En élevage, tout système peut être appelé outil d’aide à la décision (OAD) s’il permet de prévoir ou de contrôler la gestion à court terme ou de repenser l’orientation de son système d'élevage en procurant des indicateurs associés à un modèle d’interprétation, qu’il soit informatisé ou non.
Mais un Outil d’Aide à la Décision (OAD), c’est quoi ?
La science des OAD se développe peu après la deuxième guerre mondiale avec les premiers modèles de prédiction informatisés. Vu la technicité grandissante nécessaire en élevage, l’espoir était qu’ils deviennent pour l’éleveur un conseiller disponible en tout endroit et à tout moment. L’idée était certes attirante mais les résultats se sont révélés décevants : la distance entre théorie et pratiques agricoles a souvent freiné les éleveurs dans l’utilisation de ces outils. Face à ce manque d’adoption, les stratégies évoluent du côté de l’offre technique. Au départ de modèles strictement informatiques, ces outils évolueront vers tout type de systèmes, incluant des objets ou des formats papiers. L’idée est de guider la prise de décision plutôt que de fournir la décision dite « optimale ». C’est un premier pas vers une reconnexion aux modes de gestion pratique ou savoir-faire des éleveurs et conseillers. Parallèlement, ces dernières années, la révolution numérique entraîne en agriculture la création d’OAD de plus en plus automatisés bouclant le cycle de la prise d’information (capteurs) à la prise de décision (traite automatisée par exemple).
De nombreux OAD existent !
Deux échelles de temps peuvent être considérées lors de la prise de décision : une échelle opérationnelle et tactique, à court terme, et une échelle stratégique avec une vue à plus long terme de l’orientation de l’exploitation (Fig. 1.). De manière prévisionnelle, les outils peuvent aborder la question du choix des fourrages à implanter (mélanges prairiaux, choix d’inter-cultures fourragères, …), de la fertilisation, de la gestion du pâturage ou encore du moment optimal de récolte. Outre cela, certains outils permettent d’approcher la question de l’allocation optimale des fourrages au troupeau par la réalisation d’un bilan fourrager. Enfin, certains outils permettent d’adapter la complémentation en concentrés à la ration fourragère de base (tableur de ration) et d’orienter la génétique du troupeau de manière à s’adapter au système en place. L’éleveur peut ensuite contrôler l’effet des actions mises en place (gestion rétrospective). Par exemple, l’alimentation du troupeau peut être évaluée à l’aide d’indicateurs liés à la production laitière (taux TB/TP et taux d’urée), d’indicateurs de santé animale ou de performances (efficience d’utilisation des concentrés). Des bilans annuels peuvent également être réalisés pour faire le point sur l’entièreté de la campagne réalisée. Ceux-ci sont notamment introduits au sein de certaines comptabilités agricoles. En résumé, une offre très diversifiée d’outils existe déjà, agissant à différents niveaux et disponibles en différents formats.
Et en Wallonie ? Enquête sur leur utilisation réelle dans notre région
Le coût et le temps sont à la fois des freins et des leviers
Intérêt et encadrement à disposition
Créer des OAD plus efficaces: aller de l’incompréhension à la création d’un « langage commun »
Les acteurs du monde agricole sont confrontés, à l’émergence de nombreuses techniques et équipements pleins de promesses. Certains, notamment l’herbomètre, semblent pertinents pour optimiser la valorisation de l’herbe pâturée. Comme le montre notre étude, les éleveurs laitiers font le plus souvent appel à des indicateurs simples plutôt qu’à des modèles informatiques et/ou des outils automatisés. Au-delà des coûts et de la charge de travail, nous pensons qu’il existe également un problème dans l’approche-même de conception des OAD : la distance trop importante entre les agriculteurs et les concepteurs de ces dispositifs. Concernant certains OAD, le manque de communication, de « langage commun », est réel.
En effet, pour qu’un outil puisse être utile, il doit accompagner les pratiques de l’utilisateur. Autrement dit, le savoir-faire doit être préservé et valorisé. Nos entretiens avec certains membres de la filière mettent cela en avant. En parlant de la pousse de l’herbe, un conseiller nous confie notamment son questionnement face à ces outils qui essayent de « faire le bonheur des éleveurs malgré eux ». Les éleveurs utilisent, selon lui, « leur bon sens lorsqu’ils voient leurs vaches et leurs prairies », grâce à leurs connaissances intimes de leurs prairies. Il y a « autant de variantes que d’éleveurs », ce qui motive la création d’outils adaptables ou de plusieurs outils en fonction des affinités de chacun. Au lieu d’étudier « comment améliorer l’adoption d’outils d’élevage existants ? », nous nous demandons donc « comment concevoir des outils de manière plus efficace et correspondant mieux aux pratiques et attentes des éleveurs ?».
Cra-w
