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La vigne : de multiples variétés

qui régalent petits et grands de leurs baies

Au moment où la culture de la vigne connaît dans notre pays un engouement très important chez les amateurs de jardins, et où se créent de très grands vignobles à but commercial, il est opportun de se pencher sur l’identité des espèces et des innombrables variétés qui composent le vaste genre botanique Vitis.

Temps de lecture : 10 min

Après avoir évoqué les arbres fruitiers à pépins, à noyau et à fruits secs, nous abordons ici les vignes, des plantes dites « lianeuses » ou « sarmenteuses ». Chez ces plantes, les tiges pérennes sont flexibles et demandent d’être soutenues. Dans la nature, elles s’accrochent par des vrilles à d’autres plantes à ramure rigide, ou elles s’étalent au sol. Dans les cultures, elles sont palissées à une structure : par exemple un simple tuteur vertical, un réseau de piquets et de fils, une treille ou un mur.

Dans le monde de la vigne, deux « écoles » se dessinent : l’une, plus traditionnelle, opte pour les cépages Vitis vinifera, dont les techniques de culture et de transformation du raisin sont bien connues depuis des siècles. L’autre, qui se base sur des recherches effectuées depuis l’entre-deux-guerres principalement en Allemagne ainsi que dans d’autres pays d’Europe centrale, explore la voie des vignes hybrides interspécifiques. Elles présentent des avantages dans le contexte général de réduction d’usage de produits phytopharmaceutiques.

Plus encore que dans d’autres sous-secteurs de l’arboriculture fruitière, le choix du matériel végétal (variétés et sujets porte-greffe) doit ici être d’autant plus réfléchi qu’il représente des investissements très élevés et qu’il engage pour plusieurs décennies. Mais un certain nombre de questions n’ont pas de réponse précise : la longévité économique d’un vignoble et les répercussions de l’évolution du climat, par exemple.

Une famille très vaste

Le genre Vitis fait partie de la famille des Vitacées, qui comporte également plusieurs plantes ornementales : les Ampelopsis, les Cissus et les Parthenocissus (les vignes-vierges). Il compte une soixantaine d’espèces répandues dans les régions tempérées de l’Hémisphère Nord ; une trentaine en Amérique du Nord : du Sud du Canada au Mexique ; une autre trentaine en Extrême-Orient : Chine, Japon, Corée… et une espèce en Asie occidentale, dans le Sud-Est de l’Europe et en Afrique du Nord.

Ces vignes « vraies » du sous-genre Euvitis ont en commun leur nombre de chromosomes : n=19, 2n=38. Elles peuvent se croiser entre elles. Il existe aussi des variétés triploïdes (2n=57) ou tétraploïdes (2n=76).

Il existe encore un autre sous-genre : Muscadinia. Il compte trois espèces Nord-américaines ; leur nombre chromosomique de base est 20. Elles sont en réalité plus proches des Ampelopsis et des Parthenocissus que des vignes vraies. Elles ne peuvent être croisées avec des Euvitis.

Chez les espèces botaniques de Vitis, les sexes sont séparés (= plantes dioïques), tandis que chez la très grande majorité des variétés cultivées, les fleurs sont hermaphrodites ; quelques variétés sont uniquement femelles.

Nous nous limiterons aux espèces qui ont un intérêt pour la viticulture, soit pour la production de raisin, soit en intervenant dans des croisements en vue de créer des sujets porte-greffe ou des variétés nouvelles.

Vitis vinifera, diffusée par les Grecs et les Romains

Les botanistes distinguent trois sous-espèces, selon leur répartition géographique :

– Vitis vinifera sativa est la vigne cultivée, répandue dans tout le Bassin méditerranéen ;

– Vitis vinifera silvestris est la vigne sauvage que l’on rencontre dans le Sud et le Centre de l’Europe, dans l’Ouest de l’Afrique du Nord, en Palestine et en Turquie ;

– Vitis vinifera caucasica est présente dans le pourtour de la Mer noire, en Bessarabie, en Arménie, en Géorgie, au Turkestan et jusqu’en Iran.

Au départ de son lieu d’origine – probablement l’Arménie, le Caucase et la Géorgie – la culture de cette espèce s’est répandue dès l’Antiquité en Asie mineure, en Grèce puis dans l’ensemble du Bassin méditerranéen. En attestent de très nombreuses représentations sculptées ou peintes.

