
Qu’on se rassure, j’ai trop d’amis passionnés par les oiseaux (l’ornithologie) et j’ai participé à suffisamment de formations organisées par les naturalistes pour ne pas penser à mal quand on s’intéresse à la nature.
Mais voilà, comme tout le monde, j’ai vu mon GSM se transformer en smartphone et monsieur Google a repéré mes sujets de prédilection (agriculture, jardinage et climat). Il a désormais la délicatesse, avec ses algorithmes, de m’envoyer spontanément des sujets susceptibles de m’intéresser.
C’est ainsi que j’ai reçu le lien pour accueillir dans mon jardin les oiseaux victimes de… « l’agriculture intensive ». Je lis attentivement l’article et je constate que l’agriculture sert d’appât pour les lecteurs mais qu’en fait, il est essentiellement question de législation sur la chasse par rapport aux oiseaux migrateurs et de technologies embarquées sur le dos de ces oiseaux pour mieux les suivre.
OK, très bien. Pourquoi pas. La législation comme les technologies ont vocation à évoluer.
Finie la bague à la patte pour suivre les migrations. On leur met désormais des petits sacs à dos électroniques qui pèsent, par exemple, 1,5 g sur des passereaux d’environ 50 à 100 g. Ceux-ci se rechargent avec l’énergie lumineuse. Il faut juste capturer l’oiseau une première fois, et, à l’avenir, la seconde prise ne sera plus nécessaire, tout se fera par téléphonie, GPS… Pourquoi pas !
Ce qui m’interpelle, c’est le titre de l’article (repris en boucle par divers sites environnementaux) qui vend l’idée que les agriculteurs sont responsables de tous les malheurs du monde.
Pour avoir connu ce qu’était réellement l’agriculture intensive, il y a 40 ans et pour avoir accompagné l’agriculture vers toujours plus d’agroécologie raisonnée, je sais que, même si rien n’est parfait, nous devrions être fiers d’être nourris aujourd’hui avec un rapport « qualité – prix – santé » exceptionnel.
Et je m’interroge : qu’est-ce qui pousse ainsi la communication écologique à se servir de l’agriculture (en la noircissant) pour parler d’autre chose, sans rapport réel avec le sujet ? Sans doute ce vieux principe stratégique qui veut que pour unir des troupes, il faut les mobiliser contre un ennemi commun.
C’est d’autant plus facile que plus personne, dans les villes et même dans les campagnes, ne connaît réellement les contraintes du monde agricole. On sait que les fermiers existent encore quand on les voit sur les routes « avec leurs gros tracteurs », soit parce qu’ils vont aux champs pour y travailler, soit parce qu’ils vont en ville pour manifester.
Dans l’article en question, on annonce la disparition de 800 millions d’oiseaux en Europe sur 40 ans. Si c’est ainsi, il y a là un grand paradoxe : il y a 40 ans, en simplifiant, on utilisait 30 % de phytos en plus, 30 % d’engrais en plus et on produisait 30 % de rendement en moins. Il n’y avait presque pas de cultures intermédiaires (juste des vesces derrière escourgeon), encore moins de tournières enherbées et autres zones réservées à la biodiversité. Du côté agricole, il y a 40 ans, ce n’était pas l’âge d’or de l’environnement. L’agriculture était alors au maximum de l’intensification et les oiseaux auraient dû crier gare.
Du coup, soyons logiques, si ces chiffres sont justes (?), ce sont vraisemblablement d’autres facteurs qui impactent les oiseaux, comme l’artificialisation des terres, le nombre de voitures qui a doublé en 40 ans… Les experts citent aussi le réchauffement climatique.
Ah, si les oiseaux pouvaient parler, peut-être témoigneraient-ils que tout ne va pas si mal dans l’agriculture d’aujourd’hui.
J’observe que plus d’une centaine de choucas viennent tous les soirs loger en face de chez moi, dans une zone où la recolonisation arborée leur convient. Curieusement, ils font « parlement » sur un grand hêtre pourpre avant d’aller dormir. Ils se communiquent sans doute les belles parcelles agricoles récemment semées (désormais sans répulsifs) qui méritent le détour.
De fait, les choucas et les étourneaux sont des espèces polyvalentes, volontiers opportunistes. Il ne fait toujours bon être le premier à semer une variété précoce, au risque d’être pigeon en leur servant d’appât. Au potager, il est souvent prudent de mettre des filets de protection, mais pas toujours. Allez savoir pourquoi ? Sans doute un équilibre entre l’offre en nourriture, les espèces présentes et le rapport entre elles, outre les habitudes qu’elles prennent en début de saison.
Les spécialistes observent aussi le retour des rapaces dans nos campagnes (faucon crécerelle, buse variable, busard, ou, dans les vallées avec falaises, faucon pèlerin).
Ce qui a surtout changé en 40 ans, c’est en effet le réchauffement climatique lié à l’activité économique : 30 % de CO2 en plus au niveau mondial. En Belgique, le différentiel de température atteint presque 2°C.
Ce facteur n’est pas sans conséquence pour l’avifaune, surtout pour les espèces qui nichent au sol (alouettes, vanneaux…). De fait, les dates de semis et de récoltes sont aussi impactées, ce qui peut poser problème pour les nichées avec risque de destruction lors du passage des engins agricoles. La mutation est sans doute trop rapide pour le monde animal, qui n’a pas encore enregistré cette nouvelle donnée climatologique pour adapter ses comportements reproducteurs.
D’ailleurs, les oiseaux de nos jardins (mésanges, notamment) souffriraient aussi de ce dérèglement climatique, parce que les insectes (surtout ceux qui passent par un état « chenille ») arrivent à maturité plus tôt qu’avant, privant les jeunes oiseaux de leur nourriture.
Cette année, on a même vu des chenilles de pyrale sortir à Pâques des buis bénis la semaine précédente, au dimanche des rameaux, pour être placés derrière les crucifix.
Et si le facteur principal est le réchauffement climatique, comment expliquer aux détracteurs de l’agriculture que les 2.000 ha de ma commune captent aussi le CO2 de l’air par photosynthèse, deux fois plus que les émissions des habitants de la même commune rurale ? En ce faisant, ils contribuent à la lutte contre le réchauffement. Merci l’agriculture pour ce bon air en plus du bien manger.
On a connu le temps des « climato-septiques », ignorant la réalité des chiffres constatés par les scientifiques. On connaît désormais le temps des « agro-septiques », à leur tour ignares de ce que l’agriculture est devenue, surtout quand cela ne les arrange pas. Pas surprenant que les « communiquant » cherchent l’audience en jouant sur ce tableau.
Amis « ornithos », ne vous laissez pas manipuler.
