Accueil Archive

Qu’advient-il du bail à ferme établi entre celles-ci ?

Fréquente est la question de savoir ce qui peut bien advenir d’un bail à ferme lorsqu’un bailleur ou un preneur décède : le bail se poursuit-il ou prend-il fin ? La question est somme toute légitime et la loi sur le bail à ferme, appuyée par les dispositions du Code Civil, y répond adéquatement. Il est proposé de « saucissonner » la réponse en considérant, d’une part, l’hypothèse du décès du bailleur et, d’autre part, celle du décès du preneur.

Temps de lecture : 7 min

C’est le Code Civil, en son article 1742, qui nous apprend que le contrat de louage (entendez « location ») ne se résout pas par le décès du bailleur. Les choses sont donc dites, et de façon claire de surcroît : lorsque le ou les bailleurs vien(nen)t à mourir, la propriété des biens loués revient à leur(s) héritier(s) qui doi(ven)t respecter les obligations liées au bail né antérieurement au décès. En d’autres termes, encore, le ou les héritier(s) deviendra/ont le ou les bailleur(s) du preneur. Indépendamment de la tristesse qu’occasionne tout décès, celui du bailleur n’affecte donc EN RIEN la situation du preneur à ferme.

Quand meurt le preneur…

Le décès du preneur appelle une réponse plus complexe, dépendante de la composition familiale du preneur décédé. Le principe de départ veut que le décès du preneur ne met pas fin au bail. C’est ce qu’énonce l’article 38 de la loi sur le bail à ferme : « En cas de décès du preneur d’un bien rural, le bail continue au profit de ses héritiers ou ayants droit, à moins que congé ait été donné par le bailleur ou par ses héritiers ou ayants droit dans les conditions déterminées ci-après ». Ainsi, le décès du preneur induira la poursuite du bail au profit de son ou de ses héritier(s). On hérite en fait d’un droit au bail, au même titre qu’on peut hériter de n’importe quel autre bien de la succession. On peut donc dire que le droit au bail fait partie de l’actif successoral. Une seule exception existe au principe à cette transmission « automatique » : le bailleur peut donner congé (dans l’année qui suit le décès) à l’héritier pour autant qu’il se soit réservé cette faculté dans le bail (suppose donc un écrit) et que l’héritier ne soit pas un parent visé à l’article 39 (descendant, etc etc.).

Le preneur décédé n’a qu’un seul héritier, non-exploitant :

La situation est bien simple lorsque le preneur décédé n’a qu’un seul héritier et que celui-ci n’est pas exploitant agricole (et n’entend pas le devenir, c’est-à-dire reprendre la ferme de feu le preneur). Certes, cet héritier héritera du droit au bail mais il y mettra un terme par la voie d’un congé à adresser au bailleur dans un délai d’un an à dater du décès, moyennant un délai de préavis de 3 mois (article 40 de la loi).

Le preneur décédé n’a qu’un seul héritier, exploitant :

La situation est simple aussi lorsque le preneur décédé n’a qu’un seul héritier et que celui-ci est exploitant agricole et, donc, entend reprendre la ferme de feu le preneur : cet héritier héritera du droit au bail et entendra le conserver.

La loi (article 39) lui impose d’écrire au propriétaire (par un des modes de communications légal, par ex. recommandé) pour faire part au bailleur du décès avenu : cette obligation n’est cependant assortie d’aucune sanction et la loi ne prévoit aucun délai.

Par contre, il semble bien que, si l’héritier, à condition qu’il soit un parent visé à l’article 43 (descendant, enfant adoptif…), informe effectivement au bailleur qu’il entend « reprendre » le droit au bail (tout en informant du décès, évidemment), il se verra attribuer une première et nouvelle période d’occupation de 9 ans alors que, s’il n’écrit pas de la sorte au bailleur, il poursuivra certes le bail sans toutefois bénéficier d’une première et nouvelle période d’occupation de 9 ans. L’héritier soucieux de la durée de son droit d’occupation sera donc attentif à écrire sans délai au bailleur son intention de « reprendre » le droit au bail.