L’introduction de la vigne dans le Sud de la France (Pyrénées orientales, Marseille, Nice…) serait le fait des Grecs à la fin du 6e siècle avant notre ère ; les Romains l’auraient diffusée dans toute la zone méditerranéenne au 1er siècle avant notre ère puis en Gaule deux siècles plus tard : Bordelais, vallée du Rhône, et finalement plus au Nord, dans les vallées du Rhin et de la Moselle.

En ce qui concerne la Belgique actuelle, le document historique le plus ancien prouvant l’existence d’un vignoble, situé à Amay, date de 633-634 . Il s’agit du testament d’un personnage noble résident à Longwy, et qui possède aussi des vignobles dans la Moselle (voir les publications de J. Halkin en 1895, J. Martens en 1983 et G. Durieux et M. Vanel en 2013).

La vigne européenne : plus de 6.000 variétés

Vitis vinifera est par excellence notre espèce productrice de raisin. On en compte plus de six mille variétés ou cépages, à baies de teinte variable : blanches, vert-jaunâtres, roses, rouges, violacées ou noires.

La plante est sarmenteuse, très vigoureuse ; les rameaux contiennent une moelle abondante, sauf au niveau des nœuds. Les feuilles sont alternes, à 3 ou 5 lobes, à limbe glabre à la face supérieure, plus ou moins velu à la face inférieure. Chez les variétés à baies rouges ou noires, elles prennent en automne une coloration rouge. À l’opposé des feuilles, on trouve soit une vrille plus ou moins ramifiée, soit une inflorescence en grappe composée.

Sur un rameau formé l’année précédente, chaque bourgeon (= bourre) va donner naissance à un rameau feuillé (= sarment). S’il est de vigueur moyenne, il portera en face des feuilles soit des vrilles, soit à partir de la 3e à 5e feuille une ou deux inflorescences. Ensuite, le sarment ne porte plus que des feuilles.

Les fleurs sont petites, verdâtres, généralement hermaphrodites. Le calice est atrophié, la corolle à cinq pétales soudés forme un capuchon appelé « calyptre » qui recouvre l’ovaire et les cinq étamines. Il se détache et libère les étamines qui vont s’écarter de l’ovaire et se retourner en projetant le pollen vers l’extérieur. L’ovaire, à deux loges, est en forme d’urne. Il y a généralement autofécondation ; celle-ci peut être perturbée par différentes causes : fleurs mal formées, conditions climatiques défavorables…

Les fleurs fécondées évoluent en une baie de forme sphérique ou ovoïde, à épiderme coloré, à chair généralement jaunâtre, rouge chez les cépages dits « teinturiers », contenant un à quatre pépins riches en huile (sauf chez les variétés « apyrènes » par nature ou suite à des traitements hormonaux).

Les variétés sont classées selon leur utilisation : raisins de cuve, raisins de table, raisins à jus, raisins de conserve et raisins secs. Elles sont aussi classées selon leurs exigences climatiques : pour climat froid, moyen, chaud et très chaud.

Les vignes américaines, au secours de l’Europe

Au 19e siècle, l’introduction en Europe de l’oïdium (1845), du phylloxera (+/- 1860) du mildiou (1878) et du black-rot (1885) va bouleverser la viticulture traditionnelle (lire par ailleurs). Rapidement, des méthodes de lutte chimique (cuivre et soufre) ont été mises au point pour les cryptogames. Mais contre le phylloxera, un puceron dont la forme radicicole fait périr les racines de la vigne, il n’existait aucun moyen de lutte efficace d’un coût raisonnable.

Dès lors, en toute logique, certaines vignes américaines qui y étaient tolérantes furent introduites en Europe, soit pour servir de sujet porte-greffe, soit pour être utilisées dans des croisements avec les vignes européennes en vue de créer des « hybrides producteurs directs ». Ils sont actuellement soit interdits, soit en voie de suppression.

Les vignes américaines ont été croisées entre elles, puis avec des vignes européennes afin de créer, dans le premier cas des SPG, et dans le second des SPG et des cépages à cultiver greffés qui ont été appelés « hybrides interspécifiques ». Ils résultent de plusieurs croisements successifs, ce qui les distingue des hybrides producteurs directs qui sont une première génération hybride.

