« La domination russe va perdurer »
Le marché mondial du blé connaît une « domination russe », rendue « nécessaire » par les faibles disponibilités des autres grands exportateurs en 2023-2024. C’est ce que souligne la société française de conseil Agritel.
« La domination russe va perdurer, a déclaré le 24 août le chef analyste Alexandre Marie, lors d’une conférence de presse. Elle est nécessaire, vu l’équilibre précaire du marché » du blé à l’échelle internationale.
Des exportations record
La Russie dispose d’une offre abondante sur l’actuelle campagne, proche du record de l’an dernier avec une production de 87,5 millions de tonnes (Mt) de blé et un stock de 17,4 Mt.
Ses exportations sont attendues à 49 Mt, du jamais vu. Cela représente environ un quart du commerce mondial, d’après Agritel. Le leadership du blé russe est accentué par une baisse de production des huit principaux exportateurs mondiaux, à 374,7 Mt (-23 Mt sur un an). Un déclassement en qualité fourragère est signalé en Europe continentale et en Chine, à cause des pluies, comme en Ukraine où s’ajoute un manque de fertilisation azotée.
Autre élément de « fragilité » du marché, selon Alexandre Marie, l’origine mer Noire pèse environ 40 % du commerce international de blé. « Le risque géopolitique est majeur » dans cette zone, théâtre de la guerre entre Russie et Ukraine. La mer Noire voit 31 % de ses capacités d’export à l’arrêt (notamment le port d’Odessa : 4,5 Mt/mois de potentiel), 54 % à risque avec l’escalade des tensions, d’après ses chiffres.
« Résilience » des céréaliers ukrainiens
L’expert relève par ailleurs la « grande résilience » des céréaliers ukrainiens, Agritel évaluant à 20,5 millions de tonnes la production ukrainienne de blé pour 2023-2024, contre 21,5 Mt la campagne précédente et 33 Mt en 2021-22, avant l’invasion russe. Des voies alternatives ont certes été développées par l’Ukraine, grâce à la logistique terrestre (route et chemin de fer : 0,35 Mt/mois) et fluviale (1,3 Mt/mois).
Mais les exportations du pays restent tributaires d’une reprise de l’accord russo-ukrainien sur le transport de céréales en mer Noire, expiré le 17 juillet. À cette instabilité géopolitique s’ajoute une dégradation des perspectives de récolte dans l’hémisphère sud.
La France semble pouvoir tirer son épingle du jeu, avec une production estimée à 34,8 Mt de blé tendre, dont au moins « 17 M disponibles pour le marché export ». « Ces derniers jours, le blé français redevient compétitif par rapport au blé russe » – qui subit une hausse des primes d’assurance liées au conflit armé –, note Alexandre Marie.
Avec l’espoir d’une reconquête des marchés traditionnels en Afrique du Nord, et de potentiels achats de 1,15 Mt par la Chine, qui a vu ses disponibilités de blé meunier chuter après des pluies. Vers l’Algérie et le Maroc, Agritel chiffre les exportations françaises 2023-2024 à respectivement 2,3 Mt (contre 1,76 Mt en 2022-2023) et 2 Mt (contre 2,82 Mt).