Les effets de pareil envoi sont, en fait, les mêmes que ceux d’une cession privilégiée visée à l’article 35 de la loi sur le bail à ferme. Il est entendu que, tout comme en matière de cession privilégiée, le bailleur dispose d’une faculté d’opposition, non pas à la transmission du bail en tant que telle, mais au renouvellement de celui-ci par la voie d’une première et nouvelle période d’occupation : la loi renvoie, quant à cette procédure d’opposition, à ses dispositions relatives à la cession privilégiée (35 à 37). En substance, le délai d’opposition est de 3 mois et les motifs d’opposition, limitativement énumérés, sont les suivants : (1) envoi, par le bailleur, d’un congé antérieurement au décès ou à la notification de reprise du bail, (2) intention du bailleur d’exploiter (ou tout membre de sa famille) dans un délai inférieur à 5 ans, (3-4) incompatibilité entre le bailleur et l’héritier (injures ou condamnations de l’héritier), (5) absence de capacité ou de moyens matériels dans le chef du preneur, (6) affectation à des fins d’intérêt général si le bailleur est une « autorité publique »…

Le preneur décédé a plusieurs héritiers dont un seul exploitant :

Là où se complexifie vraiment la situation, c’est lorsque le preneur décédé a plusieurs héritiers. Pareille hypothèse engendre, elle-même, plusieurs sous-hypothèses.

La première sous-hypothèse est celle d’une pluralité d’héritiers dont un seul entend reprendre l’exploitation du bien loué. En ce cas, il est probable, pour ne pas dire évident, que celui-là sera celui, parmi les héritiers, qui reprendra l’exploitation du bien loué. La loi impose deux démarches (qui semblent pouvoir être réalisées par une seule notification). La première, visée, à l’article 39 de la loi, est d’informer le bailleur du décès. Cette obligation n’est assortie d’aucun délai ni d’aucune sanction, ce qui la rend, en fait, peu contraignante puisque l’irrespect de cette obligation ne pourra être puni. La seconde démarche, facultative, consiste, pour les héritiers ensemble, à notifier au bailleur l’identité de l’héritier qui reprendra le droit au bail. Cette démarche est facultative en ce sens que, si pareille notification n’a pas lieu, le repreneur poursuivra le bail alors que, si pareille notification a lieu et à condition que l’héritier soit un parent visé à l’article 43, il bénéficiera d’un renouvellement du bail pour une première et nouvelle période d’occupation (renvoi, à cet égard, à l’hypothèse ci-dessus de l’héritier unique, fermier, qui reprend le droit au bail et le notifie au bailleur).

La seconde sous-hypothèse est celle d’une pluralité d’héritiers dont plusieurs sont exploitants. De deux choses l’une. Soit les héritiers se mettent d’accord entre eux (l’un d’eux reprend ou plusieurs reprennent en commun) : mêmes démarches d’information et de notification que ci-dessus. Soit les héritiers ne s’entendent pas, et c’est alors au Juge de Paix, saisi par l’un ou plusieurs héritier(s), de dire qui, parmi eux, sera désigné pour la reprise du droit au bail. Les critères d’attribution sont expressément visés par la loi, en son article 41, en ordre successif : (1) conjoint ou cohabitant, (2) l’héritier désigné par testament pour la reprise du droit au bail, (3) héritier qui collaborait de façon régulière à l’exploitation (même s’il n’habitait pas la ferme) (critère assez flou), (4) héritier désigné par « la majorité des intérêts » (critère très flou), (5) héritier désigné au sort (c’est-à-dire à la courte paille). Il est précisé que les critères 3 et 4 permettent une reprise en commun du bail, soit par plusieurs héritiers. La loi impose (mais sans sanction et sans délai, à nouveau) d’informer le bailleur de l’identité du ou des héritiers désignés, ce par voie de notification. Si le ou les repreneurs sont des parents visés à l’article 43, s’en suivront le renouvellement du bail et la création d’une première et nouvelle période d’occupation de 9 ans…

La matière étant complexe, il est vivement conseillé de se faire entourer par des professionnels lorsque vient le décès.

Henry Van Malleghem

, avocat au Barreau de Tournai

La Une

Une pause gourmande et durable dans les cantines wallonnes

A table Le 27 mai dernier, à l’école communale de la Court’Echelle à Namur, le ministre Yves Coppieters a donné le coup d’envoi de l’action « Goût&Bio ». Organisée dans le cadre de la Semaine Bio et du Green Deal Cantines Durables, cette initiative met l’accent sur l’alimentation durable à travers des goûters festifs et éducatifs dans 24 cantines wallonnes.
Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs