres classes d’antibiotiques (sulfonnamides, tétracyclines, triméthoprime et aminopénicillines) présente, depuis 2011, une tendance significative à la baisse chez les différentes espèces animales. Il en va de même pour les souches multirésistantes.

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