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Des fruits secs au jardin ?

Attention à l’espace disponible !

Si les noisetiers conduits en buissons se rencontrent fréquemment dans nos jardins, il n’en va pas de même pour les châtaigniers et les noyers. L’ampleur que prennent ces arbres haute-tige ne permet de les implanter que dans des parcelles de dimensions plus importantes, dans un contexte de culture extensive. Néanmoins, comme les noisettes, ils méritent d’être mieux connus des fruiticulteurs.

Temps de lecture : 9 min

Nos trois espèces à fruits secs ont en commun une floraison monoïque, ce qui signifie que les inflorescences sont constituées de fleurs unisexuées portées par la même plante : chatons mâles d’une part, fleurs femelles d’autre part.

Une autre particularité est que chez les noisetiers et les noyers, le transfert du pollen est assuré par le vent, et non par des insectes. Par contre, les chatons des châtaigniers ont un parfum et une teinte jaune qui attirent fortement les insectes butineurs ; le transfert du pollen est assuré à la fois par eux et par le vent.

Souvent, la fécondation des fleurs femelles est compliquée par un décalage des floraisons des deux sexes sur un même arbre (= dichogamie). Tantôt la floraison mâle précède la floraison femelle (= protandrie), tantôt c’est l’inverse qui se produit (= protogynie). Dans les deux cas, il est nécessaire d’associer plusieurs variétés si on souhaite une fructification optimale.

Les noisetiers, parfaitement adaptés à notre climat

Les noisetiers appartiennent au genre Corylus, dans la famille des Bétulacées, qui comprend aussi les aulnes, bouleaux et charmes. Les noisetiers que nous rencontrons dans la nature constituent l’espèce Corylus avellana, le coudrier, une plante buissonnante qui peut atteindre plus de 7 m de haut. Il est présent dans des sous-bois, des fourrés, des haies, en général sur des sols fertiles suffisamment frais, mais, sans humidité stagnante.

Son mode de croissance est dit « basitone », ce qui signifie que la souche émet constamment de nouveaux rameaux qui la première année sont très vigoureux, rectilignes et très peu ramifiés. Les années suivantes, le prolongement a une croissance de moins en moins forte, et les ramifications latérales se développent de plus en plus. En général, la croissance en hauteur s’arrête après 4 ou 5 ans.

Les chatons mâles se développent très tôt en hiver, tandis que les fleurs femelles, qui ressemblent à des bourgeons, se remarquent plus tard lorsqu’elles émettent des styles de teinte rouge vif.

Plusieurs espèces et variétés

Chez l’espèce Corylus avellana, l’involucre qui enserre la noisette est ouvert et peu découpé à son extrémité ; la noisette est approximativement aussi large que longue. Cette espèce est largement répandue dans toute l’Europe et le Moyen-Orient.

Elle compte plusieurs variétés à la fois ornementales et/ou fruitières, notamment : ‘fuscorubra’ (= ‘Rouge de Zeller’) à gros fruits rouges, ‘contorta’ à rameaux sinueux, ‘quercifolia’ à feuilles très découpées, ‘atropurpurea’ à feuilles, chatons et involucres rouges, ‘aurea’ et ‘aureomarginata’ à feuillage doré ou panaché.

Nous cultivons aussi Corylus maxima, le noisetier franc, une espèce arbustive un peu plus vigoureuse répandue dans les Balkans et en Asie mineure. Ses feuilles sont plus grandes et les noisettes sont groupées par 3 à 6. Le fruit est long et mince, dans un involucre très long, presque fermé. Son cultivar ‘purpurea’ porte des feuilles rouges au printemps, puis vert-bronzé ; l’amandon est couvert d’une pellicule rose. Un certain nombre de variétés cultivées sont des hybrides entre ces deux espèces.

Corylus colurna, le noisetier de Turquie ou de Byzance n’est pas buissonnant ; c’est un arbre à enracinement puissant, à tronc rectiligne surmonté d’une couronne conique régulière. Il peut atteindre 20 m de haut et porte de grandes feuilles luisantes. Les fruits sont disposés en groupes très denses ; ils comportent un involucre très long et découpé. Les noisettes sont aussi larges que longues ; elles n’atteignent leur maturité que dans un microclimat chaud.

