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Quand la viande poussera

dans les labos et dans les champs

Temps de lecture : 4 min

Naguère, le scandale des steaks hachés polonais a défrayé la chronique, ces burgers vendus en France à des restos du cœur, et constitués de choses moulues appelées «viande ». Il y avait tromperie sur la dénomination, et de surcroît, cette marchandise était écoulée dans des filières caritatives : émoi garanti dans notre population bien pensante ! Et si demain, cette forme de nourriture devenait la norme ? La «viande » partiellement ou entièrement végétarienne gagne des points chaque jour, et d’ici vingt ans, 60 % des produits dits carnés ne proviendront plus d’animaux abattus ! Info ou intox ? Vérité incontournable, ou lobbying intensif pour conditionner dès aujourd’hui les consommateurs de demain ? L’industrie agroalimentaire a d’ores et déjà planifié une réduction massive de l’agriculture d’élevage : tous les voyants clignotent au rouge dans ce sens !

La lecture de certains articles donne froid dans le dos, car ils expliquent la logique implacable de la mise en place d’un mode émergeant de consommation, où la viande issue d’animaux ne représentera plus qu’une portion congrue de nos apports en protéines. Pourtant, tout le monde (ou pratiquement) est terriblement friand de viande. Rien ne vaut un bon morceau de chair tendre, et cet arrière-goût de sang qui réjouit vos papilles carnassières ! Pour obtenir semblable met de choix, – oh mais zut ! –, il faut tuer une créature vivante du bon dieu, la faire souffrir ! Et puis, sapristi, cela pollue, ces bestiaux, cela consomme des céréales et de la bonne nourriture dont on pourrait faire du pain ou des potages. Affreux dilemme ! On raffole de viande, mais on ne veut plus de veaux, vaches, moutons, cochons, couvées… Alors, comment faire ?

L’industrie et tous les petits malins des laboratoires de l’agroalimentaire ont résolu le problème. Il suffit de cultiver la viande en laboratoire, à partir de cellules-souches que l’on fait évoluer en tissus musculaires, donc en «vraie » viande ! Or donc, le hamburger de 2040 sera constitué en moyenne de 35 % de cette viande de culture, de 25 % d’origine animale, et de 40 % de substituts végétaux (soja, céréales, etc.). Il aura le goût, la texture, la valeur nutritive d’un honnête steak haché de bœuf d’aujourd’hui, et tout le monde sera content, assurent les promoteurs de cette future alimentation. J’espère de tout cœur qu’ils se trompent, et que cet infâme brouet de sorcière ne sortira jamais de leurs chaudrons. Hélas, tout porte à croire que cette utopie deviendra un jour réalité, à l’image de toutes ces technologies jugées autrefois invraisemblables, et qui font aujourd’hui partie de notre quotidien : la télé, l’informatique, les smartphones, les voyages dans l’espace, les robots, etc, etc.

Ce genre de nourriture gagne chaque jour des parts de marché, et c’est peu de le dire. Des milliards de dollars sont investis dans des sociétés comme Beyond Meat, une start-up entrée en bourse en mai dernier, et qui a déjà doublé sa part de marché depuis lors !

Et savez-vous qui place son argent dans ce créneau, semble-t-il très prometteur ? Des entreprises actives dans le secteur de la viande traditionnelle ! On se rend compte, une fois de plus, que l’argent mène le monde. Il suffit qu’une société présente dans un secteur très prometteur suscite les fantasmes de spéculateurs, et elle décroche un milliard en bourse ! Évidemment, un tel pactole apporte d’emblée beaucoup d’eau au moulin… La haute finance dispose de trésors qui auraient fait pâlir d’envie le roi Crésus, des réserves telles qu’elles peuvent se permettre de spéculer vers des horizons de rendement de dix-quinze-vingt ans. Ces commerçants-là, ces sociétés-là qui gagnent aujourd’hui sur notre dos des sommes affolantes, inimaginables, scandaleuses, dans le secteur de la viande animale, fabriqueront ou vendront demain cette « viande » artificielle, sans le moindre remords, ni le moindre regret pour l’agriculture d’élevage anéantie.

Les grands spéculateurs et les géants de l’agroalimentaire ont l’avenir de nos élevages entre leurs mains. N’imaginons tout de même pas qu’ils auront la larme à l’œil quand ils seront arrivés à leurs fins, quand ils gagneront des milliards d’euros, de dollars, de yuans ou de yens, à produire et commercialiser leur «délicieuse » viande artificielle.

Ce temps-là n’est peut-être plus très éloigné…

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