Quelques espèces

Vitis aestivalis : Est des U.S.A. ; plante vigoureuse à feuilles presque entière (=peu lobées) vert foncé, pubescentes ; supporte chaleur et froid ; pour sol caillouteux non calcaire ;

Vitis berlandieri : Mexique et Sud des U.S.A. ; vigueur moyenne, feuilles moyennes pentagonales vert luisant ; grappes petites à nombreuses baies noires ; pour sols chauds et secs peu profonds calcaires ; sélection ‘Planchon’ ;

Vitis labrusca : Nord-est des U.S.A. ; vigueur forte, très grandes feuilles entières ; grappes petites à 20 grosses baies blanches ou noires à goût musqué ; sols non calcaires frais et humides ; sensible au phylloxera ;

Vitis riparia : Nord des U.S.A. et Canada ; vigueur forte, feuilles petites à 5 lobes ; petites grappes compactes, baies petites noires ; sols frais alluvionnaires peu calcaires ; très résistante aux cryptogames et phylloxera. Sélection ‘Gloire de Montpellier’ = ‘Portalis’ ;

Vitis rupestris : Sud-est des U.S.A. ; vigueur faible ; feuilles petites plus larges que longues, vert glauque ; grappes petites à petites baies noires ; sol argileux ou caillouteux acide ou calcaire ; sélection ‘Rupestris du Lot’ = ’Monticola’ = ‘Saint-Georges’.

Quelques S.P.G. hybrides

Riparia x Rupestris : 3309 Couderc ;

Riparia x Berlandieri (ou l’inverse) : 420 AA Millardet et de Grasset – Teleki 8B et 5C – Kober 5BB et 125 AA – Rodrian SO4 ;

Rupestris x Berlandieri : 110 Richter – plusieurs hybrides pour climat et sol secs ;

Vinifera x Berlandieri (ou l’inverse) : 41B Millardet et de Grasset – 333 École de Montpellier – Fercal ;

Quelles vignes planter ?

Dans les jardins d’amateurs, trois systèmes de conduite peuvent être envisagés pour des vignes : une pergola, un espalier adossé à un mur ou un contrespalier, et une haie taillée en « Guyot » ou en « Royat ». Pour les détails techniques, lire Le Sillon Belge du 18 mars 2016.

Sur base de ce qui précède, on voit que le choix du matériel végétal à planter est très vaste, et que le choix est malaisé à faire.

Vinifera ou hybrides interspécifiques ?

Nos variétés traditionnelles de raisins de table et de cuve sont des Vitis vinifera dont la sensibilité au mildiou et à l’oïdium impose pendant la (belle ?) saison une répétition de traitements fongicides dont la fréquence dépend de la pluviométrie.

Les hybrides interspécifiques sont en majorité des raisins de cuve, mais certains ont aussi des qualités comme raisins de table ou à jus. La plupart sont à grains blancs ; il existe aussi des variétés apyrènes. Ils peuvent être cultivés sans traitements fongicides, ce qui pour l’amateur est un avantage indéniable. Nos vigne ‘Regent’ bouturées en 2007 n’ont jamais reçu de fongicides ; la seule attaque de mildiou s’est produite en 2017.

Vignes greffées ou franches de pied ?

Parmi les S.P.G. utilisés dans notre pays, le plus polyvalent est le SO4. On optera pour des vignes greffées si l’on veut cultiver des variétés de V.vinifera pour la production de raisin de cuve ou de table.

Si l’on opte pour des hybrides interspécifiques, outre des plants greffés, il est aussi possible de cultiver des vignes franches de pied (= sur leurs propres racines) qui ont été multipliées par bouturage ou marcottage, puisqu’il semble que dans les sols lourds et humides de notre pays, le phylloxera n’est pas à redouter. C’est le choix que nous avions fait en 2007.

Et l’évolution du climat ?

Elle est déterminante pour les choix à faire. Il est indéniable que la température moyenne annuelle s’élève et continuera à s’élever en Europe occidentale. Qu’en sera-t-il des épisodes extrêmes de froid, de chaleur et de sécheresse ? On les annonce plus fréquents, plus intenses et plus longs.

Quelles seront les conséquences d’étés plus chauds et d’hivers plus doux et plus humides sur le plan phytosanitaire (insectes en général, drosophile asiatique, phylloxera…) ?

Quelles répercussions la hausse de la température moyenne aura-t-elle sur la qualité du raisin : davantage de sucres ? moins d’acides ? date de récolte plus précoce ? Et d’autres questions encore…

Ir. André Sansdrap

Wépion

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