L’intérêt de fertiliser au plus près du plant
La culture de pomme de terre occupe une part importante et croissante du paysage agricole wallon. Les APL, mesures des résidus d’azote potentiellement lessivables présents dans le sol en automne, sont généralement plus élevés que ceux observés pour d’autres cultures. De plus, en cas de contrôle, les taux de conformité figurent aussi parmi les plus faibles.
Généralement, la fertilisation de la pomme de terre est réalisée de façon généralisée sur toute la parcelle, avant la plantation. Désormais, l’innovation mécanique permet de fertiliser la pomme de terre localement dans la butte lors de la plantation. Compte tenu du faible développement racinaire et de l’écartement (75 ou 90 cm) entre deux rangs de pommes de terre, la possibilité de localiser l’apport d’engrais dans la butte pourrait laisser la possibilité de réduire la fertilisation azotée.
En 2021, une première expérimentation a démontré qu’une réduction de 20 % des apports d’engrais azotés permettait d’obtenir le rendement économique maximum, ainsi qu’une diminution de l’impact environnemental. La météo extrêmement humide de cet été-là a eu un impact sur les résultats. L’essai mené en 2022 s’inscrit dans la suite logique de celui de l’année dernière.
Un double objectif, sous deux angles
L’essai à pour double objectif de comparer deux modes de fertilisation et d’évaluer la pertinence d’une réduction et/ou d’un fractionnement de l’apport azoté sous les angles économique et environnemental.
Deux paramètres ont été modulés au cours de l’expérimentation : le mode de fertilisation et la dose appliquée. Deux types d’engrais ont été comparés : l’engrais solide N27 et la solution azotée N39. Cinq dosages ont également été appliqués : 0 (témoin), 60, 80, 100 et 120 % de la dose, définie par le conseil de fertilisation. Une modalité généralisée et fractionnée a également été testée, avec un apport de 70 % de la dose conseil avant la plantation et un complément de 30 % en cours de croissance.
Côté rendement…
Les rendements des objets fertilisés en localisé avec 80, 100 ou 120 % de la dose conseil sont statistiquement comparables. Le même constat est fait pour les objets fertilisés en généralisé. En tenant compte d’un prix de vente de 200 € par tonne de pomme de terre (> 35 mm) et d’un coût d’environ 800 € par tonne d’engrais (N27), soit environ 3 € par unité d’azote, quels sont les enseignements ?
Dans la partie fertilisée en localisé, le rendement économique n’est statistiquement pas affecté par la fertilisation. Le rendement économique maximum moyen est observé avec 80 % de la dose conseillée. Celui-ci s’élève à 10.600 € par hectare.
Dans la partie fertilisée en généralisé, le rendement économique n’est statistiquement pas affecté par la fertilisation. Le fractionnement de l’apport d’engrais, avec suivi au chlorophyllomètre, a conduit à une diminution du revenu. Il a été estimé à 7.270 €/ha contre respectivement 7.970 et 8.660 €/ha dans les objets fertilisés avec 70 et 100 % de la dose conseil. Les conditions météorologiques de cet été n’ont pas permis à la pomme de terre de valoriser le complément de 30 %. Le rendement économique maximum (8.730 €/ha) a été observé avec une dose correspondant à 120 % de la dose conseil.
Côté environnemental…
Des mesures de reliquat azoté (APL) ont été réalisées dans chaque parcelle expérimentale le jour de la récolte en 2022.
Dans la partie fertilisée en localisé, le reliquat moyen observé dans les parcelles fertilisées avec 80 % de la dose est de 69 kg d’azote nitrique par hectare, soit environ la moitié de ce qui est observé dans les placettes fertilisées à 100 % de la dose conseil.
Dans la partie fertilisée en généralisé, le reliquat moyen observé dans les parcelles fertilisées à 100 % de la dose est de 76 kg d’azote nitrique par hectare. Il est similaire à celui observé pour la modalité à 80 % et logiquement inférieur à celui relevé pour celles à 120 % (136 kg d’azote nitrique par hectare).
Une même conclusion pour deux ans d’essais
Lors d’un apport généralisé d’azote, le conseil de fertilisation est approprié. Une fertilisation plus importante n’engendre que très peu de gains et conduit à une augmentation sensible du reliquat azoté. Lors d’un apport localisé d’azote, la fertilisation peut être réduite de 20 %. En effet, en comparaison à la dose recommandée par le conseil de fertilisation, le rendement économique augmente et le reliquat azoté à la récolte diminue sensiblement. Cet essai confirme les premières observations de 2021 sur le sujet et l’intérêt de fertiliser au plus près du plant de pomme de terre.
Protect’eau