en amont des négociations budgétaires
Le 7 juillet dernier, la commission de l’Agriculture (Comagri) a adopté, à une large majorité, un rapport d’initiative sur l’avenir de la Pac. Dans un climat marqué par les incertitudes du prochain cadre financier pluriannuel (CFP), ce texte affirme avec force les priorités de l’institution pour la prochaine réforme agricole. Le rapport, piloté par la députée espagnole Carmen Crespo-Diaz, n’est pas contraignant juridiquement, mais il constitue un signal politique clair adressé à la commission et aux États membres. Il anticipe les propositions sectorielles attendues à l’automne, et inscrit la Pac comme un levier stratégique que le parlement entend préserver dans ses fondements comme dans son ambition.
Une Pac « lisible, forte et stable »
Devant la presse, la rapporteure a défendu une vision ferme, enracinée dans l’histoire communautaire. « La Pac, c’est l’âme de notre projet agricole, et c’est l’âme de la Comagri », a-t-elle affirmé. Pour elle, l’adoption anticipée du texte, qui était initialement prévue le 15 juillet, répond à une nécessité politique : anticiper le CFP et affirmer la voix du parlement dans la répartition des ressources. « Il faut revenir à l’esprit de 1962 », a-t-elle plaidé, en référence à l’acte de naissance de la Pac.
Rejetant « toute forme d’expérimentation ou de dilution », le texte défend une Pac fondée sur ses deux piliers traditionnels, avec des paiements directs qui doivent rester fondés sur la superficie. Le parlement s’oppose explicitement à la perspective d’un fonds agricole nationalisé, qui verrait les États gérer chacun leur enveloppe : « La Pac est trop importante pour être morcelée ou fondue dans les politiques de cohésion », a martelé la rapporteure.
Soutenir les agriculteurs, moderniser la Pac
Au cœur du texte figure l’objectif prioritaire d’assurer une rémunération digne aux agriculteurs, dans un contexte de volatilité des marchés, de pression environnementale accrue et de concurrence extérieure. Le rapport demande le maintien, voire le renforcement, des aides couplées aux secteurs fragilisés, et insiste sur la reconnaissance du statut d’agriculteur actif, notamment pour protéger les plus vulnérables.
Mme Crespo-Diaz a également souligné le vieillissement de la population agricole, rappelant au passage que seuls 11 % des agriculteurs ont moins de 40 ans, et appelé à soutenir l’installation des jeunes via des financements renforcés, notamment par le biais de la Banque européenne d’investissement (Bei). « Il faut garantir la relève générationnelle, sinon nous perdrons notre souveraineté alimentaire », a-t-elle averti.
Le rapport propose aussi de simplifier les écorégimes, dont le caractère volontaire doit être maintenu. Une étude d’impact est demandée pour évaluer si des mécanismes tels que le plafonnement ou la dégressivité des aides pourraient améliorer l’équité des soutiens.
Une réponse aux tensions budgétaires et climatiques
Une politique structurante pour les territoires ruraux
Au-delà des exploitations, la Pac est présentée comme un vecteur de développement rural. Le rapport soutient le Pacte rural européen, demande le renforcement de la réserve agricole pour faire face aux crises climatiques, et propose de favoriser les économies circulaires, les crédits carbone, l’étiquetage de qualité et les niches de marché locales. « Il faut redonner une identité à nos produits et une stabilité à nos territoires », a déclaré la rapporteure.
Elle a également évoqué un sujet encore peu traité par la commission, celui de la santé mentale des agriculteurs. Le rapport recommande des mesures de soutien psychologique, ainsi que des dispositifs d’assurance adaptés aux catastrophes naturelles, pour éviter que les exploitants se retrouvent « seuls face à l’adversité ».
Une large majorité, un message à la commission
Avec l’appui des principaux groupes politiques, le rapport bénéficie d’un soutien parlementaire solide. Carmen Crespo-Diaz a salué « un effort collectif », ayant permis d’intégrer les contributions des différentes sensibilités. Elle a insisté sur la dimension institutionnelle de ce texte : « Le parlement doit exercer son pouvoir de co-décision, tel que prévu par le traité de Maastricht ». Le vote en séance plénière est prévu en septembre. D’ici là, les regards se tournent vers la commission, qui devra arbitrer entre les priorités agricoles, climatiques, sociales et industrielles. Le parlement, pour sa part, a clairement fait savoir qu’il ne transigerait ni sur la cohérence de la Pac, ni sur sa place dans le budget européen.











