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1 bœuf = 200 poulets

Temps de lecture : 4 min

La viande n’a pas bonne presse, et c’est peu de le dire… Inutile de vous en tartiner une couche supplémentaire sur la tranche, vous l’avez déjà goûté ! Mais pourquoi donc ? Toutes sortes de raisons sont invoquées, plus ou moins justifiées, plus ou moins fallacieuses : santé des consommateurs, émission de gaz à effet de serre, gaspillages de ressources naturelles, destructions d’écosystèmes, bien-être animal. Est-ce devenu une fatalité ? Existe-t-il des pistes de réflexion susceptibles dégager des solutions durables pour l’agriculture de demain ?

Notre société se conduit comme un troupeau de poules : quand l’une est blessée ou malade, les autres s’acharnent sur elle, s’amusent à la poursuivre pour la faire souffrir encore davantage. L’agriculture saigne de partout et perd ses plumes, sans pouvoir se défendre. Dans les forums de consommateurs, pro-viandes et anti-viandes se disputent notre dépouille et se font face comme des coqs en rut, ergots dressés et becs agressifs. Trop peu de gens cherchent à dialoguer sereinement pour chercher un équilibre. Les comportements humains s’inspirent trop souvent des lois de la basse-cour : on suit bêtement les courants dominants, et on laisse parler son côté prédateur…

Dieu merci, au cœur du flux d’informations et de déclarations, quelques rares discours ne se limitent pas à de stupides caquètements de poulets énervés. Parmi les défenseurs de la cause animale, il existe des gens de bonne volonté qui réfléchissent et pèsent leurs mots. Leurs idées originales ne manquent pas de piquant. Ainsi, Tobias Leenaert est cofondateur de l’EVA (éthique végétarienne alternative) et donne des conférences sur le véganisme, dans le monde entier. Il a sorti dernièrement cette vérité toute bête : en termes de viande, 1 bœuf représente environ 200 poulets de chair. On peut continuer son calcul : 1 bœuf = 12 cochons = 20 moutons = 400 cailles = 2.500 petits poissons = 25 à 35.000 crevettes. Selon lui, c’est tout de même un moindre mal de mettre à mort un seul individu, plutôt que d’en sacrifier des dizaines, des centaines, des milliers, pour obtenir la même quantité de viande, de protéines animales de grande qualité.

Le végétarisme intégral est-il durable ? Selon lui, tel n’est pas le cas, et c’est un végan qui parle ! Toute l’animation de l’agriculture doit être revue. Actuellement, les cycles agricoles sont « ouverts », dit-il, avec un gaspillage scandaleux des productions agricoles, des mouvements commerciaux déraisonnables, désastreux pour les équilibres naturels. Des protéines industrielles sont produites à un bout de la Terre, transportées à des milliers de kilomètres pour nourrir des animaux dans des camps de concentration, dont la viande est à son tour exportée à des milliers de kilomètres. Le fumier de ces animaux ne retourne pas à la terre qui a servi à les nourrir, et pollue l’endroit où il a été rejeté : les cycles sont ouverts ! Dans l’agriculture circulaire de demain, l’élevage aura un rôle important à jouer, mais il est impératif d’intégrer chaque cycle agricole dans un périmètre limité. Les bovins, porcs et poulets européens tendent le cou de l’autre côté de l’Atlantique, et lèvent la queue ou le croupion en Europe. C’est totalement aberrant!!

Une agriculture de recyclage doit relier LOCALEMENT les chaînes de production de l’agriculture arable et de l’élevage. Les flux résiduels d’une chaîne deviennent des matières premières pour l’autre et inversement. De cette manière, une population mondiale croissante peut également être nourrie sans épuiser la planète. Notre planète compte environ cinq milliards d’hectares de terres agricoles, dont trois milliards et demi de prairies, soit 70 % de la SAU mondiale. Parmi celles-ci, seule une faible partie pourra être cultivée. Les herbivores sont dès lors indispensables pour tirer parti de ces surfaces, si l’on veut nourrir les neuf milliards d’humains attendus en 2050. Les animaux doivent être élevés avec des produits indigestes pour nous, afin de les transformer en aliments que nous pouvons digérer.

En fait, la seule agriculture durable dont parle ce spécialiste de l’alimentation mondiale, ressemble furieusement à l’agriculture paysanne telle qu’elle était pratiquée autrefois. Il s’agissait d’une agriculture circulaire, où les meilleures parcelles servaient à produire des céréales panifiables, des pommes de terre et des légumes. Des herbivores, bovins et moutons, broutaient les prairies et les landes difficiles à labourer. Ils mangeaient les résidus de récolte, nettoyaient les terrains ; leur litière, paillée en hiver, devenait du fumier qui fertilisait les terres de culture. De même, les cochons et les poulets étaient nourris de déchets, de rebulet de blé, d’eau de vaisselle, de petit-lait, d’épluchures de patates et de légumes. Les animaux produisaient de la viande, du lait, des œufs, de la laine, et même de la force de traction.

Le rôle du bétail est d’aider à fermer les cycles, mais une forte concentration et une production hors-sol industrielle ne respectent pas du tout cette fonction. C’est pourquoi l’agriculture d’élevage d’aujourd’hui n’est pas du tout soutenable : les animaux souffrent et meurent inutilement, tristement, affirme les défenseurs de la cause animale. Dans une agriculture circulaire de recyclage, locale et durable, les éleveurs et leurs bêtes retrouvent toute leur dignité ; ils peuvent accomplir pleinement leurs indispensables fonctions en toute pertinence et pondération.

Et si 1 bœuf nourri aux herbes locales = 200 poulets nourris au soya sud-américain, 1 BBB en vaut 300, ce qui le rend encore plus sympa et écologique !

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