Nous sommes 5 betteraviers qui se sont mis autour de la table et ont pris le temps pour comprendre, décortiquer et analyser nos comptes respectifs betteraves de 2020 et pouvoir en tirer des enseignements.
En 2016, dernière année quota, notre betterave nous a été payée à 26,29 euros la tonne à 16 % de richesse et à la référence de 404 euros, prix de vente de la tonne de sucre ; à cela s’ajoutait la valeur pulpe de 3,15 euros. Soit ramené à 18 % de richesse comme actuellement, cela fait 31,022 euros/t + pulpes = 34,1722 euros à la même référence de vente de sucre.
Nous sommes tous les 5 d’accords pour considérer au préalable que les primes hâtives, tardives et indemnité de bâchage ne sont pas des éléments de détermination de la valeur d’achat de notre betterave contrairement à ce que le sucrier prétend. Ce ne sont que des artifices qui permettent à l’industriel de faire travailler plus longtemps ses usines. Le projet CoBT nous a démontré la plus-value engrangée d’un travail de 5 jours supplémentaires de campagne. Plus-value à ce jour non partagée entre l’industriel et le planteur.
De plus, plus de la moitié des fournisseurs de la RT, le font en un ou deux passages en planning. La grande majorité de ceux-ci n’est donc pas concernée par les primes et indemnité. Ce qui est certain par contre, c’est que 100 % des livranciers sont concernés par la pénalité tare terre qui anéantit très souvent les primes et indemnités, quand il y en a. Cette pénalité doit encore être déduite du paiement de notre tonne de betterave.
Revenons au prix de base de 2016 de 34,1722 euros comparé au prix de base (selon la grille RT) pour 2020 à 18 % de sucre, pulpe comprise, de 22,03 + 2,25 de supplément de prix + un bonus de 5,65 euros sur 70 % du contrat de base (soit 3,96 euros) : pour un total de 28,24 euros la tonne de betterave. Soit pas moins de quelques 6 euros en moins qu’en 2016 malgré nos coûts de production qui n’ont pas cessé d’augmenter. QUID pour 2021, inflation, coût du diesel, coût des engrais à la hausse…
Rappelons que le bonus est attribué selon le bon vouloir de l’industriel qui vérifie avant de l’attribuer, en juin de l’année suivante de production, si vous avez emblavé au minimum la même quantité de contrat de base. Tous les planteurs ne l’ont pas nécessairement touché ; n’est ce pas révélateur d’une pratique inacceptable de domination ; n’est ce pas une façon déloyale de museler les planteurs. Pire aussi, le hors contrat est payé 10 euros de moins que le contrat de base alors qu’à la vente de sucre de celui-ci est le même.
Et dire, que l’industriel se dit notre partenaire.
Nous vous invitons à comparer vos coûts de production (euros/ha) de votre culture à la moyenne de nos 5 exploitations :
– engrais organiques fumier, écumes) : 169,86
– engrais de fond réparti sur la rotation + épandage : 144,00
– engrais vert + implantation et broyage : 48,66
– labourer : 60,00
– N liquide : 62,4
– Travaux de sol + préparation semis : 75,00
– semences + semis : 371,44
– herbicide (année difficile) : 284,28
– insecticide : 66,90
– fongicide : 46,82
– binage sur 1/5 de la surface : 12,97
– main-d’œuvre rasette : 84,00
– arrachage : 275,00
– 9 passages pulvé + centrifuge : 160,00
Total : 1.891,33 euros/ha
A cela doit s’ajouter les frais fixes répartis sur tous les hectares de la ferme :
– assurance ferme +matériel+grêle+ RC agricole : 18,75
– analyse terre : 8,86
– securex accidents : 5,93
– intérêts crédits : 83,00
– eau : 2,90
– électricité : 17,35
– taxe environnement + Afsca : 3,10
– fermage moyen : 278,00
Soit 417,89 euros/ha
Coût de revient = 2.309,22 euros l’hectare de betterave
Seul point ou n’avons pas réussi à nous mettre d’accord est sur la rémunération à l’hectare à s’octroyer pour le suivi agronomique, pour la gestion administrative et la gestion financière : 50,00 euros pour certains et 100,00 pour d’autres.
Nous constatons que les coûts de production de la culture de betteraves dans nos 5 fermes sont similaires aux comptabilités de gestions reconnues.
Si on tient compte de notre rémunération minimale et de la pénalité tare terre, on peut ajouter +/- 100, euros.
Résultat des courses +/- 2.409,22 euros à l’hectare soit +/- 85,1 tonnes de betteraves à 18 % de richesse pour couvrir ses frais de productions et ne rien gagner !
À ce tarif, doit-on encore cultiver de la betterave ? Pour la cinquième année consécutive, le sucrier nous rebat les oreilles pour nous dire que la rentabilité va s’améliorer !
Autres avis et réflexions émis entre nous que nous voulons partager : nous n’acceptons plus le silence radio de nos représentants betteraviers qui manipulent et manigances tout, en petit comité, sans jamais plus consulter leur base. Auraient-ils oublié qu’ils ne sont que les portes-parole des planteurs ? Doivent-ils toujours se comporter comme les défenseurs de la RT ? Le chantage d’une fermeture d’une usine si nous plantons moins de betteraves est inacceptable. Le prix et rien que le prix, nous décidera à semer de la betterave dans nos exploitations.
Il se dit dans nos campagnes, que la présidence de la CBB, devait revenir à un planteur du Hainaut ? Il n’en est rien, soutenu sans doute par la RT, c’est la troisième présidence consécutive d’un planteur RT au niveau national.
Nous ne sommes plus d’accord de convertir nos obligations de 13,35 euros/t de sucre à 18 % vers SZVG. À quoi bon investir dans une société qui ne nous procure aucune rentabilité de la culture depuis plus de quatre années. Nous serons aussi attentifs pour que les votes organisés prochainement dans les réunions de cercles de membres SopabeT ne soient plus, comme lors du premier vote, une véritable mascarade. Ceci pourrait être un signal fort pour faire comprendre à la RT que ce n’est plus possible de faire de la betterave dans nos fermes avec de telles conditions d’achat. Nous pourrions être remboursés de nos participations (voir Le Betteravier) si seulement si Sudzuckerferme leurs deux usines et quid si une seule fermeture ?
Nous souhaitons aussi que les porteurs du projet CoBT s’expliquent sur l’échec du projet ; à qui la faute et pourquoi alors que, pour nous, tout semblait réuni pour réussir ?
Nous signons l’article par nos 5 prénoms car il ne fait pas bon d’oser dire ce que l’on pense.
Nos représentants ainsi que l’industriel préfèrent les moutons dociles : produis et tais-toi !
Nous rêvons que le dynamisme et l’aura dégagé par la CoBT puisse perdurer et déclencher un sursaut chez les fermiers pour retrouver un peu de grandeur et de dignité dans notre profession.
La devise de notre petite Belgique n’est-elle pas « L’Union fait la Force » ?
Bernard, Philippe,
Joseph, J-M et Jacques