Accueil Archive

Chlorothalonil : un premier changement d’agréation

et ses conséquences

Un an et demi après sa réévaluation, l’agréation du fongicide Bravo a été renouvelée sous certaines conditions. Ce premier changement d’agréation ne concerne encore que la Belgique

et les produits Bravo et Bravo 500. D’autres fongicides

à base de chlorothalonil pourraient suivre le même chemin.

Temps de lecture : 6 min

En préambule, il est utile de rappeler que dès qu’une substance active est autorisée au niveau européen, les firmes phytopharmaceutiques sont en droit de déposer des dossiers d’homologation pour des produits contenant cette substance active, en vue de leur mise sur le marché.

Le dossier est déposé auprès des autorités d’un « état rapporteur » qui vont se charger de l’évaluer. Cette évaluation sera valable pour l’ensemble des pays situés dans la même « zone » que le pays rapporteur. L’Europe est divisée en 3 zones reprises dans le Règlement 1107/2009 et la Belgique fait partie de la zone centrale. Un produit agréé dans un pays peut ensuite l’être dans un autre pays au sein de la même zone par « reconnaissance mutuelle ». Dans le cas de la Belgique, les experts du Comité d’Agréation des produits phytos se chargent de prendre connaissance du dossier et de valider la reconnaissance mutuelle ou non.

Une fois le produit agréé, son autorisation de mise sur le marché court durant une période déterminée dans l’Acte d’agréation. Celle-ci ne pourra pas dépasser de plus d’un an la date de réévaluation d’une des substances actives contenues dans le produit. Passé ce délai, une réévaluation du produit est nécessaire. Elle est habituellement à charge du pays rapporteur. La firme devra alors choisir de défendre ou non le produit. Si elle souhaite renouveler son autorisation, elle devra déposer un nouveau dossier prouvant que le produit respecte toujours les critères de mise sur le marché (article 29, Règlement 1107/2009).

Un produit agréé de longue date…

Le Bravo a été agréé pour la première fois en cultures céréalières pour la Belgique le 18 mai 1979. C’est un produit de contact, à persistance courte et composé uniquement de chlorothalonil (500 g/l). Cette substance active est très utilisée car c’est une des rares molécules à posséder un mode d’action multi-sites. Grâce à cette particularité, jamais aucune résistance n’a pu être décelée dans les champignons phytopathogènes.

En froment, le Bravo est principalement utilisé dans la lutte contre la septoriose et pour la protection des autres molécules contre la résistance. Pour assurer une bonne efficacité, ce produit doit impérativement être placé préventivement, il est peu efficace lorsque la maladie est déjà présente.

Son usage est plus ancien que la Réglementation européenne datant de 2009. Il n’y avait donc pas d’Etat-membre rapporteur à l’époque de l’agréation de ce produit (encore sous l’ancienne Directive 91/414). C’est le cas de beaucoup de produits en Belgique et c’est pourquoi le Comité d’agréation des produits phytos se doit de tous les réévaluer un à un. En 2017 est arrivé le tour du Bravo.

… récemment soumis à de nouvelles conditions d’emploi

Les techniques de détection étant de plus en plus précises et les normes d’évaluation de plus en plus strictes, le produit risquait fortement de ne pas être renouvelé sur la base du dossier remis par Syngenta à l’époque. Des précisions ont été demandées par le comité d’agréation à la firme.

Après un an et demi d’évaluation, le renouvellement de l’agréation du Bravo a été approuvé en Belgique, mais sous certaines conditions :

– il est désormais limité à une seule application par an au lieu de 2 précédemment ;

– la dose maximale de 2 l/ha est conservée ;

– la zone tampon passe de 10 m avec technique classique à 10 m avec des buses à réduction de dérive de 50 % ;

– les stades d’application sont limités aux stades 39-59 (dernière feuille étalée – fin de l’épiaison). Le Bravo ne peut désormais plus être appliqué en T1 (stade 32 – 2e nœud).

Le produit est passé sous le crible pour différents critères : analyse physico-chimique, toxicologie, biologie, résidus, écotoxicologie et enfin, devenir et comportement dans l’environnement.