Comme son nom l’indique, il est originaire d’Asie mineure, ainsi que du Sud-Est de l’Europe. Chez nous, il est utilisé comme arbre d’alignement, ou parce qu’il ne drageonne pas comme sujet porte-greffe pour les autres espèces de noisetiers.

Une culture sans (gros) problème

De manière générale, les noisetiers sont peu exigeants en ce qui concerne la qualité du sol. Ils préfèrent un sol profond qui permettra le développement d’un bon système radiculaire. Ils craignent les sols compacts, peu aérés et asphyxiques. En cas de sécheresse prolongée, ils apprécient un apport d’eau. Le pH optimal se situe autour de la neutralité (pH 6,5 à 7). Ils sont parfaitement adaptés à notre climat.

Les coudriers peuvent se cultiver en buissons constitués de plusieurs drageons développés sur la souche, ou en buissons à 5 ou 6 branches portées sur une courte tige. Chaque plant doit disposer d’au moins 20 m². Chez les types à feuillage vert, les chatons jaune-pâle ont un bel effet décoratif à la fin de l’hiver. Les types à feuillage pourpre seront bien mis en valeur en les isolant d’autres arbustes.

Afin de favoriser la fécondation des fleurs femelles et d’augmenter la production de fruits, l’association d’au moins deux variétés différentes et complémentaires est conseillée.

De même, les noisetiers de Byzance seront plantés isolés ou en alignement. Dans les espaces urbains, l’aspect de leurs fruits est une source d’étonnement pour le public.

Pour un noyer, prévoyez un espace suffisant !

Len genre Juglans fait partie de la famille des Juglandacées, qu’il partage avec les Carya (noix de Pécan) et les Pterocarya. Il compte une vingtaine d’espèces et plusieurs hybrides interspécifiques ; ce sont de grands arbres (jusqu’à 30 m de haut) à feuilles composées caduques et à floraison monoïque : fleurs mâles en chatons et fleurs femelles solitaires ou en groupes de 2 à 4.

Plusieurs espèces

Les Juglans (= glands de Jupiter) sont répandus dans les régions tempérées de tout l’Hémisphère Nord : aussi bien en Asie et en Europe qu’en Amérique.

Juglans regia, le noyer commun ou noyer royal, est cultivé aussi bien pour son bois apprécié en ébénisterie, que pour ses fruits oléagineux. On situe son origine dans le Sud-Est de l’Europe, au Sud de la Mer noire, ainsi qu’en Asie occidentale et centrale : Iran, Nord de l’Inde, Birmanie…, d’où il s’est transmis et naturalisé en Grèce. Ses feuilles comptent 5 à 9 folioles ; la foliole terminale est beaucoup plus grande que les autres. Il existe des variétés ornementales à feuillage découpé.

D’autres espèces, d’origine américaine ou asiatique, sont cultivées chez nous pour l’ornement, même si leurs fruits à coque très dure sont parfois utilisés dans leur région d’origine. Ce sont principalement Juglans nigra, le noyer noir originaire de l’Est des États-Unis, dont les feuilles comptent 23 à 25 folioles, qui est utilisé comme sujet porte-greffe, et Juglans cinerea, le noyer cendré, dont les folioles sont dentées.

Beaucoup d’espace

L’adaptation des noyers à notre climat est bonne, avec parfois quelques dégâts dus aux gelées tardives. Planter un noyer suppose que le sol ait un pH neutre ou légèrement basique. Il doit aussi être profond, perméable et bien structuré.

Il faut aussi prévoir un espace suffisant : minimum 150 m², car au fil des années, un noyer atteint un très grand développement. Ainsi, la couronne de notre noyer presque centenaire, planté vers 1920, a 26 m de haut et un diamètre de 15 m, elle couvre 175 m². Le périmètre du tronc à 1,5 m du sol est de 2,35 m, soit un diamètre de 75 cm. Il produit régulièrement une abondance de noix excellentes qui tombent au sol détachées de leur bogue.

Un bon choix et quelques soins

La fructification d’un noyer isolé suppose que la variété soit auto-fertile. C’est le cas de ‘Broadview’, qui a été sélectionné il y a un siècle au Canada dans un semis de noyers importés d’Ukraine, et de la sélection néerlandaise ‘Buccaneer’. Il existe aussi une série de variétés californiennes très productives, mais qui semblent peu adaptées à notre climat en raison de leur floraison hâtive.

Le prix d’achat des noyers greffés est élevé en raison de la difficulté à réaliser et à réussir leur greffage. On propose aussi des noyers multipliés par semis de noix de bonne qualité, moins coûteux.

Sous un noyer, le sol sera enherbé et fauché périodiquement suffisamment ras, notamment avant la maturité des noix, afin de faciliter leur ramassage.

Sous la frondaison d’un noyer, il est déconseillé d’envisager quelque culture que ce soit, puisque la juglandine contenue dans les feuilles a des propriétés herbicides.

Le châtaignier, un arbre imposant et décoratif

Le genre Castanea fait partie de la famille des Fagacées, tout comme les chênes et les hêtres. Sa présence est attestée chez nous par des fossiles de l’ère tertiaire, puis il a disparu lors des glaciations du quaternaire. Par la suite, son implantation en Europe est très ancienne puisqu’on en a retrouvé du pollen dans des tourbières âgées de 5.000 ans. Il est impossible de dire si la réintroduction a été naturelle ou humaine.

Plusieurs espèces

Castanea sativa, le châtaignier commun, est un arbre imposant, à couronne sphérique, qui peut atteindre 25-30 m de haut. Il est très décoratif par ses feuilles longues, dentées, brillantes, puis par son abondante floraison mâle – de longs chatons jaune vif à la fin du printemps, qui attirent une multitude d’insectes –, et enfin par ses fruits, des bogues sphériques vert clair très épineuses. On le rencontre entre 30º et 50º de latitude Nord ; la Belgique se situe donc à sa limite Nord.

Il demande des sols frais mais perméables, même caillouteux, et dont le pH ne dépasse pas la neutralité (maximum = pH 7). Il n’apprécie pas du tout les sols humides, compacts, et mal aérés. On le plantera à bonne exposition, abrité des vents du Nord et de l’Est, car il préfère un climat hivernal doux et il craint le froid hivernal intense et les gelées tardives.

D’autres espèces ont été introduites chez nous, provenant soit d’Amérique du Nord (Castanea dentata, par exemple), soit d’Extrême-Orient (Castanea crenata, Castanea japonica, Castanea mollissima, Castanea chinensis…). Un certain nombre de variétés nouvelles à très gros fruits sont des hybrides interspécifiques naturels ou artificiels entre Castanea sativa et soit Castanea crenata, soit Castanea mollissima.

Des fleurs aux fruits :

châtaignes ou marrons

De manière générale, le châtaignier est auto-incompatible, ce qui signifie que la fécondation des fleurs femelles ne peut être assurée que par le pollen d’une autre variété fleurissant au même moment. Quelques sélections anciennes échappent à cette règle, par exemple ‘Marron doré de Lyon’ qui est diffusé en Belgique par plusieurs pépinières.

Dans chaque bogue, les fruits sont au nombre de trois ; l’un est au centre, de forme aplatie, entre deux fruits hémisphériques. La distinction entre châtaignes et marrons est basée sur la structure interne des fruits : la châtaigne présente plusieurs cloisons internes, qui délimitent plusieurs graines, tandis que chez les marrons, qui ne contiennent qu’une seule graine, il n’y a pas de cloisons internes. Ce caractère est lié aux variétés : on appellera « marron » une variété où le pourcentage de fruits cloisonnés ne dépasse pas 12 %.

La culture

Comme les noyers, les châtaigniers adultes acquièrent de grandes dimensions. Il faudra en tenir compte avant de décider d’en planter, et réserver au moins 2 ares d’espace par arbre. Les variétés greffées ont généralement une croissance moins forte, mais en leur octroyant un espace large, leur couronne sera mieux mise en valeur lors de la floraison et du développement des bogues.

Certains sujets porte-greffe, comme Castanea mollissima ont aussi l’avantage de résister à la maladie de l’encre (Phytophthora) et au chancre de l’écorce (Cryphonectria).

Ir. André Sansdrap

Wépion

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