Pour ce dernier critère, les experts du comité d’agréation ont fait tourner des modèles leur permettant de prédire l’évolution du produit et de ses métabolites dans l’environnement. Sous un usage comme autorisé jusqu’alors, ils ont prédit une accumulation trop importante d’un métabolite non pertinent du chlorothalonil dans les eaux souterraines (>10 µg/l). Un changement dans les critères d’utilisation était donc nécessaire pour réduire l’impact du produit sur l’environnement.

Ces changements sont actuellement en vigueur pour les produits Bravo et Bravo 500. Ces mesures ont également été appliquées pour des produits nouvellement mis sur le marché et contenant du chlorothalonil : Divexo, Perseo, Proceed et Spirodor.

En parallèle, le chlorothalonil est en cours de révision au niveau des autorités européennes. Le statut de cette substance active pourrait donc changer d’ici quelques années.

Dès lors, deux questions majeures se posent :

– par quoi remplacer ce produit en T1 ?

– son application au stade 39 et au-delà est-elle toujours pertinente ?

Le Centre wallon de recherches agronomiques s’est penché sur ces deux questions pour tenter de trouver des pistes de réponses.

Par quoi remplacer le chlorothalonil en premier traitement (T1) ?

Comme expliqué plus haut, la substance active chlorothalonil, contenue dans le Bravo, est un produit de contact multi-sites. Il est habituellement conseillé de le placer au moment du T1, les traitements au stade 32 (2e nœud) étant favorables à l’utilisation de cette substance active. En effet, elle peut ainsi être placée préventivement et renforcer l’efficacité des triazoles souvent également appliqués à ce stade. Un produit multi-sites est maintenant toujours conseillé dans un schéma de traitement fongicide afin de retarder l’apparition des résistances aux produits à mode d’action uni-site.

C’est pourquoi le Cra-w s’est penché sur d’autres candidats multi-sites pour remplacer le chlorothalonil en T1. Ainsi, le mancozèbe (Dequiman), le soufre (Cosavet) et le folpet (acquis récemment par d’Adama) ont fait l'objet d'investigations durant l’année 2018.

Bon à retenir de l’expérimentation menée

Le Bravo et le Bravo 500 ne vont plus pouvoir être appliqués en T1 (stade 2e nœud). Pour l’instant, d’autres produits contenant le chlorothalonil sont toujours autorisés aux stades précoces mais il est fort probable que leur agréation évolue de la même manière que le Bravo lors de la réévaluation de leur dossier.

D’autres candidats peuvent être appliqués en T1 pour remplacer le chlorothalonil. Le mancozèbe et le soufre semblent pouvoir relever ce défi. Le folpet est un peu en retrait mais constitue également une alternative utile. Ne serait-ce que pour retarder l’apparition de résistance, l’usage d’un multi-sites reste nécessaire.

Le chlorothalonil au stade dernière feuille est-il encore pertinent ?

L’action multi-sites du chlorothalonil se prolonge au-delà de ce qui est perceptible au champ. Cette molécule est capable de lutter contre n’importe quelle souche de septoriose même résistante à d’autres produits (uni-site).

Pour prouver son intérêt, le Cra-w a regroupé des essais venant de Suède, du Danemark et de Belgique (2017 et 2018). Ces données proviennent du projet européen dans lequel le Cra-w est actif. Ce projet Euro-RES vise à surveiller l’évolution des résistances chez la septoriose notamment par des prélèvements de l’inoculum aérien et de mettre en place des systèmes permettant de ralentir l’apparition de ces résistances.

Bon à retenir de l’expérimentation menée

Il en ressort qu’il demeure pertinent de continuer à utiliser le chlorothalonil au stade dernière feuille. Cette substance active permet de donner un coup de pouce au produit uni-site appliqué en même temps que ce multi-sites. Cette constatation est d’autant plus vraie que la réduction de dose est appliquée au produit uni-site.

Enfin, le chlorothalonil est efficace pour ralentir l’apparition des résistances au champ. Il est donc vivement conseillé de l’appliquer au stade 39, surtout si aucun multi-sites n’a été appliqué au stade 32.

D’après Charlotte

et Maxime Duvivier

,

Cra-w, dans Le Livre Blanc,

février 2019

La Une

Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs